Rachael Dadd

Est-ce que vous aimez la claustrophobie ? Est-ce que vous aimez vous sentir oppressé dans des endroits exigus dénués de verdure pendant plusieurs mois d'affilé ? Est-ce que vous aimez la dark wave mancunienne et l'électro-trap-industrielle ? Alors je suis désolé de vous avoir autant hypés pour rien, mais vous feriez mieux de passer votre chemin, tant ce nouvel album de Rachael Dadd est au contraire une ode à la nature et à la liberté, une rivière rafraîchissante dévalant, limpide, les pentes d'une montagne lunaire aux premières lueurs du printemps.

Visiblement très marquée, comme beaucoup, par les multiples confinements du COVID-19 et la paranoïa sociale inhérente à une pandémie de cette envergure, Rachael Dadd a choisi de régler ses problèmes d'une manière qui nous arrange plutôt bien aujourd'hui. Car oui, plutôt que de se mettre soudainement à la pratique du curling sur gazon, activité à la fois peu intéressante et peu fonctionnelle, la prolifique Bristolienne a « profité » de cette période pour s'évader loin, très loin, aux confins de ce que son imagination et sa créativité ont été capables de créer, dans un pays de musicalité où le ciel lui-même n'est plus une limite, un pays quelque part entre les plus hauts nuages et la lune, un pays que s'apelerio Kaleidoscope, par Rachael Dadd.

L'album ayant pour volonté de faire un travelling avant vers les petites et grandes merveilles de notre belle planète, celui-ci s'ouvre logiquement dans l'espace, car nous sommes tous quelque part des Children Of The Galaxy. Zoomant petit à petit vers la planète bleue, Moon Sails vient poursuivre la thématique, créant un duo de chansons faisant allègrement penser à l'inestimable Moon Safari des franco-versaillais de Air, rappelant avec délectation la douce All I Need et la voix aéronautique et spatiale de Beth Hirsch.
Suivant les rails du travelling, enfin posés à Terre, nous nous baladons maintenant dans la verte campagne à toute vitesse, accompagnant un troupeau d'Ox et de chevaux en liberté battant le rythme et menant percussivement toute la chanson. Puis, entourés d'esprits de la nature et de fantômes en tous genres, nous vivons notre Voyage de Chihiro personnel avec le beau River Spirit, dragon vert et turquoise s'écoulant comme la voix de Rachael dans un lit de notes de piano jazz.

Sortons maintenant deux minutes de la métaphore, le temps d'évoquer le parfait single folk Heads Down, musique entraînante, sensation feel good, parfaite petite chanson restant toute la journée dans la tête, sublimement à même de nous remémorer les beaux jours d'été à gambader dans les prés, jours bénis qui ne nous demandaient pas de choisir entre mettre le chauffage ou allumer l'ordinateur pour aller lire Sound of Violence.
Correspondance terminée, nous reprenons désormais notre voyage, cette fois-ci jusqu'au Japon, pays d'adoption de Rachael Dadd. Un pays dans lequel elle a notamment rencontré son mari, le un peu très loufoque ICHI, et où elle a tourné à de très nombreuses reprises, ainsi qu'enregistré son Live From The Planetarium, à Ehime, sur l'île de Shikoku. Un voyage musical, donc, gracieusement offert par White Snow, chanson pure, blanche comme les neiges hivernales d'Hokkaidō, dans un sublime échange entre une guitare brillante et un lancinant kokyū, instrument japonais entre le violon et le shamisen, qui pour la petite info dispose, au choix, de trois ou quatre cordes, et est joué avec un archet.

Le voyage se conclut par Join The Dots, qui nous fait redescendre dans un pays bien plus terre à terre, froid, et réel, un pays dans lequel on doit payer ses impôts et aller travailler sans l'ombre d'une jeune fille en fleurs. Et l'on préférera donc rembobiner la platine, relancer le disque, et revenir dans le pays imaginaire de Rachael Dadd, situé quelque part entre Air, l'espace, et les plus belles productions des studios Ghibli, qu'elle et elle seule sait si bien évoquer dès lors que la musique s'échappe du cornet de glaces.