Manic Street Preachers

Les Manic Street Preachers sont décidément une mine d'or à la source intarissable. Le groupe n'a eu de cesse tout du long de ses trente années de carrière d'embellir les étagères de ses fans à grand renfort de coffrets bourrés de démos, inédits et enregistrements live ou de compilations de face B toujours très riches.
Les prolifiques gallois ont toujours porté un soin infini à leur imagerie, leurs disques étant toujours dotés de créations issues de l'imaginaire fertile de Richey Edwards et Nicky Wire, les deux amoureux des arts sous toutes leurs formes. Il est donc logique que les décennies passant, les célébrations des premières œuvres se fassent dans un déluge de matériaux tous plus soignés les uns que les autres.

Cette année, l'occasion est un peu spéciale car il ne s'agit pas d'un anniversaire. Gold Against The Soul est le second album studio des Manic Street Preachers sorti en 1993 et se trouve être le disque le moins apprécié par le groupe lui-même, ses conditions de production ayant été particulièrement mal vécues par la jeune formation. Encore portés par Generation Terrorists qui les a fait caracoler dans les charts avec les pointures du moment telles Nirvana, Pearl Jam, Charlatans et autres Stone Roses, les grands labels se sont alors trop immiscés dans la direction artistique du groupe.
De la débauche de moyens financiers mis à leur disposition en est sorti un disque répondant aux codes du rock de ce début des années 90 mais aux angles plus arrondis et aux singles beaucoup plus mainstream que l'opus précédent. A grand renfort d'émissions télévisées diverses, de vidéo clips hyper lookés et d'innombrables articles dans la presse adolescente, les Manic Street Preachers ont ressenti comme une perte de leur identité à la base prolétaire et engagée.

Pourquoi cette réédition aujourd'hui me direz-vous ? La maturité de nos jeunes cinquantenaires aidant, une bienveillance retrouvée envers le passé et pas mal de titres de cet album joués en live sur la dernière tournée ont redonné confiance en ce disque mail aimé. Nicky Wire a ainsi déterré lors du déménagement de leur studio d'enregistrement une multitude de pistes jamais exploitées. C'est donc dans un esprit de réconciliation et parce que Wire collectionne minutieusement les photos du groupe que l'occasion de proposer un coffret réédition était à saisir.

Il nous est ainsi proposé deux objets de collection : le coffret CD avec deux disques munis du tracklisting original remasterisé, des faces B et de toute une série de démos et de lives, le tout proposant presque une quarantaine de pistes.
L'artbook est évidement présent et particulièrement fourni car fort de 120 pages de photographies du collaborateur de longue date Mitch Ikeda. Le coffret vinyle se voit uniquement doté du tracklisting d'origine remasterisé mais contient un code pour télécharger les face B du premier disque. Malheureusement, les nombreuses démos du disque 2 resteront l'apanage des détenteurs de la version CD.


Retour en ce début 1993 où les guitares saturées et rugissements encore teintés de hard rock fin 80s font place à la déferlante britpop et ses nombreuses icônes en devenir comme Blur, Suede ou Pulp. C'est peut-être parce que les Manic Street Preachers ont tenté de rendre accessible leur album à un nouveau public que le disque reste inégal. Les pamphlets anti-conservateurs (Gold Against The Soul), non-conformistes (Nostalgic Pushead) et les titres plus personnels, premiers reflets du mal être grandissant de Richey Edwards (Roses In The Hospital, Yourself) se mêlent à des morceaux plus lisses flirtant avec quelques platitudes (Life Becoming A Landslide, From Despair To Where, La Tristesse Durera).
Voilà pourquoi les face B comme Donkeys, Comfort Comes et Wrote For Luck ainsi que les inédits tels Charles Windsor, Us Against You et Patrick Bateman redorent le blason rock de cette période du groupe.


Le second disque est comme à l'accoutumée réservé aux aficionados car garni de nombreuses démos d'origine qui nous permettent de redécouvrir les morceaux de façon plus dépouillée et donc d'en apprécier encore plus les voix et les mélodies. Quelques remixes en mode dub et techno (les années 90-95 étant une époque phare pour les rave parties) raviront ou surprendront les auditeurs.

Cette réédition de Gold Against The Soul permet au groupe de présenter une version différente de leur album initial. Sans chercher à dénaturer le travail d'origine, on sent néanmoins comme une envie de se justifier sur la ligne artistique suivie par le groupe à l'époque.
A leur décharge, la création de ce disque a été difficile, le groupe enchainant la folie Generation Terrorists en prenant possession de façon maladroite des studios fastueux et devant faire face à pas mal de drames personnels (ndlr : la mère de James Dean Bradfield souffrant d'un cancer, le décès du manager et mentor Philip Hall et les angoisses de plus en plus présentes chez Richey Edwards qui mèneront seulement deux années plus tard à sa disparition). Seul le mariage heureux et toujours d'actualité de Nicky Wire semble avoir donné un peu de joie lors de la production.

L'étape du second album étant particulièrement rude pour un groupe après un premier essai très concluant, les critiques et le public étant aux aguets, on comprend la pression subie et le résultat à l'époque en demi-teinte. Il est donc grand temps aujourd'hui de redonner ses lettres de noblesse à ce Gold Against The Soul qui finalement a su remettre dans le droit chemin du rock contestataire les Manic Street Preachers. The Holy Bible en 1994 viendra confirmer ce retour aux sources.