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La Route du Rock

Saint-Malo, du 11 au 20 février 2011

Live-report rédigé par François Freundlich le 23 février 2011

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Ce samedi soir, La Route du Rock Collection Hiver propose une ribambelle de groupes aux styles différents, qu’ils en soient à leur première tournée ou déjà confirmés depuis plusieurs années.

Ce sont les anglais d'Esben And The Witch qui débutent la soirée. Ce trio de Brighton ouvre le bal de la manière la plus sombre qui soit. Leur cold wave tourmentée est masquée par une guitare plaintive parfois à la limite du larsen. Le rythme est lent et lourd et les quelques éléments de batterie placés au milieu de la scène et dont les trois musiciens se servent (parfois simultanément) sont mis à rude épreuve. Frappant de toutes leurs forces, les baguettes sont salement amochées tandis que la cymbale est déjà tranchée à la moitié du concert. Quand elle ne s’échine pas sur la batterie, la petite sorcière Rachel Davies joue de sa voix beaucoup plus douce que l’ambiance planante et tourmentée de leur son. Elle est parfois prolongée par la réponse vocale monocorde du bassiste déchainé sur son instrument.
D’un son s’affichant gothique et dérangeant, la voix est laissée presque sans accompagnement lors de passages plus tranquille précédent un déchainement général pouvant raisonner très fort dans les murs de l’Omnibus. La fin du concert est d’autant plus chaotique que la batterie est placée sur l’avant-scène au plus près du public et que le rythme s’accélère, Rachel répétant sans cesse les mêmes paroles et lâchant ses dernières forces sur la cymbale. Une entrée en matière qui met le feu aux poudres.

Pour continuer, c’est un « super groupe », dans les deux sens du terme, qui investit la scène de l’Omnibus : Guards, formé autour du chanteur et batteur de The Willowz. Leur premier EP a été enregistré avec la chanteuse de Chairlift ou encore des membres de MGMT et Cults. La voix si particulière de Richie James Follin est ici mise en retrait contrairement aux concerts des Willowz. Un reverb s’y ajoute également, donnant un aspect très 60s aux compositions. Cette impression est renforcée par la présence d’un son d’orgue manié par la timide Madeline Follin (sœur de Richie et chanteuse de Cults). Loren Humphrey fait quand à lui toujours forte impression derrière les fûts même si ses solos mythiques sont cette fois laissés de coté.
Guards est donc un groupe délicieusement rétro aux compositions dont l’immédiateté provoque un sourire instantané. Don't Wake The Dead est leur morceau phare : batterie binaire, solo efficace, envolée lyrique et chœurs disséminés, une recette jouissive qui fonctionne et qui secoue les genoux. Pour s’éloigner un peu de la base rock'n'roll, Guards a aussi de la tendresse en réserve avec quelques moment de slows donnant à la Route du Rock des airs de bal de promo américain. On ne sombre heureusement pas dans le cliché même si ce style de musique a été maintes et maintes fois revisité. Ils ont su y apporter quelque chose de neuf et cela se ressent dans leur prestation... mais le concept dépassera-t-il l'EP de sept titres ? Rien n’est moins sûr, car en faire plus serait peut-être tourner en rond.

 

