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Eurockéennes

Belfort, du 3 au 5 juillet 2015

Live-report rédigé par Xavier Turlot le 15 juillet 2015

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Il n'y aura eu ni répit ni repos, la température nocturne ne descend qu'à 28°C et la longueur des jours exclut toute possibilité de grasse matinée. Dès l'aube s'engage la lutte avec le soleil ravageur et au plus fort du supplice, dès 16h, les premiers festivaliers viennent arpenter la terre rouge de la presqu'île qui exhale une fine poussière haut dans les airs. Le brumisateur géant des pompiers a transformé quelques mètres carrés de terrain en flaque de boue géante à proximité de la grande scène, les premières bières commencent à inonder les verres des spectateurs encore agglutinés sous l'ombre des rares arbres et celle des tonnelles qui jouxtent les scènes.

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C'est dans cette ambiance de torpeur incandescente que Jeanne Added fait chauffer le sound system du Club Loggia peu avant 17h. La jeune Rémoise, formée au jazz dans les plus prestigieux conservatoires, vient défendre son premier album fraîchement sorti intitulé Be Sensationnal. La chanteuse possède une belle voix puissante et effectivement aussi lyrique qu'on pouvait l'imaginer à l'aune de son cursus. La musique, elle, est assez sombre et électronique. Le trio féminin s'organise à partir d'une basse, de synthétiseurs et d'une batterie ; la couleur des chansons oscille entre synthpop légèrement surjouée et tentatives plus expérimentales basées sur un emploi massif de l'électronique. La magnifique Look At Them, pleine de grandeur et de théâtre, marque tout particulièrement le public, ainsi que A War Is Coming, sorte de marche militaire maléfique.

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Après la pop sucrée de Mina Tindle, une chanteuse émue qui tient à préciser qu'elle a commencé comme stagiaire en communication aux Eurockéennes il y a dix ans, c'est au tour de l'Américain excentrique Seasick Steve de divertir la foule devenue maintenant nombreuse. Le vieux bluesman a une dégaine indescriptiblement stéréotypée : casquette John Deere, vieux jean, chemise à carreaux, de multiples tatouages et une barbe blanche fleurie le font sortir d'un imaginaire américain intemporel. Le Californien au sourire immortel est dans le blues depuis la fin des années 1960 mais n'a sorti son premier album qu'en 2004, au terme d'un parcours chaotique qui l'a fait vivre dans cinquante-neuf maisons, fréquenter Kurt Cobain et enregistrer avec Modest Mouse. Il n'est accompagné que par un batteur de sa génération au look tout aussi improbable pour jouer ses morceaux hors d'âge sur des instruments tout aussi improbables. Assis au côté d'un ampli d'une bonne cinquantaine d'année, il attrape une guitare à trois cordes et entame son set avec une vigueur et une bonne humeur qui lui attirent immédiatement la sympathie du public. Il faut dire que ce n'est pas son premier passage aux Eurocks, et qu'il est plutôt du genre bavard et direct. Son accent américain à couper au couteau n'empêche pas de comprendre l'essentiel de ce qu'il communique : alcool, fille, été, route. Il parle aussi de ses instruments invraisemblables : planche de bois agrémentée d'une boîte de conserve et ne possédant qu'une seule corde nommée Diddley Bo (précisant « it's sounds like shit »), planche à laver électrique ou boîte de cigares avec manche... Seasick Steven est bien au-delà du vintage. A un moment il fait venir une jeune fille sur scène pour lui jouer Walking Man, la chanson la plus émouvante du set, en lui demandant de faire semblant qu'il ait trente ans de moins.

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Sur la plage se produit alors un groupe tout neuf et sans album qui a un nom évocateur : Grunge. Il s'agit du nouveau projet d'Anthonin Ternant, l'ancien chanteur des Bewitched Hands, et de Guillaume Brière de The Shoes. Les stacks Marshall et les Fender Jaguar (version gaucher !) écartent le moindre doute quant à la direction du projet : on est dans l'archéologie musicale du début des années 1990 autour de Seattle. Les morceaux sont effectivement construits sur des structures simplissimes, des cris et des guitares musclées comme on le faisait en ce temps-là. C'est quasiment du Tribute to Nirvana tant l'hommage est évident. Dommage que la foule soit si mince sur le sable pour apprécier ce style trop vite mis de côté. Certains titres comme Drugs reçoivent quand même quelques encouragements mais on est loin de la folie furieuse. Pourtant la plupart des mélodies sont bien efficaces et nerveuses mais ce n'était probablement pas le type de musique qu'attendaient les spectateurs...

