Chronique Album
Date de sortie : 11.10.2019
Label : One Little Indian
Rédigé par
Emmanuel Stranadica, le 7 octobre 2019
Sortie de nulle part, le premier album éponyme de Su Shaw pourrait bien être un des tous meilleurs disques de cet automne. En effet, c'est sous le patronyme SHHE que l'écossaise s'était déjà faite remarquer en début d'année avec un quarante-cinq tours limité, Eyes shut/BOY paru chez One Little Indian, la maison de disques de Björk. Y a-t-il de l'Islandaise dans la musique de SHHE ? Pas exactement, car même si la consonance musicale de son album est électronique, les chansons ne gravitent pas dans la même complexité.
C'est avec le premier morceau de son 45 tours que celle-ci décide d'ouvrir son album. Eyes Shut nous entraîne dans un plongeon parfait, dans l'univers terriblement mélancolique de la belle. Le beat désincarné sur lequel Su Shaw chante de cette voix magnétique et désespérée, le tout couvert d'un fond sonore électronique terriblement sombre, fait mouche. Bref, on n'est pas là pour rigoler. Saint Cyrus qui lui fait suite semble davantage lumineux mais s'avère au final particulièrement complexe. Car si la première partie de la chanson, longue de sept minutes, fait l'effet d'une vague downtempo et désenchantée, la seconde partie du morceau se fait beaucoup plus perverse. Sous les coups d'incessants bidouillages électroniques répétés qui accompagnaient déjà la chanteuse au début de la composition, Saint Cyrus devient convulsive et perturbante. Et bien évidemment, on n'en sort pas indemne. Une fois le calme revenu, celle-ci nous balance alors Emma une song pop électro aux connotations XXiennes. Rappelant par moments la voix envoutante d'Elena Tonra, la jeune britannique réussit déjà brillamment à nous convaincre qu'on tient déjà un grand album.
Tournant autour d'un univers confiné, les montées et descentes électroniques des chansons de SHHE peuvent perturber l'auditeur. En effet, l'album laisse rarement place à la simplicité et ne connait qu'à de très rares occasions des véritables moments apaisés. Au contraire, l'immersion dans le monde musical de cette jeune femme ne peut laisser indifférent avec ses mélodies ténébreuses et mélancoliques. Jouant de sa voix à laquelle on prend plaisir à se raccrocher pour réussir à zigzaguer à travers des plages musicales souvent très biscornues telles que Maps et Maps 2. Le morceau découpé en deux temps possède un accent ambient mais s'avère au final bien plus anxieux qu'il ne peut y paraitre. Sa seconde tranche totalement instrumentale est un autre exemple du versant sinueux de la musique de Su Shaw. Celle-ci semble partir dans les méandres d'un monde d'où on ne revient pas. Longue de dix minutes, la complainte apparait comme un accomplissement de précédents moments déjà sérieusement tourmentés, comme Beds par exemple.
Il faut bien avouer que ce disque a laissé son empreinte sur nous. Abouti, mais surtout habité, SHHE est une courte balade (le disque ne contient que sept compositions et dure trente-quatre minutes) dans la galaxie ténébreuse de cette jeune femme. Ce premier coup d'essai est assurément une jolie entrée en matière. La saison s'y prêtant parfaitement, on retournera avec grand plaisir se perdre dans ces chansons, qui malgré un côté parfois obscure, nous permettent d'atteindre une forme de paix intérieure.