Dernier jour du festival. Ce n'est surtout pas le moment de faiblir avec Metz, Drive Like Jehu, Unsane ou encore Shellac programmés. Un dernier jour en forme d'apocalypse sonore.
Steve Gunn joue sur la scène Flamingo, la plus grande scène extérieure. Même si nous sommes en début d'après-midi, le public a répondu présent. Son set est très plaisant et sied parfaitement à un après-midi ensoleillé. On entend chez ce musicien, les influences de Quicksilver Messenger Service tout comme celle des tout premiers Neil Young. Du folk-rock américain racé et de très bonne tenue. Idéal pour bien débuter la journée.
Le concert de
Metz sur la même scène est une franche réussite. Le groupe canadien d'Ottawa (aujourd'hui basé à Toronto) semble indiquer que l'heure du revival grunge est venu. Après deux albums convaincants, Metz confirment sur scène les espoirs qui ont été placés en eux. Guitares en avant, basse surpuissante, le groupe déboule à 200 à l'heure. Tout le set se poursuit avec le même niveau d'intensité rock'n'roll. Pour les plus jeunes, déçus de n'avoir pas connu Nirvana, Metz semble être le groupe idéal.
Drive Like Jehu donnent à l'occasion de ce festival leur unique date française. Ce groupe culte de San Diego n'a pourtant sorti que deux albums entre 1990 et 1995, date de leur séparation, mais ces deux albums ont eu un impact considérable sur toute une génération de groupes post-punk. Dans le milieu noise et post-punk, Drive Like Jehu a toujours été vénéré comme l'un des groupes précurseurs et essentiels de ce courant musical.
Leur reformation il y a deux ans avait été une vraie surprise, le groupe donnant à cette occasion un concert gratuit dans un parc de San Diego. On aurait pu penser que ce n'était qu'un coup comme ça, pour le plaisir, mais la formation a décidé de poursuivre l'aventure. A les voir en concert ce soir à Nîmes, on peut dire qu'ils ont bien fait. Le groupe délivre un set efficace et tranchant. Sur scène, ils se dégagent une telle énergie de la part de ces mecs qu'on croirait qu'ils ont tout juste vingt ans. Un vrai et grand moment. La plupart des reformations sont en général décevantes ou inutiles mais celle de Drive Like Jehu est une vraie bénédiction pour les amateurs de post-punk. Un groupe qui a été essentiel et qui le reste.
Je ne vais pas être objectif concernant le concert de
Unsane, étant fan depuis toujours de ce groupe. Leur set est juste fabuleux, comme toujours devrais-je dire. Le groupe a presque trente années d'existence et il est incroyable de voir que l'énergie des débuts est toujours là, intacte.
Entre les premiers concerts que j'ai vu de Unsane il y a plus de 20 ans et celui de ce soir, il n'y a pas l'ombre d'une différence. Unsane à Evreux en 96, Unsane à Montpellier en 98 et Unsane ce soir à Nîmes, c'est exactement la même chose : la même puissance, la même folie. Les hurlements de Chris Spencer, son jeu de guitare démoniaque sont identiques à ce qu'ils étaient à la formation du groupe. Le poids des ans n'a pas la moindre prise sur eux. La formation n'a pas bougé depuis 1994 et cela donne un groupe plus soudé que jamais.
Le groupe joue ses morceaux les plus cultes :
Scrape, Sick ou
Commited. Unsane a su au fil des années créer un univers musical qui lui est propre. Aucun groupe au monde ne sonne comme lui. Leur force réside dans le fait qu'ils ont su emporter leur auditoire dans cet univers. Voir Unsane en concert, c'est plus que de voir un groupe live. C'est entrer dans un autre monde. Le groupe a trente ans mais il en aurait quarante ou cinquante que cela ne changerait rien. Unsane est intemporel.
Sur la petite scène Mosquitos, le set de
Girl Band me déçoit quelque peu. Le chant de Dara Kiely évoque trop David Byrne des Talking Heads et les guitares font trop facilement penser à The Fall. Il est normal qu'un groupe ait des influences mais celles de Girl Band sont trop évidentes et surtout pas encore assez digérées.
Baloo, par exemple, n'est pas un mauvais morceau mais il sonne trop comme un inédit de The Fall pour être honnête.
De Bom Bom et
Pears For Lunch sont de bons morceaux mais là encore, on a trop l'impression de voir de bons élèves qui ont bien appris toute leurs leçons de la musique noise-post punk des vingt dernières années. On ne sera cependant pas trop sévère avec les irlandais qui n'en sont qu'à leur premier album. Il convient que ce groupe arrive à maturité, trouve un son, un univers qui lui soit propre.
Shellac concluent magnifiquement la soirée sur la scène de la salle Paloma. Que dire de plus sur le légendaire Steve Albini. Producteur des Pixies, de Mogwai, de Nirvana, de PJ Harvey, des Slints... l'homme est un monument du rock indépendant américain. Ces groupes sont tous devenus cultes, de Big Black qui a influencé toute la scène post-hardcore américaine à Rapeman en passant par Shellac qui poursuit son activité aujourd'hui.
Sur scène, le groupe délivre juste une leçon de rock à un point qui en est fascinant. Les morceaux sont élaborés sur un modèle de déconstruction sonique. Dans cet édifice, la guitare de Steve Albini joue un rôle essentiel mais encore davantage la batterie de Todd Trainer. Son jeu est juste ahurissant. Presque tout est joué dans une rythmique constante de cassure.
Le groupe ouvre son set par le superbe
Canada, morceau typique du style Shellac.
The End Of Radio est juste phénoménal, long de dix minutes à la structure extrêmement complexe alternant moments de folie et moments de calme pour un titre à la tension extrême.
Dude Incredible, tiré du dernier album en date du groupe, vire vers le blues tandis que le riff de
Ready As She Goes fait irrésistiblement penser à celui de
Let There Be Rock de AC/DC. Le groupe finit son concert par
Squirrel Song et
Crow, classiques du répertoire scénique de Shellac, et montre que dans le genre post-punk, il reste plus de vingt ans après sa création toujours aussi novateur. Si la formation est aussi bonne sur scène, c'est que l'on sent chez Albini un vrai sens de l'audace musicale et un plaisir évident de jouer.
Avec ce concert, le festival This Is Not A Love Song se conclue de la plus belle des manières : trois jours de bonheur avec une programmation ambitieuse, des groupes cultes qui auront fait honneur à leur rang et de nouveaux artistes très prometteurs que l'on a eu plaisir à découvrir.