Chronique Album
Date de sortie : 16.10.2024
Label : Breakfast Records
Rédigé par
Adonis Didier, le 16 octobre 2024
Sortir les clés de la MG de sa poche. Charger les guitares dans le coffre. S'installer au volant. Faire gronder le moteur dans le vent qui s'échappe de la Severn. Entendre les potes raconter n'importe quoi à l'arrière. Sentir la brise sur son visage, et Bristol s'éloigner dans le rétroviseur intérieur. Regarder les mouettes, les goélands, les cormorans voler et piailler par-dessus la mer, Cardiff dans l'horizon. Faire courber l'herbe qui borde la route de campagne, sous un soleil jouant à cache-cache avec les nerfs des plaisanciers. Remettre ses Ray-Ban. Enlever ses Ray-Ban. Traverser Bridgewater, Exeter, Plymouth. Voir se déplier devant soi les côtes de la Cornouailles. Longer des kilomètres de pierre grise à flanc de falaise, des hectares de champs faits de milliers de petits points colorés se balançant de droite à gauche, déposés là par on ne sait qui. S'arrêter dans un pub. Prendre une pinte de Guinness. Prendre une deuxième pinte de Guinness. Prendre une sixième pinte de Guinness. Regarder les étoiles sur la plage avec les potes. Faire des blagues de mec bourré avec les potes. Se raconter des trucs qu'on aura oubliés le lendemain, et dont on ne reparlera jamais après. Dormir sur la plage avec les potes. Se réveiller les pieds dans l'eau, des crabes sur le visage. Remonter en voiture. Se plaindre d'avoir mal au dos parce qu'on a dormi toute la nuit sur des galets. Se plaindre d'avoir mal à la tête parce qu'on a bu trop de Guinness. Finalement arriver à Truro, capitale de la Cornouailles. Se dire que c'est joli. Prendre un café dans un Costa. Faire un sourire à la serveuse en se disant qu'on a une touche. Repartir en pensant qu'on repassera prendre plus de cafés. Remonter dans la voiture et rouler jusqu'à Falmouth. Garer la caisse comme on peut sur le front de mer. Ouvrir le coffre, sortir les guitares, et toquer à l'accueil de The Cornish Bank. Retrouver Ben Woods, le copain de the GOLDEN DREGS. Enregistrer un album avec lui.
Si quelqu'un devait un jour raconter ce qui a mené Langkamer, quatuor folk-country-rock de Bristol, jusqu'à Falmouth pour l'enregistrement de leur troisième album Langzamer, avec Benjamin Woods de the GOLDEN DREGS à la production, ces dernières lignes se révéleraient probablement totalement fausses, mais comme en journalisme ce n'est pas la vérité qui compte mais la qualité du récit, considérez que tout ceci est désormais tiré d'une histoire vraie. Une histoire vraie faite de quatre potes aux dégaines de hipsters fans d'IPA et de jeux de rôles, jouant la musique de la campagne anglaise, celle des longues étendues givrées brillant sous le soleil matinal, celle des pubs pleins dès 17h dans des villages de six cents habitants, aux noms aussi divers que The Swan, The Rose, The King's Arms, The Cross Keys, ou encore Dicky's Pit Stop. Une musique de road trips entre copains, touchante, entraînante, faite de guitare acoustique, de piano poussiéreux, de quelques accords grésillant de la distorsion des lampadaires, et de ce pote bourré en pleine impro de slide guitar avec sa canette de cidre anglais à moitié pleine.
Langkamer, c'est la rencontre de Wilco et de la campagne anglaise. Langkamer, c'est la musique que joueraient les buissons, les cailloux, et les blaireaux si seulement les buissons, les cailloux, et les blaireaux pouvaient tenir une guitare et monter un groupe. Si leur premier album West Country était un presque parfait du genre, il manque toutefois à ce nouvel effort une dose de folie, de sublime, et de gros rock qui complétait jusqu'alors à merveille l'ADN de groupe. Mais ne laissez pas toutes ces considérations de journaliste musical obligé de justifier son salaire vous refroidir, et plongez dès maintenant dans l'aventure Langkamer, trois très beaux albums de country rock comme on en fait plus, et un single qui pourrait bien être une des plus somptueuses chansons de la décennie : Soul Bucket. Alors oui, parler d'un single sorti il y a deux ans en conclusion d'un nouvel album, on a vu plus marketing comme approche, mais déjà sans ce single cette chronique n'aurait jamais vue le jour, et ensuite vous allez faire quoi, vous voulez vous battre ?
Croyez-moi, vu ma stature vous allez perdre, alors partez plutôt vous détendre les nerfs en compagnie du trop calme mais très bon camarade Langzamer, le troisième album de Langkamer, et surtout buvez un coup à sa santé (mais pas du cidre anglais, par pitié, c'est vraiment dégueulasse).