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Certains groupes de la soirée sont nouveaux et attendent la Route du Rock comme une opportunité de jouer devant un public nombreux, d’autres sont confirmés et le festival ne représente pour eux qu’une simple escale. C’est le cas de la tête d’affiche de la soirée, Isobel Campbell & Mark Lanegan. L'ex-voix de Queens Of The Stone Age et l’ancienne chanteuse de Belle & Sebastian savent qu’ils sont ici adulés et qu’ils n’ont plus rien à prouver. C’est peut-être pour cela qu’ils se comportent comme tel : un air légèrement hautain et un sentiment d’indifférence vont caractériser le concert, et lorsque cela se passe de cette manière, il est difficile de focaliser son attention sur autre chose.
La moitié du groupe, Mark y compris, ne souhaite pas d'éclairage, mais heureusement il est tout de même possible de contempler Isobel (dont le chanteur de The Pains Of Being Pure At Heart avouera avoir été amoureux... il y a dix ans.) Bien sûr, lorsque la voix rauque et sombre de Mark se fait entendre, l’oreille interne frétille comme si une certaine perfection vocale venait de nous toucher. Si on ajoute à cela les quelques notes de violoncelle d’Isobel, on comprend pourquoi le silence général s’impose de lui même pour préserver tant de délicatesse s’échappant de ce duo magique. L’ambiance blues de la contrebasse mêlée à la guitare acoustique s’en trouve transportée quand les deux voix se mélangent.
L’ombre de Bob Dylan plane sur Saint-Malo lorsque certains accords s’échappent de la guitare blues. On lui préfèrera tout de même les passages un peu plus rythmés qui ont tendance à nous sortir un peu d’une torpeur qui peut parfois guetter. Le public a en effet tendance à piquer du nez durant certains instrumentaux un peu longuets mais la voix de Mark est définitivement trop prenante. Dans le public, on ferme les yeux et on s’enlace, la foule, attentive, semble apprécier. Si seulement ces deux-là avaient pu montrer un peu leur joie de faire ce concert, celui-ci n’en aurait été que meilleur.

 

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Il est temps de se réveiller avec The Pains Of Being Pure At Heart. Le groupe New-Yorkais est l’un des plus attendus pour présenter en live l’un des meilleurs albums de 2009 ainsi que de son prochain opus en préparation. Les américains font en tout cas un peu plus plaisir à voir que leurs prédécesseurs. Les pédales d’effets sont bien au rendez-vous, nous rappelant les meilleures heures du shoegaze. Les compositions ne sont pas des plus variées mais leur efficacité dès les premiers accords entraine un public qui semble avoir subitement rajeuni de dix ans entre deux concerts. La charmante claviériste Peggy Wang ajoute une certaine délicatesse aux riffs débridés de ses quatre compères et à la voix lointaine de Kip Berman et ses ongles vernis.
Cette voix manque parfois de maîtrise mais elle est compensée par les chœurs de Peggy. Certains titres raisonnent comme des hymnes à l’image de Come Saturday et de ses chœurs entonnés par le groupe et le public ou de Everything With You avec son pont et son solo, jouissifs au possible. Les influences pop prennent assez souvent l’avantage comme sur Young Adult Friction, pour un concert qu’on imaginait encore plus électrique. Le concert de The Pains Of Being Pure At Heart se révèle finalement très dansant et les nouvelles compositions ne nous feront pas mentir. Le plaisir de voir enfin ce groupe se produire masque les quelques problèmes de justesse : au final le défoulement était au rendez-vous.

 

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La Route du Rock a gardé le meilleur pour la fin avec les canadiens de Suuns, auteurs de l’un des meilleurs albums de l’année passée. Le quatuor propose d’abord une introduction noisy laissant le public circonspect avant de livrer un set dantesque, torturé et chaotique. En mettant toute leur puissance dans leurs instruments, les Montréalais ne font pas semblant : ils donnent tout ce qu’ils ont sur chaque chanson. Lorsque Ben Shemie s’empare de son micro pour laisser s’échapper sa voix, tous les nerfs et les muscles de son corps semblent contractés pour laisser s’échapper une tension indescriptible, à l'image de Up Past The Nursery. Le claviériste ajoute des sons électroniques imparables tranchés par une guitare à la puissance dévastatrice comme sur Armed For Peace. La batterie est quand à elle malmenée tandis que la basse frémissante englobe le tout, rendant le public complètement fou.
Une dose assez massive de décibels nous est envoyée, nous prenant aux tripes tout en constatant l’implacable qualité des compositions. Sur Gaze, le groupe se lâche complètement et les quatre musiciens sont alors intenables sur scène. Ils sont en très grande forme et cela se voit car même les titres les plus calmes de l’album dégénèrent dans des explosions électro-rock démentes. L’hypnotique Arena n’échappe pas à la règle et décline ses montées de claviers et ses envolées vocales qui ont encore plus de relief qu’en studio.

Suuns restera comme la grosse performance de cette Collection Hiver, laissant un public ivre de sons et les oreilles sifflantes.
artistes
    Magnetic Friends
    Esben And The Witch
    Guards
    Isobel Campbell & Mark Lanegan
    The Pains Of Being Pure At Heart
    Sunns