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Mull Historical Society

In My Mind There's A Room

Mull Historical Society - In My Mind There's A Room
Chronique Album
Date de sortie : 21.07.2023
Label : Xtra Mile Recordings
45
Rédigé par Fabrice Droual, le 21 juillet 2023
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Après avoir publié, en début d'année, des rééditions de ses trois premiers albums Loss, Us et This Is Hope, ainsi qu'un livre-coffret baptisé Archaeology : Complete Recordings 2000-2004, Colin MacIntyre, alias Mull Historical Society, sort ce 21 juillet chez Xtra Mile Recordings un nouveau disque intitulé In My Mind There's A Room.

Le musicien, producteur, auteur et dramaturge a enregistré son dernier album dans un lieu unique : l'ancienne maison de son grand-père Angus MacIntyre, poète écossais et barde, située sur L'île de Mull en Écosse. L'appartement d'Angus situé au-dessus de la Clydesdale Bank de Tobermory a été transformé en un studio entièrement opérationnel, où son petit-fils a pu enregistrer cet album. Ayant grandi sur l'île de Mull, Colin a passé une grande partie de son enfance dans le salon de ses grands-parents à admirer l'une des baies les plus pittoresques d'Écosse. Il y a croisé beaucoup de personnes anonymes mais aussi des vedettes de cinéma (Anthony Hopkins) car il s'y déroulait de nombreux « ceilidhs », rassemblements mélangeant musique et danses folkloriques traditionnelles. L'imaginaire du petit Colin a été nourri des histoires fantastiques de son grand-père connu sous le nom de « Barde de Mull ». Une atmosphère si riche qu'elle lui a donné envie de revenir dans cette pièce.
Les fantômes du passé lui ont inspiré ce disque. Fasciné par la façon dont il pourrait réunir le monde de la musique et de la littérature, Colin s'interroge sur l'origine des chansons et des histoires. Viennent-elles du même endroit ? En pays celte, la lignée d'un barde se reconnait à son talent. Et il n'en manque pas, Colin ! Il sait aussi fédérer autour de lui, car ce ne sont pas moins de treize auteurs qui participent à cet album pour un total de quatorze nouvelles compositions : Jennifer Clement, Liz Lochhead, Alan Warner, Sebastian Barry, Nick Hornby, Stephen Kelman, Jacqueline Wilson, Ian Rankin, James Robertson, Jackie Kay, Jason Mott, Val McDermid et enfin Angus MacIntyre) ! L'album a été mixé par Gordon MacIean et Colin s'est entouré des meilleurs musiciens du Royaume-Uni dans leurs domaines : Andy Samson, Donald Shaw, Camilla Pay, Sorren MacIean, Hannah Fisher ou Phil Bancroft.

L'album commence par le titre Not Enough Sorry où Colin semble pressé de nous livrer sa première transcription musicale de l'écrivaine américaine. Le piano est rapide, la voix de l'Ecossais se croise avec une multitude de voix féminines. Le second morceau, 1952, s'inspire des textes de la célèbre Ecossaise Liz Lochhead. La chanson parle de sa toute première chambre emménagée à l'âge de quatre ans, l'année du couronnement royal. Elle y raconte sa fascination pour les livres et les souvenirs d'un monde vu par des yeux d'enfants. Colin dira « Ce fut une formidable expérience créative et un défi de travailler avec tous les mots originaux des auteurs et de leurs pièces ». Ce morceau de guitare folk, bien qu'entraînant, peut dissuader l'auditeur de poursuivre son chemin, en se disant simplement qu'il a déjà entendu cela. Quelle erreur ne ferait-il pas là ! En effet, dès le troisième morceau, l'opus de Colin franchit le fameux cap d'une oreille qui passe de l'attentif au captif et on n'est qu'au début de cette aventure ascensionnelle Wake Me Up Sally.