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Le duo australien Angus & Julia Stone arrive sur la Green Room à 20h00 pétantes, quand le cagnard commence enfin à s'estomper et laisser le ciel tirer sur le pourpre. La fratrie est accompagnée de quatre musiciens repérés au gré de leurs voyages et on est loin de la performance intimiste à guitares acoustiques. Le groupe a récemment pioché dans la pop stoner/psychédélique de la fin des années 1960 et les chansons interprétées ce soir sont généralement très longues et très lentes. Les deux Australiens ont de très belles voix et elles sont originales, on le voit sur It's All Ok ou It Was Blue dès le début du concert mais le soubresaut ne viendra jamais, sans doute la faute à un dernier album un tantinet neurasthénique. Le seul extrait de leur génial disque Down The Way joué ce soir sera un Big Jet Plane ralenti deux fois. Julia Stone communique avec le public, elle possède un charme indéniable et son jeu de trompette aide à booster un peu les compositions, mais le ressenti général est clairement celui d'un ennui difficile à dissimuler.

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A la Plage presque tout le monde est parti après le concert de Rae Sremmurd coupé à l'arrache, et le duo anglais de Sleaford Mods arrive devant un parterre quasiment vide. Andrew Fearn pose un ordinateur sur un tabouret, lance une playlist et de retire de deux mètres pour ouvrir une bière et se mettre à danser. Puis Jason Williamson arrive, empoigne son micro sur pied face à l'ordinateur et se met à hurler son flow punk. Le dénuement absolu de la scène est cocasse, les personnes qui ne connaissaient pas le groupe ont probablement cru à une farce jusqu'à ce que le niveau et l'endurance du chanteur l'infirme. Williamson ne cesse jamais de brailler avec haine un genre de slam à fort accent cockney dans son micro, postillonnant à foison et effectuant quelques gestes obscènes à l'aide d'une bouteille d'eau. Inutile d'attendre, le « DJ » ne fera rien de tout le concert. Il enchaîne tranquillement les bières, trinque à distance avec le public puis se remet à hocher la tête la main dans la poche, c'est la seule manière punk dont on puisse se servir d'un ordinateur. Ce groupe improbable dégage une énergie phénoménale qui ne tarde pas à attirer l'attention, les curieux affluent à un rythme soutenu tout le long du concert. Le chanteur ne se fatigue pas, sa voix reste stable sur la durée malgré le volume qu'il demande à ses cordes vocales. Des applaudissements nourris viennent récompenser cet effort physique et cette originalité provocatrice et brute.

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Comme Major Lazer est arrivé avec sa division blindée et attire tout ce qui se trouve dans un rayon de cinq kilomètres, on peut aller voir Foxygen, groupe californien de rock psychédélique assez particulier. Après une introduction sur le Star Spangled Banner de Jimi Hendrix, les huit membres du groupe - en comptant les trois choristes - débarquent et attaquent leur trip musical rétro. La mise en scène est théâtrale et comiquement grandiloquente. Sam France, le chanteur, est survolté. Il ne tient pas une seconde en place et ne cesse de parler avec le public et ses musiciens, parfois pendant plusieurs minutes. La musique est dissonante, presque expérimentale et pas très facile d'accès, surtout que le son des guitares électriques est particulièrement strident et aigu. Il est une heure du matin et les spectateurs sont environ quatre fois moins nombreux que pour Angus & Julia Stone, les applaudissements récoltés sont faiblards et le leader ne cesse pas ses monologues et dialogues sans fin. La mise en scène est originale mais n'aide pas à accrocher et peut même rebuter les auditeurs non prévenus... Heureusement que le groupe déborde d'énergie, bien aidé par les trois choristes qui dansent et chantent à tue-tête. On passe d'un noise rock presque inaudible à une instrumentation de slow, Sam France n'arrête toujours pas de parler ou alors il chante n'importe comment. Le groupe part sans prévenir, après trente minutes puis revient aussi brutalement, commence Let It Be et la saborde en quelques secondes. La suite de concert se poursuit sur les délires vocaux du leader qui doit être naturellement perché et n'a clairement pas aidé à rendre la prestation accrocheuse. Le public est si mince que cela en devient presque gênant car les appels du chanteur se font dans le vide et il n'y aura pas d'euphorie finale à l'issue de la dernière chanson jouée...

Tout le monde est déjà parti sur la grande scène voir le show hypnotique des Chemical Brothers qui éblouit par son orgie de sons et d'images jusqu'à trois heures du matin.
artistes
    The Chemical Brothers
    Christine and the queens
    Major Lazer
    Etienne Daho
    Angus & Julia Stone
    Rone
    Ibeyi
    Seasick Steve
    Oscar and the wolf
    Foxygen
    Mina Tindle
    Jeanne Added
    Bo Ningen
    The Bawdies
    Seiho
    The Shoes
    Julio Bashmore
    Jonathan Toubin
    Forever Pavot
    Grunge
    iLoveMakonnen
    Petite Noir
    Sleaford Mods
    Rae Sremmurd
    Broncho
photos du festival