SOHN

Début 2013, la toile s'emballe, Internet s'affole. Le compteur de la vidéo The Wheel commence à tourner à plein régime. Caché derrière un pseudonyme, SOHN est à l'origine de cet engouement. Né à Londres et parti vivre à Vienne, l'anglais marque les esprits avec un titre electronica hypnotique fait de frénétiques et répétitives sons de voix robotisés, de paroles macabres, de synthés old school et d'un timbre prenant. Le jeune homme avait déjà frappé quelques mois auparavant avec le single Oscillate dont le clavier pourrait presque s'inviter dans une bande originale d'un film de John Carpenter.

Un peu plus d'un an plus tard, l'anglais présente son premier long format. A l'instar de sa pochette où un homme seul se trouve sur une route comme interrompue par un dégagement de fumée et aux rebords neigeux, ce disque parvient à faire cohabiter un aspect gelé avec une certaine chaleur et une beauté esthétique. Prenez garde, l'écoute de l'album peut provoquer un intense sentiment d'isolement et de perdition. La musique de SOHN est synonyme d'évasion et d'aventure spirituelle. Elle demande de se laisser aller, de s'abandonner et de ne pas présenter de signe de résistance. Elle s'écoute de préférence les yeux clos pour que le cerveau se remémore les impressions rétiniennes de la journée. Les empilements sonores sont délicats donnant l'impression d'entendre les moindres détails jusqu'à l'effleurement des touches du piano par des doigts, tous les instruments sont mis sur le même pied d'égalité.

S'adressant plutôt à un public désireux d'emprunter la route sinueuse d'un voyage au plus profond de soi, ce disque n'en a certainement pas oublié de se faire beau. Très travaillés, les sons paraissent parfois assez simples voire simplistes mais, une fois combinés et assemblés, ils forment un ensemble plus complexe qu'il n'y paraît. Les atmosphères se succèdent passant de l'inquiétude de Fool et de ses synthés alarmistes à l'obsessionnelle ascension de Lessons ou encore aux galopantes triturations de Lights. Ce disque est traversé par les tremblements de l'existence qui lui apportent cette variété de tons et de styles. SOHN ne fait pas dans l'électro pour les jambes, il s'adresse en premier lieu au cerveau, déboussolant l'hémisphère gauche pour mieux s'insérer dans le droit. Il use d'effets répétitifs pour augmenter l'addiction et provoquer chez l'auditeur un désir d'y revenir, d'éprouver comme une sensation de manque.

Efficace et plutôt variée, l'electronica de SOHN pioche un peu dans le glitch, un peu dans la soul, un peu dans la techno minimale et j'en passe. Exigeant sans être élitiste, cet alliage particulier forme une pop électronique qui fait danser et rêver, le tout mis en valeur par la voix prenante de SOHN. Certes, cet album n'a pas « réinventé la roue » comme il le chante mais cela constitue un bel essai que les plus aventuriers sauront emprunter et apprécier à sa juste valeur.