Romy

« Can you turn up a bit more ? ». C'est par ces mots que débute Mid Air le premier album solo de Romy, troisième et dernière membre de The xx a (s'en)voler de ses propres ailes après les escapades plus que réussies d'Oliver Sim et de Jamie XX. Par cette note d'intention, presque un manifeste, Romy s'adresse autant à l'auditeur qu'à elle-même. Il faut monter le son, s'éclater à fond sur le dancefloor mais aussi sortir de sa chrysalide. L'adolescente ténébreuse à la moue boudeuse s'est mue en véritable dancing queen. A l'instar de Georgia, Romy semble vouloir nous dire avec ce disque composé en grande partie pendant le confinement que la fête n'est peut être pas éternelle et qu'ainsi la musique qui l'accompagne se doit d'être euphorique et extatique. En 2023, les cool kids sauront remiser leurs Doc Martens noires douze trous pour enfiler de flamboyantes platform shoes. Faire la tronche, c'est fini, it's time to love and party.

L'anglaise le sait, on peut danser sur tout mais pas avec n'importe qui. Pour son debut-album elle n'a donc pas fait dans la demi-mesure et s'est armée de producteurs poids lourds, également compagnons de route de longue date, tels que Fred again.., Jamie XX ou Stuart Price (aka Les Rythmes Digitales, Jacques Lu Cont ou Zoot Woman). Mid Air fait référence au sentiment de moment suspendu et d'apesanteur qui advient lorsque l'on tombe amoureux. S'il évoque bien entendu la thématique amoureuse, cet album est à la fois festif, intime et politique et traite également du deuil, des relations, de l'identité et de la sexualité.

Avec ses beats sourds et sa voix cristalline et mélancolique, Loveher nous accueille en terrain connu dans le plus pur style The xx avant d'opérer un virage plus pop et plus club, qui servira de ligne de conduite au reste de l'album. Si la sauce prend bien sur ce titre ainsi que sur The Sea, Strong, Enjoy Your Life ou She's On My Mind, les autres morceaux nous laissent quelques peu sur notre faim, trop lisses, trop convenus, trop mainstream. Romy a prêté sa plume à des stars de la pop comme Dua Lipa ou Halsey et on sent ici clairement leur influence. Il ne faut pas faire la fine-bouche devant de la dance-pop grand public de qualité (car dans le genre on reste dans le haut du panier) mais on préfère nettement l'univers beau-bizarre de son comparse Oliver Sim ou celui aussi franchement hédoniste que créatif de Jamie XX.

A moitié convaincant, mi-figue mi-raisin et bien que construit sur la durée et pétri de bonnes intentions, Mid Air ne s'avère être qu'une semi-réussite, son petit filtre papier glacé nous empêchant de réellement ressentir les émotions. Mais le problème vient peut être de nous et de notre indécrottable manie de penser, comme dans Haute Fidélité, le roman de Nick Hornby, que la bonne pop anglaise est nécessairement faite de « heartbreak, rejection, pain, misery and loss ».