Mark Lanegan & Duke Garwood

Prenez, d’un côté, un chanteur américain à la voix délicieusement rauque, qui a notamment fait école auprès des Screaming Trees, et de l’autre, un multi-instrumentiste londonien, qui a tourné et enregistré pour de nombreux groupes (Archie Bronson Outfit, Josh T. Pearson, Wire, Alexander Tucker, The Gutter Twins, Kurt Vile...): forcément, quand Mark Lanegan et Duke Garwood s'allient, les étincelles sont lumineuses ! Le résultat, c’est ce disque, Black Pudding, fruit d’une entente musicale impeccable entre les deux songwriters, lequel réunit avec une belle sensibilité leurs univers respectifs.

Pas de grosse production à l’américaine dans ces douze titres, ni de compositions noyées dans l’abondance d’arrangements : enregistré aux Pink Duck Studios en Californie par Justin Smith (Tegan & Sara, The Hives) et mixé par Alain Johannes (Queens Of The Stone Age), ce disque traverse le prisme de l’introspection à travers des chansons que l'on dirait vieilles comme le temps, mi-blues mi-folk, et qui sentent le vécu et la sincérité à plein nez : il n’y a qu’à écouter les arpèges de la guitare de Black Pudding - que l'on croirait jouée juste à côté de soi - et la beauté singulière du piano-voix Last Rung pour comprendre que ni l’Anglais ni l’Américain n’ont d’envies démesurées, si ce n’est celles d’émouvoir à travers une interprétation juste et intense à la fois.

Peu d’instruments sont nécessaires à leur alchimie : une guitare, un petit effet vocal et ce qui semble être un harmonium sur Sphinx, quelques prises de basses et de batterie sur l’hymne Mescalito et Cold Molly, au groove impeccable, et de judicieuses réverbes sur les voix. On loue l’esprit live conservé sur certains titres (le lo-fi Pentecostal ou le profond et mélancolique Shade Of The Sun) et l’ambiance légèrement pastorale qui s’installe a fur et à mesure du disque, que l'on a d'ailleurs du mal à quitter tant certains hymnes sont intenses, à l’instar de Death Ride, où le chant de Mark Lanegan prend des airs d’incantations christiques, et les interludes instrumentaux (Manchester Special).

Tel un remède aux vices de la société de consommation, ce Black Pudding semble revenir aux valeurs simples, et conte, avec un recul bienvenu, bien des choses, sensations et sentiments détachés de toute connivence mais divulgués, comme on dit, corps et âme. Un disque immaculé en quelque sorte.