The Amazons

Nous assistons en ce début de moi de mai à un retour auquel nous ne nous attendions pas. Il n'est pas ici question d'une reformation mais plutôt d'un retour aux sources musicalement parlant. Avec leur quatrième album, 21st Century Fiction, The Amazons se replongent avidement dans leur amour du gros rock, aux saveurs garage, flirtant avec le hard rock FM qui démultiplie la flamboyance de ce nouveau disque. Cela fait dorénavant presque dix ans que le trio originaire de Reading et mené par le très charismatique Matt Thomson se balade dans notre paysage rock britannique, s'étant construit une belle petite notoriété à la maison mais demeurant bien trop inconnu dans notre contrée.

Après un premier album éponyme qui suintait un rock très épris de grunge américain, c'est petit à petit que The Amazons se sont laissés « happer » par une tendance les éloignant subrepticement de leurs racines primaires. Les disques suivants se sont vus coiffés de singles jamais ratés mais qui gommaient toutes les aspérités du terrain alors arpenté. En un mot comme en cent, une petite « mainstreamisation » se mettait en place, permettant cependant au groupe de s'ouvrir à un public plus large et de s'assurer une plus vaste mise en avant, du moins au Royaume-Uni.
Voilà pourquoi la dernière prestation des Anglais s'est déroulée en catimini au Point Ephémère à Paris, devant un parterre composé de plus de la moitié de compatriotes anglais heureux comme des Papes Léon de profiter de leurs idoles dans une petite salle. Un passage certes remarqué mais à un horaire bien trop précoce il y a deux ans à Rock en Seine n'avait alors pas permis au groupe de faire reconnaître sa véritable valeur.


Pour ce nouvel album, notre crainte de l'effet « pente savonneuse » vers le rock FM était présente. Comme quoi, ce monde est décidément plein de surprises. 21st Century Fiction nous narre l'histoire d'un groupe qui a replongé dans son amour du rock bien puissant, s'éloignant des grosses ficelles auxquelles il a pu faire appel notamment sur How Will I Know If Heaven Will Find Me? en 2022. Sans pour autant se métamorphoser en post-punkeurs déjantés, Matt et sa bande rendent à nouveau hommage à leurs origines plus brutes de décoffrages. Solos de guitares épurés et étirés jusqu'à plus soif, cadence militaire, chant puissamment porté à son paroxysme, The Amazons se sont débarrassés des artifices superflus. On pense aux débuts de The Blacks Keys et de Black Rebel Motorcycle Club, sexy et dangereux à la fois, tout comme à ce goût immodéré du hard rock qu'avaient déjà modernisé Wolfmother. Composé comme un petit opéra rock, avec quelques interludes instrumentaux entre les différents tableaux, certains prenant des airs à la Queen, The Amazons font défiler les actes avec seulement quelques nuances dans l'intensité, celles-ci apportées par des chœurs féminins que nous retrouvons disséminés de-ci, de-là.


Cette déferlante de gros larsens ne se fait jamais de façon décousue. Elle nous évoque l'élégance du hard rock FM, quand énergie et raffinement des mélodies se côtoyaient sans aucun tabou, grâce au mariage des guitares rugissantes et des fines touches de clavier venant temporiser le tout. L'entrée en matière qu'est Living A Lie, avec son intro à base de violon et son chant féminin gracieux, l'abattement des gros riffs bien gras derrière et le chant toujours aussi juste de Matt Thomson forment une alliance qui nous annonce immédiatement que The Amazons se propulsent dans une autre catégorie, plus mature et qui flirte sans vergogne vers un rock bien plus classique, empreint d'influences que beaucoup d'ailleurs considéreraient un peu désuètes. Night After Night, My Blood ou Wake Me Up (ces trois titres à la suite les uns des autres, ne permettant ainsi aucun ménagement) tout comme le presque théâtral Heaven Now sont d'une redoutable efficacité, et se démarquent du registre beaucoup plus simpliste qu'à pu aborder le groupe sur les deux albums précédents.

Peu importe les à priori face à ce style ouvertement d'une autre époque, le résultat est un disque qui fait s'enchaîner des morceaux qui puisent dans les racines hard rock et qui, mis à la sauce 2025, offrent une formule qui plaira autant aux anciens chevelus qu'aux plus jeunes. Le groupe nous dévoile une aura beaucoup plus imposante avec ce 21st Century Fiction, album qui nous hurle toute sa rage d'une façon incroyablement sophistiquée. The Amazons, s'ils persistent dans ce registre, franchissent indéniablement et haut la main un nouveau cap dont on espère qu'il leur permettra enfin de réellement se démarquer, surtout dans l'Hexagone.