Kid Wave

Kid Wave est le discret et talentueux projet de Lea Emmery, une suédoise arrivée depuis peu en Angleterre pour fuir le manque de perspectives dans son pays natal. Quelques cours de mixage et des démos tombées dans les bonnes oreilles lui ont rapidement ouvert les portes de Heavenly Records, chez qui sort le 1er juin prochain un tout premier album intitulé Wonderlust.

Ce disque frais et direct suinte la pop des années 1990 de la première à la dernière note, arborant un grain noise éclatant. Les morceaux sont d'une redoutable homogénéité, tous forgés dans le même métal qui crie son époque et ravive les souvenirs d'une époque où le rock tenait le haut du pavé dans l'industrie musicale. Car la musique de Kid Wave est très accessible, les mélodies évidentes et accrocheuses s'enchaînent avec naturel sans chercher à déjouer nos sens.

Les singles Wonderlust et All I Want provoquent immédiatement cette sensation de dépaysement chronologique avec leur rythmique ultra classique et leurs plans de guitare power-pop qui ne se mouillent pas beaucoup. La voix de le Lea Emmery est grave et vaporeuse, toujours dans l'insouciance ; elle prend soin de s'appliquer sans trop en faire. Ce style sombre et détaché n'est pas sans rappeler Courtney Love ou sa compatriote Nicole Sabouné, qui elle est parvenue à percer en Suède grâce à des arrangements électro kitsch qui n'auraient sûrement pas leur place ici. L'homogénéité n'implique pas le monolithisme absolu. Ainsi Baby Tiger, inspirée par un rêve, dévoile l'aspect très dur et noir que peut prendre l'inspiration de la chanteuse, à la limite du stoner psychédélique. Puis arrive Sway, une chanson surf pop très sixties et estivale qui s'appuie sur une rythmique désuète de slow. Le morceau planant offre un beau renflement de distorsion et d'énergie qui le fait astucieusement échapper aux canons trop figés du genre.

On pourra quand même objecter un manque de personnalité instrumentale sur l'ensemble du disque. La Suédoise expatriée s'est retrouvée prise de cours par des labels curieux et a du former à la hâte un groupe pour commencer à se produire ; et ce sont des amis proches qu'elle a choisis, probablement au détriment d'une audace ou d'une patte qui auraient pu susciter quelques surprises. Car autant les morceaux sont frais et bien construits, et la voix de la chanteuse envoûtante et mystérieuse, autant les parties instrumentales sont relativement plates. On a parfois l'impression d'écouter en boucle One Of Us de Joan Osborne, et on peut ressentir l'absence d'une rupture qui aurait rendu l'écoute du disque passionnante.

Si Wanderlust ne réunit pas les conditions d'un disque culte, il dévoile néanmoins les talents d'une jeune artiste encore méconnue à la voix suave et à l'écriture riche. La revisite des années 1990, avec des structures simples, des guitares baveuses omniprésentes et des synthés relégués aux oubliettes, continue de dévoiler des aspects passionnants. Wonderlust fait partie de ce voyage aux antipodes du minimalisme soigné.