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Ross From Friends - Tread
Chronique Album
Date de sortie : 22.10.2021
Label : Brainfeeder
45
Rédigé par Franck Narquin, le 22 octobre 2021
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Ross From Friends, découvert il y a trois ans avec Family Portrait, premier opus prometteur de house lo-fi, revient avec Tread, second album bien plus ambitieux et abouti, signé sur Brainfeeder, le label de Flying Lotus. Derrière ce pseudo potache, trouvé lors d'une session d'enregistrement au cours de laquelle une télévision diffusait en boucle des épisodes de Friends, se cache dans sa version studio le seul producteur Felix Clary Weatherhalll (à ne pas confondre avec Andrew Weatherall, auteur du mythique remix de Loaded de Primal Scream) et dans sa version scénique, un trio un composé de Felix, Jed Hampson et John Dunk, offrant un mélange explosif de musique live à base de guitare, clavier et saxophone et d'électronique.

Nos lecteurs les plus érudits, ainsi que les sériephiles époque Canal Jimmy, auront noté l'humour des équipes de Coachella qui ont osé programmer une battle entre Ross From Friends et DJ Seinfeld lors de leur édition 2019. La blague n'était pourtant pas gratuite tant l'univers du producteur suédois semble proche de celui de l'anglais.

En attendant de confirmer leur réputation live le 4 novembre prochain au Trabendo, attelons-nous à une revue morceau par morceau de Tread, album d'electronica détonante enregistré à partir de Tresho, outil de production étonnant, dont nous reparlerons juste après. Titre d'ouverture et premier single, The Daisy, dont le vidéo clip nous plonge dans le monde étrange du speed-cubing, ces compétitions de Rubik's Cube dont seul les anglais, les geeks et français 80's comprennent les enjeux, donne le la de l'album. Sa rythmique 2-step et sa boucle vocale haut perchée et entêtante, que n'aurait pas reniée Caribou, parlent autant à nos jambes qu'à nos cœurs. Love Divide, accélère ensuite le tempo avec son électro minimaliste tout en crescendo, évoquant tantôt la rave 90's, tantôt les cousins irlandais de BICEP. Les beats de Revellers, funky et filtrés à souhait, fleurant bon la french touch s'acoquinent à merveille avec ces synthés barrés, mélancoliques et dansant comme dans les meilleurs Hot Chip. Sur A Brand New Start, Felix délaisse un instant l'electronica pour s'essayer à un pur moment de soul 70's où les glitchs synthétiques font place aux craquements organiques des vinyles d'époque.

XXX Olympiad calme le jeu à base d'IDM rêveuse tout juste réveillée de temps à autre de sa douce torpeur par une suave voix soul, un pied dans le Leeds de Warp, l'autre dans le New-York du Paradise Garage. Sur Grub, les nappes vaporeuses se déchirent sous les coups méthodiques de beats syncopés, un peu comme si Aphex Twin s'attaquait à la BO de Twin Peaks. Construit à base de superposition de pistes sonores, Spatter/Splatter échappe à l'exercice de style arty grâce à sa trame mélodique solide. Le genre de son qui gagne ses galons au fur et à mesure des écoutes.

Après ces sept morceaux denses, le filler ambient Morning Sun In A Dusty Room se déguste comme une tranche de gingembre entre deux sushis, juste là pour reposer nos oreilles mais finalement nécessaire pour mieux apprécier les plats de résistance. Après une longue introduction cotonneuse de plus de deux minutes, Run monte régulièrement en pression, tout en douceur et en énergie contenue et s'avère finalement plus adapté au sport en chambre qu'aux courses de vitesses. A ce stade de l'album, on se dit qu'il ne manque qu'un véritable hymne dancefloor, pour remuer son booty toute la nuit sans se soucier du lendemain. Life In A Mind tombe ainsi à point nommé et délivre une acid-house 90's pur jus imparable qui fera se transformer n'importe quel expert-comptable neurasthénique en clubber du Berghain. Tread se clôture sur Thresho_1.0 et Thresho_1.1, deux morceaux enregistrés en une seule prise avec Tresho, logiciel conçu par Felix Clary Weatherhalll lui-même, permettant de capter de la musique électronique sur Ableton dans les conditions du live et à partir duquel il s'est constitué une immense bibliothèque sonore ayant servi de base à la composition de l'album. Une manière originale de présenter au public les dessous de sa création mais qui peut aussi se voir comme une profession de foi artistique, célébrant dans un même élan, la pureté absolue du premier geste, spontané, sans calcul ni maquillage, et le caractère par essence inachevé d'une œuvre musicale, toujours à réinventer, réinterpréter ou remixer.

Si ses influences musicales demeurent bien présentes et identifiables (en témoigne le déluge de name droping de cette chronique), Ross From Friends parvient ici comme nul autre à les déconstruire et remodeler, faisant de celles-ci non pas des ombres écrasantes mais une matière première riche, source d'inspiration pour cette musique à la fois familière et surprenante. Celui qu'on considérait sur la foi de son premier album comme un artiste sympathique mais sans grand relief renverse complètement la tendance pour devenir notre chouchou, exactement comme Ross dans Friends.
tracklisting
    1. The Daisy
  • 2. Love Divide
  • 3. Revellers
  • 4. A Brand New Start
  • 5. XXX Olympiad
  • 6. Grub
  • 7. Spatter/Splatter
  • 8. Morning Sun In A Dusty Room
  • 9. Run
  • 10. Life In A Mind
  • 11. Thresho_1.0
  • 12. Thresho_1.1
titres conseillés
    The Daisy - Revellers - Life In A Mind
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