LMC. Livre Malveillant Cadenassé ? Lord McDonald de Canterbury ? Lapin Majoritairement Carnivore ? Eh non, c'était Laura-Mary Carter, la moitié à six cordes de Blood Red Shoes qui pose pour la première fois son cheval en solo dans la ville de Paris. Plus de punk, plus de rock, plus de grosses guitares saturées et de blondinet surexcité, plus de Londres ni de Brighton, la Laura-Mary Carter punk-emo est retournée brosser sa frange en 2008, quand celle de 2025 vient de Memphis dans le Tennessee, porte une étoile à son chapeau, un fer à cheval à son cou, des éperons à ses santiags, et débarque à Paris pour être un cowboy, baby !c
Un cowboy qui descendra de l'Eurostar sous un orage de grêle dont elle se souviendra longtemps, mais là n'est pas la question, car il y a une nouvelle shérif en ville et un adjoint recruté sur place, enfin presque car
Ryan Egan est un américain dans Paris, et le plus anglais des américains dans Paris. Un set en piano-voix dans le coin du Supersonic Records, iconique coin de mur de l'ancien disquaire tapissé d'amplis et d'instruments encastrés dans la façade, devant lequel Ryan nous fera le plaisir de nous jouer son prochain album, d'abord seul puis avec son pote Tomer Lavie de TheLongoodBye. De la chanson intimiste au piano et à la guitare, chantée par un gentleman new-yorkais coiffé comme Hugh Grant, quelle meilleure vision de terre que celle-ci pour débarquer dans l'Amérique de
Laura-Mary Carter, la reine de l'ouest, la terreur du Mississippi, la fan numéro un d'Elvis du Sussex jusqu'aux Cornouailles.

Un titre durement gagné qui méritait bien que tout le monde mette ce soir la main à la pâte, le pied à l'étrier, et le costume à la ceinture : Dylan Jones à la basse et à la chemise western, Thomas McBrien aux claviers, foulard rouge autour du cou, Oscar Sholto sapé comme jamais à la batterie dans sa veste de soirée blanche à col noir, et David Bardon à la guitare, votre pote qui a oublié que ce soir c'était soirée à thème. Un backing band sans aucun doute recruté comme dans les Blues Brothers, pour mettre en musique et en lumière les deux étoiles de la soirée, Laura-Mary Carter et Holly Macve. Holly Macve, née en Irlande, élevée dans le Yorkshire, et la fan numéro un d'Elvis de Scarborough jusqu'à Galway, venue ce soir faire les chœurs et jouer du tambourin pour l'une de ses meilleures amies.
Un amour commun du folk, de l'americana, de la country, et d'Elvis Presley qui réunit ce soir un public « d'époque » et des musiciens talentueux autour des chansons du premier album à venir de Laura-Mary Carter. Un groupe à l'image de sa chanteuse-guitariste, timide et réservé, brillant et passionné, quand défilent les ballades dans le poussiéreux sillage des diligences jusqu'à une ville du nom de rien.
Town Called Nothing fait craquer les amplis sur des routes qui ne mènent nulle part, le public est compact, collé à la scène pour ne rien manquer des vastes étendues sans but qui s'impriment sur les vitres de la Chevrolet, et dans la nuit noire du désert, le moteur gronde et les coyotes hurlent face au vent.
Mais la vie n'est pas qu'un désert de sel froid et venteux, et parfois les étoiles s'alignent comme les roues de la machine à sou.
777 triple la mise, et Laura-Mary chante seule son dernier single de Saint-Valentin sous les regards ravis d'une foule amoureuse, petit interlude enchanteur qui laisse le groupe se jeter quelques gorgées en vitesse, avant de revenir sur la scène du saloon, et de reprendre là où on s'était arrêtés. J'entends par là Laura-Mary, guitare à la main, les yeux fermés, qui met en musique les peines et les douceurs de l'amour, la voix d'Holly Macve comme des cheveux emmêlée dans la sienne, tapissant à l'aide de son groupe une chambre de motel aux goûts et aux couleurs du King. Un motel des cœurs brisés entièrement repeint de lumière,
Blue's Not My Colour sera la deuxième et dernière chanson du très bel EP
Town Called Nothing jouée ce soir, un EP sorti il y a déjà trois ans et demi dont la suite ne devrait heureusement plus tarder à arriver, une suite aux accents du Tennessee enchaînant
Tell Me You're Sorry,
I'll Laugh About It, et pour finir la très belle ballade
Bye Bye Jackie.

Bye Bye Jackie mais pas Laura-Mary, le groupe reviendra sur scène pour un dernier « impromptu », et dans le ciel sans nuages de Paris, lavé d'un orage qui enfin s'en est allé, ce soir la lune est belle, ce soir la lune est bleue.
Blue Moon, la chanson de Richard Rodgers et Lorenz Hart, depuis reprise par Frank Sinatra, Ella Fitzgerald, évidemment Elvis Presley, et plus évidemment encore par ce duo magique de réalisatrices d'une Amérique fantasmée, rebelle et libre, défiant l'impossible d'un regard brillant : Laura-Mary Carter et Holly Macve.
Un final de concert après seulement une heure, et un passage presque éclair pour la première de l'artiste sous ses nouvelles couleurs : des couleurs à son image, celle d'une carrière solo qui ne cherche qu'à être elle-même, loin de Blood Red Shoes et de tout ce pour quoi les gens la connaissent, assumant pleinement sa sensibilité, sa réserve, son amour d'un genre musical et d'un idéal que d'aucuns jugeraient désuet mais qui sont une part grandissante de sa personnalité, et c'est encore ça le plus important. Être soi-même et faire ce qui nous plaît, et non pas ce que les autres attendent de nous, et même si on aimerait bien des concerts plus longs, avec plus de sourires, plus de rires, et plus de folie, il n'appartient qu'à ceux qui sont sur scène de donner ce qu'ils peuvent donner, et ce avec lequel ils se sentent bien. Alors à nous aussi d'accepter les autres pour ce qu'ils sont, et de simplement profiter de ce qu'ils donnent quand ils le donnent aussi bien que Laura-Mary Carter, une grande dame du punk et du rock anglais en passe de faire sa place dans le far west de la country, sans oublier la fan numéro d'Elvis, du Sussex jusqu'aux Cornouailles en passant par l'Île de Wight.