Jake Bugg

C'est à ce genre de détail qu'on mesure que le temps passe à une vitesse non négligeable : A Modern Day Distraction est déjà le sixième album – en douze ans – de Jake Bugg. Lui à qui on promettait un avenir exceptionnel à la suite de son premier album solo – remarquable il est vrai – a finalement eu une carrière en dents de scie en terme de popularité, et ce dernier disque en date sonne finalement comme une synthèse de tous les précédents.

On retrouve l'évidente facilité que possède Jake Bugg pour écrire des hymnes pop de poche et des ballades fédératrices... mais on retrouve aussi à plusieurs endroits des choix de production curieux. Comme si l'anglais hésitait entre le dépouillé et le chargé, le sobre et le gargantuesque... C'est particulièrement prégnant sur le triplé de titres introductifs : Zombieland, All Kinds Of People et Breakout sont à l'évidence fichtrement bien écrits, mais on a du mal à comprendre la cohésion de la production. Les guitares acoustiques sont mises en avant, mais aussi la voix qui est (mal)traitée par des effets curieux. Sur ce point, le pont de Breakout est révélateur, puisqu'on passe d'un solo de guitare tendance hispanique à un solo de guitare qu'on croirait échappé du premier Rock Band. C'est vraiment dommage car, on le répète, les morceaux en eux-mêmes sont hyper efficaces.

Le redressement de barre est spectaculaire avec Never Said Goodbye, première ballade de l'album, qui permet de se souvenir que Jake Bugg a longtemps assuré les premières parties de Noel Gallagher. C'est bien simple, on imagine parfaitement le cadet des frangins chanter ce titre les mains dans le dos, le cou tendu, avec des milliers de portables allumés devant lui. Titre imparable, rien à dire. I Wrote The Book, dévoilé il y a plusieurs mois, sonne quasiment country, mais country classe, avec enfin des arrangements cohérents de bout en bout.

Retour aux morceaux uptempo, et donc à une production curieuse, avec Waiting For The World, dont le refrain terrasse toute résistance, il faut bien l'avouer. Instant Satisfaction qui suit est finalement le premier titre de l'album qui apparaît dispensable. C'est bien fichu mais un cran en-dessous de tout ce qui précède. Une nouvelle ballade imparable avec Got To Let You Go suit, alors certes, il n'y a rien d'absolument original, certes ça sonne déjà entendu chanter par d'autres (Green Day avec 21 Guns, notamment), mais ça sonne bien. Puis vient le petit bijou du disque, All That I Needed Was You, avec ses relents Dylanesques, une magnifique chanson de dimanche automnal spleeneux. La preuve en un peu plus de trois minutes du talent intact de Jake Bugg pour écrire des ballades acoustiques qui se suffisent à elles-mêmes. Keep On Moving qui suit, bien que sympathique, souffre un peu de la comparaison avec sa prédécesseure. En revanche, les deux derniers titres (Beyond The Horizon et Still Got Time), mid tempos efficaces avec un excellent solo de guitare pour le second, viennent clôturer cet album en beauté.

Sans des arrangements manquant parfois singulièrement de cohérence, Jake Bugg aurait pu signer là un grand disque, mais A Modern Day Distraction n'en demeure pas moins très bon, preuve de la constance de la qualité de son songwriting.