Paul Thomas Saunders

Sans crier gare, un beau jour de 2011, le milieu musical bruisse et n'a d'oreilles que pour Appointment In Samarra, un titre plutôt simple et épuré où, dès les premières secondes, les cordes d'une guitare sèche cohabitent avec la voix déchirante d'un jeune anglais. La presse spécialisée y voit rapidement le prochain Thom Yorke ou le nouveau Jeff Buckley. Paul Thomas Saunders vient de sortir son premier et prometteur EP Lilac And Wisteria. L'année suivante, Descartes Highlands ne fera que confirmer les soupçons, la ville de Leeds compte désormais dans ses rangs un compositeur interprète doté d'un sens de l'écriture certain.

Prise en Californie en pleine Vallée de la Mort, la photo figurant sur la couverture de l'album Beautiful Desolation renvoie à un paysage lunaire et écorché. D'astres et d'espace, il en est justement question jusque dans les titres des chansons qu'il interprète, toujours un peu alambiqués, à l'instar de A Lunar Veteran's Guide To Re-Entry ou encore de Starless State Of The Moonless Barrow. Paul Thomas Saunders accentue les échos sur sa voix, comme pour mieux nous faire ressentir les grands espaces évoqués par sa musique et le sentiment de solitude qui les accompagne. Bénéficiant des cours de chorale qu'il a suivis plus jeune, Paul Thomas Saunders parvient à placer sa voix, à la moduler, la faisant passer d'un état de lente complainte à un autre enchanteur. Sa musique est également fidèle au propos, alternant passages contemplatifs à d'autres plus rythmés. Les couches d'instruments se superposent dans l'ensemble assez harmonieusement, à quelques exceptions près, faisant malheureusement pencher par instants fugaces cette délicate pop folkeuse du côté de la pop de stades.

Désireux de parfaire ses réalisations, Paul Thomas Saunders a pris la décision de réenregistrer quatre titres tirés de ses deux précédents EP pour leur offrir une seconde jeunesse. Ainsi dépoussiérés, les morceaux s'insèrent parfaitement au milieu des plus récents ne permettant ainsi plus à l'auditeur de les identifier et faisant gagner l'ensemble en cohérence. Tout au long de cette traversée, on peut croiser mélodies imparables (Good Women et ses Alleluia addictifs) tout comme des titres plus insipides à l'image de l'introductif Kawai Celeste relevé uniquement par quelques coups de batterie mais qui se maintiendra sur toute sa longueur dans la neurasthénie. Il ne faut cependant pas croire que Paul Thomas Saunders ne soit pas doué pour la chanson mélancolique, la déchirante Waking And Evening Prayers For Rosemary-Mai prouve le contraire.

Au final, Paul Thomas Saunders fait de la musique qui se ressent, de la musique pour penser aux vicissitudes du quotidien, pour faire le point sur soi-même. Ce voyage intérieur assez réussi dans son ensemble demandera à être approfondi lors de sa prochaine venue parisienne en juin à Point Ephémère avec son groupe.