The Pop Group

Attention, l'exercice de cette chronique se veut risqué car son contenu concerne l'une des pièces les plus cultes de la scène post-punk anglaise de la toute fin des années 70. Notre attention se porte sur le premier album de The Pop Group, Y, sorti en 1979 et revisité en 2021 par son propre producteur, le rasta Dennis Bovell, dans une version 100% dub intitulée Y In Dub. Un drôle d'exercice car ce voyage situé en dehors des limites de notre système solaire est déconcertant, autant par l'écoute de la version originale et celle retravaillée que par la comparaison entre les deux.

Pour rappel ou pour votre information, The Pop Group est une formation ayant évolué à la vitesse de la lumière entre 1979 et 1980 avec deux albums Y et For How Much Longer Do We Tolerate Mass Murder? , ainsi qu'une poignée de concerts se déroulant dans d'obscures salles et évènements militants.
La formation menée par le géant (2m de hauteur) et fort en gueule Mark Stewart aura pour crédo de ne jamais rentrer dans le carcan de la musique punk qu'elle considère déjà à l'époque comme conservatrice car trop entendue. Dès lors, forts de leurs influences multi-culturelles, autant sociales que musicales, The Pop Group au doux nom ironique proposent le temps de deux disques un mélange de funk, jazz expérimental, krautrock, reggae et tout de même une bonne base de punk, s'éloignant ainsi de tout ce qui était mis en avant sur la scène dédiée aux jeunes, remisant les Sex Pistols et autres Clash au rang de popstars de magasines pour adolescents.

L'éphémère carrière du groupe a contribué à son caractère quasi sacré, devenant la source d'inspiration de musiciens tels Bauhaus, Primal Scream et Nine Inch Nails. Pratiquant un militantisme socialiste, anarchiste et anti-raciste, alors vent debout contre Margareth Thatcher qui prend le pouvoir lors de son émergence scénique, distribuant à tour de bras ses cachets aux associations caritatives et activistes, The Pop Group n'auront de cesse de déconcerter et de choquer avec des titres fort tels Words Disobey Me, Blood Money ou We Are All Prostitutes. Arborant un style qu'on ne peut ni chanter, ni danser ni même fredonner, la musique se place à la pointe de l'avant-garde et les intronise dans le club fermé des groupes cultes.
The Pop Group reviennent sur le devant de la scène en 2015 avec Citizen Zombies et en 2016 avec Honeymoon On Mars, tout aussi puissants dans les messages qui prennent encore plus d'ampleur à l'heure d'internet. Un petit tour et puis s'en vont jusqu'à la réédition en 2019 par Mute de Y, puis sa nouvelle version retravaillée par son producteur historique aujourd'hui.


Disons-le immédiatement : le résultat ne vient pas réinventer le contenu, comme ce en quoi consiste le principe de remaster ou remix. Ici, partant d'une base immergée dans un son dub à la limite du chaotique, le travail de Dennis Bovell vient tout simplement amplifier cette musicalité si particulière. La sensation d'évoluer dans un univers sans aucun cadre fixé, d'errer dans un environnement inconnu voire hostile se fait ressentir au travers des digressions sonores de Savage Sea au piano strident et au chant torturé, des cris du saxophone discordants de Don't Call Me Pain et de la rythmique qui nous emmène à la limite de la crise de tachycardie avec Boys From Brazil.


L'amplification des effets d'échos et la surpuissance de la ligne de basse rehaussent ainsi le travail original en y rajoutant ce qu'il faut d'angoissant, d'éreintant mais surtout d'exaltant. Tout du long les cris d'agonie de Mark Stewart, notamment sur le tiraillant Don't Sell Your Dreams sont, à quelques jours d'Halloween, un bon exercice pour tester ses nerfs. On retrouve dans les titres un peu plus accessibles que sont We Are Time, Snowgirl et le single She Is Beyond Good And Evil les effets de distorsion tant sur le son et le chant qui dans leur version dub les dotent d'une surcouche de charisme.

Déjà hissés au rang de groupe culte de par leur musique difficilement identifiable et leur manque total de succès commercial, The Pop Group se voient proposer avec cette revisite qu'est Y In Dub l'opportunité d'attirer à eux une nouvelle génération qui recherche l'authenticité et le hors classe. A cette époque où les réseaux sociaux massifient les individualités au travers de groupes, communautés virtuelles ou de l'utilisation de divers hashtags, The Pop Group et leur profil des plus anti conformiste constituent une leçon pour celles et ceux qui souhaitent comprendre la réelle signification du mot punk.