Chronique Album
Date de sortie : 24.10.2025
Label : V2 Records
Rédigé par
Adonis Didier, le 23 octobre 2025
Cette nuit, le ciel est noir, zébré d'instabilités électroniques, scarifié d'aurores boréales cathodiques. Cette nuit, le ciel fronde, gronde, vibre, vrombit en trombes de tremblements inaudibles, gravissimes, en lézardes électriques vaporeuses, en plasma cramoisi à la radioactivité violacée. Cette nuit, le ciel est CIEL.
CIEL, le trio de Brighton devenu le duo Michelle Hindriks et Tim Spencer qui, après cinq ans et quatre EPs à perfectionner leur dream-rock crépusculaire, sortent enfin leur premier album, Call Me Silent. Un titre renommé au Québec « Appelle-Moi Silencieux », et un silence qui en dit long sur l'évolution de CIEL depuis maintenant un an et demi. Le départ de leur guitariste historique jamais remplacé, le groupe se retranche derrière ses écailles et son duo basse-batterie mais laisse tout de même présager en live d'un son plus dur, plus direct, accompagné d'une guitariste de scène qui préfère sa distorsion plutôt crue que cuite à la vapeur.
Mais c'est là toute la différence entre le studio et le live, et si CIEL sont bien devenus quelque chose avec ce premier album, c'est encore plus ombrageux, crépusculaires et nébuleux qu'ils ne l'étaient déjà. Un titre énigmatique, des chansons qui naviguent la nuit à la frontale dans une purée de pois pourpre et toxique, une brume marécageuse striée de vilaines émanations chimiques irisées, et une pochette d'album qui résume le tout en aplats de couleurs angoissés, en tâches d'huile noircies par la dépression. Vous l'aurez compris, c'est l'album de la joie, et quelle meilleure idée que de le sortir une semaine avant Halloween, la fête des morts, à la porte d'un hiver qui peut-être durera pour toujours, au déclin d'un soleil qui ne peut-être remontera plus jamais dans le CIEL.
Mais ce CIEL n'a besoin pour briller que de la lune et de l'éclat des quelques étoiles qui lui restent : l'abrasion des guitares de Stay Along/Sail On et Talking On The Phone, la mélasse lugubre de fin de soirée Cruel, l'exercice de trip-hop dreamy Hold Onto You aux faux-airs de Massive Attack, ou encore les plus classiques mais toujours efficaces Thinking Of You et Call Me Silent. Des chansons de dream-rock plus habituelles de CIEL qui constituent la majorité de cet album et peut-être son seul point faible, tant on peine parfois à distinguer du mid-tempo vaporeux d'un autre mid-tempo vaporeux. De vraies bonnes chansons enchaînées en tunnel et c'est la dynamique de l'album qui en prend un coup, on se prend à rêver d'une bombinette punk, d'un gros bulldozer shoegaze, un vœu que Stay Along/Sail On ne mettra pas longtemps à exaucer, et on l'en remercie.
Ainsi, CIEL font sur Call Me Silent du CIEL avec leur producteur de toujours Steven Ansell (Blood Red Shoes), et l'on n'est absolument pas déçu tout en étant un brin frustré par ce premier album. Sans doute parce qu'on l'attendait depuis des mois et des années, sans doute parce qu'on s'imaginait monts et merveilles de leur futur, mais la réalité c'est qu'un groupe doit parfois apprendre, essayer, réessayer sans que ce soit le jackpot à tous les coups, jusqu'à devenir un élément incontournable de son genre musical.
Et puis, être capable de faire un premier album de ce calibre, des dizaines et des centaines de groupes signeraient les yeux fermés, donc arrêtons de bouder notre plaisir, et commençons d'ores et déjà à réviser pour la venue du CIEL d'hiver à Paris, le 28 novembre au Supersonic Records, et non ceci n'est pas une publicité ou une mallette de billets, mais si vous voulez bien m'excuser je dois retourner sur mon yacht, le temps a l'air de se gâter. Car oui, cette nuit le CIEL est pourpre, moins orageux qu'on l'imaginait mais pas sans danger pour autant. Cette nuit le CIEL gronde et tombe en trombes sur les ondes, gronde et épuise le bruit de l'immensité de ce monde, gronde et demande Call Me Silent.