exmagician

Dans la famille premier album je voudrais... Scan The Blue ! A ne pas traduire par « scanne le bleu », par pitié. Qui dit premier album dit nouveau groupe : j'ai nommé Exmagician. Pas si nouveau puisque les deux amis d'enfance Danny Todd et James Smith ont déjà battu la mesure ensemble accompagnés de trois autres acolytes au sein de Cashier No. 9. Dans le temps, c'est à dire en 2009, les deux Irlandais de Belfast avaient sorti To The Death Of Fun, album largement salué par la critique, les classant proches des Byrds. Décidés à prendre les rennes de leur musique, Danny et James se tournent aujourd'hui vers quelque chose de plus sombre, de plus trouble, de moins lisse. Pas de paroles d'amour, ici on parle d'espoir, de confiance, de revanche.

Avec l'aide de Rocky O'Reilly, Exmagician ont sorti en avant-première un EP, Kiss That Wealth Goodbye, le 20 novembre dernier. Les quatre titres donnaient déjà le ton : les deux compères savent faire du rock mais touchent à tous les styles, maniant comme des maîtres le synthé. Ils signent l'EP chez Bella Union, label de Beach House ou encore de Fleet Foxes.
Danny et James ont gagné en confiance et en rigueur de depuis Cashier No. 9. On le perçoit nettement sur Kiss That Wealth Goodbye. Un méchant riff à la guitare ouvre le morceau qui débouche sur des arrangements millimétrés au clavier. La voix de Danny Todd est elle-même travaillée de sorte qu'à la fin du morceau, on croirait qu'ils sont quinze à chanter.

Parmi les titres entraînant, Job Done emplit à 200% l'espace sonore et nous offre pour notre plus grand plaisir un solo de guitare digne de ce nom. On bouge aussi sur Plan Retrieval où James prend le micro. Si les mélodies ne sont pas les plus impressionnantes, les arrangements sont, eux, ultra précis. On sent une certaine obsession du détail, dans le bon sens du terme. Les plus méticuleux entendront des rythmes qui interpellent dans The Rot Set In avec un refrain à sept temps, plutôt rare en musique rock. Sur Bend With The Wind, Exmagician ose même l'alternance d'une mesure en six et une mesure en cinq. Et là, c'est carrément barré.

Si pour vous les histoires de mesures sont du chinois, laissez-vous juste emporter par le petit blues Feet Don't Fail, tranquille, posé, doux comme il faut, avec des slide dans tous les sens. Si le blues ne vous séduit pas, Smile To The Gallery installe une ambiance épurée et planante. Pour cause, la voix n'est jamais agressive (à la manière des Beach House, presque). La fin du morceau est un beau moment de solo instrumental qui frôle l'électro.

Coup de cœur pour Place Your Bets, un rock indé pêchu qui termine en beauté par une coda sur la note de si, où la guest Linley Hamilton s'éclate à la trompette. Et pour parfaire votre cool attitude, Scan The Blue, dernier titre de l'album, oscille entre deux notes au synthé, instaurant le calme quasi hymnique voire prophétique d'une fin de journée, d'un coucher de soleil. Aérienne, pleine d'espoir, la chanson décrit toute l'originalité du duo et sa maîtrise du matériau musical.

Alors non, ne pas traduire Exmagician par « ancien magicien », Danny Todd et James Smith se sont simplement inspirés d'une chanson du groupe Pavement pour leur nom. Qu'importe, la perche est tendue, la « magie » opère à l'écoute de ce nouvel album, grâce à une étonnante manière de faire sonner le rock et les sons électroniques. Petit bémol, l'album ne décolle réellement qu'à certains moments, trop rares à notre goût.