Fears est le pseudonyme d'une irlandaise basée à Londres. Artiste visuelle, musicienne et productrice, Constance Keane combine samples acoustiques, sons électroniques et échos, harmonies vocales solaires, pour une musique dans laquelle il est facile de se plonger et d'oublier le reste le temps d'un album.
Fears fait donc pratiquement tout elle-même, musique, production, et également vidéo clips. Même la robe que l'on voit sur la pochette a été pensée par l'artiste aux multiples facettes. A noter également que ce premier album de Fears est le premier LP publié sur le label TULLE, fondé par Constance Keane et Emily Kendrick, et mené par des femmes et personnes non-binaires, soutenant principalement femmes et artistes non-binaires.
Composé sur cinq ans, Oíche (« nuit » en gaélique irlandais) nous emmène dans un univers minimaliste où la rêverie est de mise. Il débute par h_always, titre aérien construit sur une guitare légère et une percussion électronique imitant des battements de cœur. Il donne le ton de l'album, naviguant entre breakbeat et samples acoustiques surmontés de la voix douce, presque murmurée, de l'artiste. Les thèmes sont également donnés, et l'on perçoit déjà la sensibilité artistique de l'artiste dans ces deux phrases : « I'm black and blue on the inside too » et « You say that you need space and I need time to regrow but I'm black and blue ».
Les deux titres suivants, Bones et daze, présentent une atmosphère mélancolique qui rappelle l'artiste suédoise Fever Ray, tandis que Fabric tranche légèrement avec sa boucle de synthétiseur simple mais entêtante, qui ferait presque danser. Comme sur de nombreux autres morceaux de l'album, les percussions électroniques de breakbeat contrastent avec la douceur du chant et de la voix suave de Constance. C'est certainement le morceau le plus rythmé de l'album, judicieusement placé presque à la moitié de l'album.
L'inquiétante vines fait suite et est tout aussi saisissante que les visuels du clip présent plus haut, qui font écho aux paroles. La berceuse Dents, écrite durant le premier confinement de 2020, tranche avec le titre précédent, par son ambiance paisible, et son thème : la prise de temps pour soi-même, l'auto-guérison, accepter l'aide et le soutien de sa famille en attendant de pouvoir soi-même aider son prochain. C'est ce que l'on retrouve d'ailleurs sur l'enregistrement sonore Brighid, dialogue entre sa sœur, et sa grand-mère atteinte de démence, maintenant décédée. On peut y écouter une discussion sur les souvenirs d'enfance de Brighid afin de retarder les effets de la maladie. Il s'agit là d'une introduction à la magnifique tonnta, qui évoque les différentes étapes de la démence, comparées à des « vagues » (traduction du nom du morceau). Ce titre débute par une guitare aérienne pleine de tendresse, qui semble faire écho à la houle du clip vidéo. Houle à laquelle l'artiste semble confrontée, ayant du mal à ne pas se retrouver submergée par la maladie de sa grand-mère qui progresse. La phrase irlandaise « Bím buartha faoina dtonnta » répétée signifie d'ailleurs « Les vagues m'inquiètent ».
Tout au long de l'album, nous sommes plongés dans des ambiances tantôt mélancoliques, tantôt lumineuses. Nous naviguons entre les pensées et émotions de l'artiste qui chronique cinq années de sa vie, entre traumatisme, dépression, guérison et enfin acceptation de soi, thème qui clôt l'album sur two_. Sur ce disque à la musique éthérée, Fears se livre, partageant ses difficultés et réflexions, au travers de thèmes finalement universels.