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King Nun

Lamb

King Nun - Lamb
Chronique Album
Date de sortie : 29.09.2023
Label : Marshall Records
4
Rédigé par Adonis Didier, le 29 septembre 2023
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L'agneau, ce petit animal blanc et cotonneux, jeune enfant gambadant dans les prés salés de la belle Normandie, délicieux en ragoût, tajine, gigot, saupoudré de thym, de menthe, de beurre persillé, mijoté à l'irlandaise, grillé au barbecue, confit dans du vin rouge et entouré de carottes et de pommes grenailles. Jeune mouton n'ayant pas encore fêté son premier anniversaire, peu d'animaux sont aussi marqués dans leur signification occidentale que l'agneau, symbole de pureté et de fragilité sacrifiée sur l'autel des péchés humains, de l'envie, de la gloutonnerie, agneau de Dieu cloué sur une croix plutôt que d'en faire un kebab, dévoré par le grand méchant loup capitaliste, communiste, islamiste, bref mon passage préféré reste encore quand il ouvre les sept sceaux pour libérer l'apocalypse, petite vengeance pas volée du faible contre la vicissitude crasse de ce monde de merde.

Et je vis l'Agneau qui ouvrit le premier des sept sceaux, et j'entendis l'un des quatre animaux qui disait comme d'une voix de tonnerre : « En disant monde de merde, j'ai voulu dire que le monde allait mal, c'est un cri de révolte que j'ai lancé à mes frères opprimés. Finissons-en avec la résignation et l'indifférence, ouvrons les yeux, partout l'injustice, le nationalisme, l'exclusion, ça me débecte ! ». Et comme le cri de révolte de Georges Abitbol s'intitulait monde de merde, celui de King Nun sera donc nommé Lamb, agneau en français, deuxième album du quintet londonien le plus américain de tous, descendants britanniques de Weezer et des Foo Fighters, et défenseurs de l'efficacité pop-rock face à l'incontrôlable et incontrôlée vague post-punk.
Auteure d'un premier album, Mass, qui mélangeait très agréablement post-punk et rock californien, la bande désormais composée de Theo Polyzoides au chant, James Upton et Ethan Stockley-Young à la guitare, Nathan Gane à la basse, et Caius Stockley-Young à la batterie et à la production, a décidé que plutôt que de collaborer, il s'agissait de faire front, sus aux rythmiques syncopées et au chant pas vraiment chanté, et gloire à la fin des années 90. Alors ressortons avec joie la bible selon Saint Dave Grohl pour religieusement chroniquer le meilleur album de rock west coast à sortir des îles britanniques cette année !

Un second album pas venu pour enfiler des perles : Golden Age est envoyée en première ligne pour accrocher l'oreille de tous les petits rebelles d'Angleterre, le brûlot est une déflagration de guitares saturées, une bombe d'efficacité mixant riff supra lourd, refrain pop-rock, et couplets drivés par un duo basse-batterie de bûcherons. La meilleure chanson de l'album, et un single imparable qui est aussi la raison de ma présence à l'écriture ce jour, mais il serait incroyablement réducteur de s'arrêter là tant le reste de l'album tient formidablement la distance sur le circuit du revival nineties. Selfish est un meilleur single des Foo Fighters que tous les singles des Foo Fighters sortis ces quinze dernières années, Do You Know Where You Are emporte dans son riff carillonnant les quelques réticences encore perceptibles à courir nu sur la plage de Santa Monica, et Sinking Feeling conclut cette suite de singles en terrassant les doutes existentiels de Theo Polyzoides dans un refrain weezerien dopé aux amphét' de maître-nageur californien.
Petite blague, OCD nous a presque fait croire à du post-punk, ouf ça ne durera qu'une minute avant que les gros power chords ne reviennent déblayer le passage, un passage qui mène à I Must Be Struck By Lightning To Fly, l'apogée du style Foo Fighters développé dans cet album par King Nun. Coups de butoir typés The Pretender, refrain déroulant comme sur une autoroute du Loir-et-Cher à deux heures du matin, solo avec reprise de la ligne de chant, et fin rouleau-compresseur alignant tous les instruments dans une seule et même direction. Une apogée poussant le groupe à varier sa fin d'album, But We Live On The Beach californique le rock californien en expliquant que vivre toute sa vie en soirée sur la plage c'est pas si marrant, Escapism se passe de mots mais pas de fuzz pour nous faire sauter les conduits auditifs, juste avant la traditionnelle ballade de fin d'album, une petite douceur intitulée Lamb. La boucle est bouclée, l'agneau a déclenché l'apocalypse, et chante par-dessus les ruines fumantes et le champ de fleurs qu'il laisse derrière lui.

« Je ne changerai jamais, pour le meilleur et pour le pire » : King Nun jouent le rock qui leur plaît, vingt ans trop tard pour certains, vingt ans trop tôt pour d'autres, et pile au bon moment pour le fan inconditionnel de Nirvana qui vous écrit ces lignes, car non, on n'a jamais assez de gros refrains dans sa vie ! Et même si ce timing de la non-hype devait les empêcher de percer plus avant, je sais, vous savez, nous sachons que le cri de révolte de l'agneau est indubitablement un très bon album de rock made in Seattle ou presque, du genre qui vous fera briller en société dans quelques années sur le thème « ces groupes géniaux dont vous n'avez jamais entendu parler ».
tracklisting
    01. Golden Age
  • 02. Selfish
  • 03. Do You Know Where You Are?
  • 04. Sinking Feeling
  • 05. One Time Alarm
  • 06. OCD
  • 07. In Vains
  • 08. I Must Be Stuck By Lightning To Fly
  • 09. But We Live On The Beach
  • 10. Escapism
  • 11. Lamb
titres conseillés
    Golden Age, Do You Know Where You Are, I Must Be Struck By Lightning To Fly
notes des lecteurs
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