Sampha

Après avoir magnifié les créations des plus grands (Jessie Ware, Drake, Kanye West, Frank Ocean, SBTRKT, Solange...), le génie Sampha fait enfin entendre sa voix. Vierge et pure, comme les tintements des cristaux, juste introduction à quarante minutes et trente-trois secondes de pure extase. Lorsqu'on se trouve comme soustrait au monde sensible. Élévation.

Process : série de changements naturels. Quelle meilleure définition pour ce bijou musical ? Un univers de paroles, qui font naître des images à l'esprit de celui qui écoute (« Magnetic lights in the blue-high haze. A magnifying glass upon my face ») pour la première comme la vingtième fois. On ne s'en lasse pas.
Plastic 100°C : Le chant, ce remède à la timidité, cette voie vers l'expression. Le falsetto parfait. Même sans comprendre les paroles, on est touché. On l'est encore plus en apprenant que Sampha écrit à propos d'une incertitude relative à sa santé (« Usually I'd run home. And tuck the issue under. Oh, sleeping with my worries, yeah. I didn't really know what that lump was »). Parvenir à mettre les mots justes sur la douleur. Les faire chanter !

Sampha sait aussi nous mouvoir, dès le deuxième titre Blood On Me. Puis progressivement sur Kora Sings, titre sur la souffrance d'une mère malade, mêlée à ses ressenti d'enfant (« A mother needs a son so she needs therapy. We don't need to talk, I just need you here. But if you go away, please don't disappear »), un chant de courage très fort (« She says she can't turn tables. Well I say, You don't know how well you are. Or just how strong you are. You don't know how strong you are »). Qui ordonne même le miracle (« Please don't you disappear »).

Voici venu le temps des grosses larmes en chapelle sur (No One Knows Me) Like The PianoSampha en majesté. L'artiste maîtrise l'instrument depuis ses trois ans, sait déposer les notes à leur juste place sur la partition. Ça résonne dans les cœurs.


Cet album fonctionne par nappes successives qui s'empilent comme des strates. Il débute assez sombre, paroles et musique, sa voix voilée, fragile, puis petit à petit devient solaire, s'éclaire, gagne en énergie avec le vif Reverse Faults qui sonne comme un électrocardiogramme sous tachycardie. Hyper introspectif. Quelques morceaux au rythme soutenu, mais malgré tout un ressenti méditatif, voire contemplatif. Des samples de choix : Neil Armstrong sur Plastic 100°C, Chi-Lites sur Timmy's Prayer. Sampha, un artiste complet qui sait tirer le meilleur de son époque, en témoigne son clip de (No One Knows Me) Like The Piano, en 360°. Réalité virtuelle, émotions bien réelles.

Quelle surprise nous réserve-t-il pour son live parisien le 11 mars à la Cigale ? Restons à l'écoute.