Cette chronique tombe à point nommé pour celles et ceux qui sont touchés par une grosse déprime face au constat du rock désertant les rendez-vous estivaux chers à nos cœurs, de ceux qui nous font tester les commodités les plus primaires au camping, manger des mets issus des quatre coins du monde mais qui proviennent du même bac à graisse et surtout nous permettent chaque année de suer malt et eau dans la terre sèche ou la gadoue, au son de larsens fameux ou en devenir. Nous ferons exception des quelques warriors qui continuent de résister au nom de leur amour des guitares bien que s’envolent petit à petit au gré du vent tous ces middle-names que l’on découvrait sous le soleil (ou la pluie) pour ensuite courir au disquaire du coin et récolter notre moisson de nouveaux sons.
Alors donc que le sonne le glas pour sa majesté le rock en festival, voici qu’arrivent à notre rescousse Island Of Love et leur premier album le bien nommé Island Of Love, signé chez Third Man Records, label hype co-fondé par Ben Swank et un certain Jack White. Island Of love est un quartet londonien composé de Karim Newble, Linus Munch, Daniel Alvarèz Giraldo et Jimmy Guvercin. Ayant déjà sorti chez Third Man Records le très bon EP Songs Of Love il y a un peu plus d’un an, ce dernier ayant obtenu les encouragements de Sound Of Violence dans son bulletin de notes, le groupe dans sa jolie vingtaine sonne pourtant comme des vétérans d’une scène lo-fi qui nous renvoie loin à l’époque des chemises à carreaux, des tee-shirts Waikiki ainsi que des télévisions analogiques et leur sixième chaîne unique pourvoyeuse de vidéo clips, fidèlement enregistrés la nuit sur des E240 histoire d’en récolter le maximum.
Les racines du son Island Of Love se partagent entre les expérimentations toutes en dissonances garage de Pavement, Sebadoh et Camping Van Beethoven et la touche un peu plus subtile de la scène alternative outre-manche de la fin des années 80 menée par My Bloody Valentine et Teenage Fanclub. Ce qui plaît énormément dès la première écoute est ce sentiment d’être en terrain familier mais en ressentant l’excitation de la nouveauté. Le rock de Island Of Love est fiévreux et gamin, et il repose en même temps sur des fondations très solides qui ont fait leur preuve et continuent quelques décennies après d’influencer les plus jeunes. Les guitares lorgnent vers les riffs tordus du grunge tout en assénant de tonitruant solos de métal où l’on voit déjà les chevelures et les têtes s’entrechoquer.
Pas de demi-mesure avec Island Of Love, malgré un patronyme aux consonances toutes mielleuses. Les titres sont une succession de rafales de guitares qui viennent s’éclater contre les parois de notre cerveau. Ça balance sec, sans réelle ligne conductrice car le résultat se veut explosif et surtout jouissif. On retrouve cette rythmique en mode bulldozer, de celles que martelait à bout de bras mais comme s’il en avait trois paires un certain Dave Grohl alors tout menu mais pas discret derrière ses fûts. Big Whale, Grow ou I’ve Got The Secret envoient du lourd, il y a comme une odeur de gymnase après les cours d’EPS et on se sent d’aller retrouver ses potes en skate à la sortie du bahut.
Mais alors, cet album ne serait-il destiné qu’aux joyeux candidats aux épreuves du baccalauréat ? Eh bien non, car d’une part les minots n’ont pas le monopole du rock qui bastonne (on leur laisse cependant l’odeur de gymnase après l’EPS avec grand plaisir) et d’autre part car on trouve dans la joyeuse cacophonie des quatre anglais une belle et réelle harmonie, dissimulée subtilement dans des morceaux comme Sweet Loaf, Weekend At Clives ou le titre de clôture It Was OK Forever, où on arrive à discerner un chant qui se fait passer comme balbutiant mais qui tient réellement la route (et qui sonne un peu vieux, ce qui aide à apporter du cachet au tout).
Island Of Love proposent donc un agréable patchwork d’influences, certes bien connues de tous, mais qui ne peuvent faire fausse route en 2023, dissimulés dans cette jungle neo-post-punk dans laquelle nous commençons un peu à nous perdre. Nous faisons ainsi face à un groupe qui ne singe jamais et qui réussit à nous redonner foi en un rock simple, décomplexé, débordant d’énergie, un de ce ceux que l’on trouvait systématiquement l’été aux quatre coins de la France, généralement en plein après-midi sous un cagnard assommant.
Cela vaut bien les félicitations dans le bulletin de notes du troisième trimestre et le passage en classe supérieure.
tracklisting
01. Big Whale
02. Fed Rock
03. Grow
04. Blues 2000
05. Sweet Loaf
06. I’ve Got The Secret
07. Losing Streak
08. Weekend At Clive’s
09. Charles
10. Never Understand
11. It Was All OK Forever
titres conseillés
Big Whale, I've Got The Secret, It Was OK For Ever