Et que dire de l'entame du morceau piano voix sur Kelshabeg ? Le rythme déclenche une émotion immédiate par une voix magnifique et perchée allant chercher les octaves du côté des cieux Coldplay-iens. Le vent se lève sur les notes de piano en fin de morceaux et nous emmènent déjà dans un univers parallèle où il est beau de chanter son appartement, sa maison, son intime. Pas trop vite Mr Colin, il y a déjà tellement d'émotion sans trémolos forcés que je ne vais jamais arriver en haut de ce parcours ! La plume est si ajustée qu'heureusement Panicked Feathers et son démarrage au xylophone nous reposent le cœur dix secondes. Mais très vite Colin nous propose un savant mélange structuré comme un hit des Killers qui serait mixé avec la voix cette fois de Tom Yorke, avant une petite entracte Queen-ienne avec The Red Flame Diner qui sonne d'abord minimaliste, puis trouve une surprenante étendue lyrique aux faux airs d'opéra rock. Freddy l'a fait, Colin aussi !
Même registre avec le titre Somebody Else's Life pour, encore une fois, une très jolie ballade piano voix accordée sur violons. Un nouveau mix entre Elton John et Matthew Bellamy, décidemment Colin MacIntyre s'amuse et nous enchante. Rocket man, sors de ce corps ! My Bedroom Was My Rocket en est la réponse. On accélère le tempo, la voix est transformée par un vocodeur qui trainait probablement dans cette chambre d'enregistrement et on décolle de son lit pour un nouveau voyage cosmique.

Seeds est un morceau de transition et peut-être le plus déstructuré du disque musicalement parlant. On y retrouve une basse et le fameux piano Elton, soutenu par un saxophone d'abord discret puis insistant. On visite une période « peace and love » où la fameuse graine plantée libérait généralement une jolie fleur si le propriétaire des murs en prenait soin.
Cet album nous emporte dans des moments encore plus précieux, en apesanteur émotionnelle. Sur le titre Meltwater, je ne résiste pas : poils des bras hérissés et tête à l'envers. Passée la première minute, je décolle de mon siège, porté par deux touches de piano et une orchestration mélancolique magnifique. La voix de Colin se pose délicatement en fin de morceau pour mieux s'envoler vers les cieux d'un pays merveilleux.
Le musicien nous emmène encore plus loin et enfonce le clou sur les morceaux suivants, All Empty Rooms Must Be Mourned ou Room Of Masks. La voix de l'Ecossais se place merveilleusement bien entre batterie électronique et accompagnement d'une guitare folk. L'écho des voix en fin de morceau amplifie la beauté de cette ballade entraînante « Come and Go » chante-t-il. Pas trop vite Colin, j'en veux encore !

Quelques instants plus tard, le vinyle est placé sur la platine et il craque. Témoignage du passé, c'est la voix de Jennifer Clement qui nous dit que « le roi est mort, vive la reine » sur Anaglypta. Elle nous parle singulièrement avec cet accent si caractéristique : les R roulés écossais du parlé-chanté façon Aidan Mofaft (Arab Strap). Puis le chant apparaît, c'est une bénédiction de Noël. L'émotion me bouleverse à l'écoute de ce slam d'un autre temps et d'une autre contrée. J'imagine le visage de cette femme âgée, sourire aux lèvres, bienveillance dans ses yeux pétillants, pendant qu'en arrières sons j'entends des détonations festives ou martiales. Un conte angélique au piano-voix. La musique s'arrête, Noël s'en va sur « I like to be in my home”.
« Do you remember ? ». Cette fois, c'est le fantôme du grand père de Colin qui remplit la pièce de sa voix d'outre-tombe. Un léger crépitement témoigne de l'âge probable de cet enregistrement. L'ambiance me plonge au côté du barde, mémoire conteuse de l'île de Mull, je me réchauffe dans l'âtre d'une cheminée. Memories Of Mull est le dernier titre de cet album magnifique.

Colin ne chante plus depuis deux morceaux déjà, mais l'état de grâce perdure. In My Mind There's A Room n'est pas un simple album de musique. C'est un rassemblement culturel. Une musique introspective empreinte d'une sensibilité où se mêlent les souvenirs, l'amour et la vie sur l'île de Mull. Colin MacIntyre est authentique et honore le passé avec ce disque à l'avenir triomphal certain. Une œuvre majeure pour notre société qui en a bien besoin.
tracklisting
    01. Not Enough Sorry
  • 02. 1952
  • 03. Wake Up Sally
  • 04. The Red Flame Diner
  • 05. Panicked Feathers
  • 06. Kelshabeg
  • 07. Somebody Else’s Life
  • 08. My Bedroom Was My Rocket
  • 09. Seeds
  • 10. Meltwater
  • 11. All Empty Rooms Must Be Mourned
  • 12. Room Of Masks
  • 13. Anaglypta
  • 14. Memories Of Mull
titres conseillés
    Meltwater - The Red Flame Diner - Panicked Feathers
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