A Burial At Sea

Après un excellent premier album énergiquement défendu lors d'une longue tournée européenne en 2023, le quintet irlando-anglais de post-rock A Burial At Sea sort ce 23 février, Close To Home, via Pelagic Records. Fondé par les irlandais (du Nord, certes, mais irlandais) Patrick Blaney et Dara Tohill, A Burial At Sea est probablement l'un des meilleurs groupes de post-rock actuels, si tant est que l'on puisse les classifier aussi simplement dans cette catégorie.

En 2020, le duo perçait audacieusement la chappe de l'univers post-rock avec un premier album éponyme. Considéré par certains comme austère, érigé en chapelle par d'autres pour son caractère presque sacré, A Burial At Sea a introduit dans le post-rock l'adjectif qu'on attendait le moins le concernant : réjouissant. Cela tient notamment à un habile mélange des genres dans lequel se côtoient en parfaite harmonie, d'une piste à l'autre ou au sein d'une même piste, post et math-rock, rock expérimental, black metal et même afro-jazz.
Plus encore, la singularité de A Burial At Sea réside en la personne de John Naylor, le trompettiste du groupe depuis ses débuts, sans qui il ne serait qu'un très bon groupe de post-rock comme les autres. Ainsi et tandis que leur premier album semait la zizanie dans nos sages oreilles à coup de ruptures de genres et de tons, Close To Home semble avoir gagné en cohérence (tout en conservant de la diversité) en introduisant et en développant avec ampleur une influence bien anglaise et quasi absente du précédent disque : le shoegaze. Il fallait d'ailleurs attendre A Burial At Sea pour se rendre compte combien la trompette est l'instrument parfaitement approprié au shoegaze car murmurant et caressant.

Moins euphorique que leur premier album mais toujours aussi revigorant et triomphant (une fois de plus grâce aux cuivres), Close To Home se situe en réalité dans la parfaite continuité des deux dernières pistes du disque éponyme, les majestueuses et faussement tranquilles Lightning Blanket et Tropic Of Cancer. Masterfred, sur ce deuxième album, est la parfaite illustration de cette évolution vers davantage de douceur – ou du moins de lenteur, pour ne pas dire torpeur – inspirée par le shoegaze. Sauf qu'ici, le soft spoken flirte de façon inédite avec des riffs graves et gras que seul un air léger et désinvolte de trompette vient calmer en contre-point, réalisant le brillant paradoxe d'apporter un peu d'air aux guitares étouffées.
Peut-être cette impression d'un album plus mature tient-elle à la thématique qui l'anime de part en part. Close To Home est, comme son nom l'indique, une ode à la mère-patrie – l'Irlande - regardée depuis l'autre côté de la mer à Liverpool. Sorte de clin d'œil inconscient à un autre groupe irlandais de post-rock, And So I Watch You From Afar, cet album est une nécessaire déclaration d'amour sonore (soit dit en passant écrite pendant le confinement, loin des leurs), du genre de celles que l'on écrit lorsqu'on a plus de trente ans et que l'on dédie aux lieux et aux personnes qui nous ont façonnés.

Si la sublime première piste de l'album, páirc béal uisce, est nommée d'après le lieu où le batteur et fondateur du groupe Patrick Blaney a grandi, la dernière, DALL (ndlr : abréviation de Cushendall) est une hymne aux racines géographiques de Dara Tohill. Hymne à la joie, à l'amour, à l'avenir, DALL - dans ses toutes dernières minutes – clôt avec intensité et émotion, les cinq membres du groupe jouant à l'unisson, un album conçu depuis sa première piste comme un chant de sirènes, pour deux Ulysse qui ne savent peut-être pas tout à fait de quel côté de la mer d'Irlande se placer.