A l'image d'un mois d'août tout sauf estival, cette première journée de l'édition 2017 du festival Rock en Seine n'aura elle aussi pas été épargnée par les conditions météorologiques. Après quelques orages durant la matinée, de nouvelles averses accompagnent en effet l'arrivée des premiers festivaliers sur le site aux alentours de 15h. Fort heureusement, si la boue sera en conséquence de la partie tout au long de la journée, le début des concerts s'accompagne du départ définitif de la pluie en ce vendredi 25 août.

Aperçus à plusieurs reprises en France au cours des derniers mois, notamment en première partie de Biffy Clyro,
Frank Carter & The Rattlesnakes se voient aujourd'hui offrir l'opportunité d'ouvrir les festivités. Le public présent face à la Grande Scène est certes encore diffus, mais les anglais font une fois encore preuve de tout leur savoir-faire. Bête de scène et entertainer expérimenté, Frank Carter dynamite à lui seul ce début de journée alors que ses musiciens tiennent plus sagement leur poste sur scène. Le roux tatoué harangue sans cesse le public, se jetant dans les premiers rangs ou déclenchant un gigantesque circle pit selon son bon vouloir. Certes le punk des anglais a pu prendre au fil du temps une allure plus accessible (ou commerciale, c'est selon), mais leur énergie et la qualité de certains titres de leur répertoire, notamment
Lullaby, justifient à eux seuls leur présence aujourd'hui. Ceux ayant pu parfois se plaindre du manque d'artistes rock ou punk lors des récentes éditions du festival en auront eu pour leur argent, les autres ayant probablement apprécié l'engagement et la sincérité d'une formation toujours brillante et réjouissante dans des conditions live.

Les guitares sont décidément à l'honneur en ce début de festival puisque l'on retrouve sur la Scène de la Cascade une jeune formation de Manchester très en vue outre-Manche récemment,
Cabbage. Alors que leur EP
The Extended Play Of Cruelty est disponible depuis quelques semaines seulement, ces derniers semblent d'ores et déjà susciter un certain intérêt en France. Loin de l'esprit Madchester, leur musique puise sa force dans le rock ou le punk à l'image notamment de Fat White Family ou Shame, portée par deux leaders, Lee Broadbent et Joe Martin, s'échangeant régulièrement les postes de chanteur et guitariste. Typiquement britanniques, leurs influences et leur attitude leur permettent de dégager un charisme certain tandis que les brûlots sont enchainés sans sourciller ni se laisser impressionner. Avec des titres portant pour noms
Terrorist Synthesizer, Celebration Of A Disease ou
Uber Capitalist Death Trade, les cinq garnements ne manquent pas de second degré mais ne tombent à aucun moment dans la provocation inutile. Quarante-cinq petites minutes de tension et de rock brut de décoffrage, de quoi continuer de voir en eux de sérieux espoirs de la scène anglaise.

De retour sur la Grande Scène, le public a répondu présent pour le retour en terres parisiennes de
The Pretty Reckless, groupe de Taylor Momsen, découverte en tant qu'actrice il y a quelques années désormais au sein de la série télévisée Gossip Girl. Accompagnée sur scène pas trois musiciens, la jeune femme ne nous épargne pas tous les poncifs du rock ou hard-rock, leur domaine de prédilection. Look de rock star, tenue noire, voix forcée, attitudes sur-jouées, multiples poses... L'excercice est maîtrisé mais manque tout bonnement de spontanéité et de sincérité. Durant près d'une heure les titres se suivent et se ressemblent, l'attitude et la plastique de la chanteuse semblant être les principaux arguments de vente d'une formation dépourvue d'une quelconque once d'originalité. A oublier très vite.

Une petite heure plus tard, toujours sur la Grande Scène, ce sont les texans de
At The Drive-In que le public attend de pied ferme. Après une unique date à guichets fermés au Trianon de Paris l'année passée, c'est armés d'un nouvel album,
in • ter a • li • a, que les cinq musiciens apparaissent tout de bleu vêtus, et présentés quelques minutes plus tard comme « The Blue Man Group » par un Cedric Bixler-Zavala d'humeur très joviale tout au long du set. Un leader du groupe que l'on verra tout au long du set arpenter la scène, malmener son microphone ou se jouer du décor sans répit. Les échanges avec le public se font rares, mais l'intérêt du groupe réside ailleurs : le talent des musiciens est évident, à commencer par un Omar Rodríguez-López toujours brillant guitare en main. Seul point noir de leur set, huit chansons seront jouées ce soir, le groupe quittant les lieux avec près de vingt minutes d'avance sur l'horaire prévu, non sans avoir toutefois choisi de proposer une setlist essentiellement axée sur l'album ayant fait d'eux une figure majeure du punk américain :
Relationship Of Command.
One Armed Scissor, morceau devenu culte sous bien des aspects, restera le symbole de leur prestation : court, détonnant mais diablement jouissif.

Si le succès critique ou commercial de leur récent album
Damage And Joy n'a sans doute pas été celui escompté, notamment après deux décennies de silence discographique,
The Jesus And Mary Chain restent une valeur sûre sur scène et vont s'employer ce soir à nous le démontrer brillamment une heure durant. Réduisant la communication au strict minimum, les Ecossais parviennent malgré tout à conquérir la Scène de la Cascade avec un set puisant dans l'ensemble de leur discographie mais aussi et surtout des interprétations superbes portées par une acoustique parfaite. Comme à son habitude, c'est au plus près de son microphone que Jim Reid officie au premier plan au centre de la scène, les quatre autres musiciens, incluant son frère William tout aussi discret qu'efficace à la guitare, passant au second plan derrière une fumée omniprésente et des éclairages moins aveuglants qu'à l'accoutumée. Le mur de guitares saturées, la densité de leur son shoegaze et le renfort ponctuel de Bernadette Denning sur certains titres récents ou plus anciens, notamment
Just Like Honey, leur permettent ce soir d'offrir un concert à la hauteur de leur pédigrée.

Sur la Grande Scène, un public nombreux attend le retour d'une formation pour laquelle la France s'est toujours passionnée :
Franz Ferdinand. Un groupe que beaucoup vont découvrir ce soir sous une nouvelle forme, Nick McCarthy ayant quitté son poste l'année passée pour être désormais remplacé par deux nouveaux musiciens : Dino Bardot à la guitare ainsi que Julian Corrie aux claviers et à la guitare. Des changements n'ayant en rien affecté la dynamique des Écossais, toujours aussi brillants pour faire remuer les foules avec un répertoire comptant d'innombrables tubes mais aussi ce soir quelques inédits de très bonne facture laissant entrevoir l'arrivée prochaine d'un nouvel album. Dans un français touchant mais quelque peu approximatif, Alex Kapranos, affublé d'une coupe de cheveux improbable, multiplie les échanges avec le public et assure le spectacle à lui seul tandis que ses camarades font preuve d'un beau professionnalisme. En faisant la part-belle à leur premier disque éponyme, avec notamment
The Dark Of The Matinée, Jacqueline, Michael et bien entendu
Take Me Out, Franz Ferdinand ne peuvent que satisfaire le plus grand nombre, concluant une prestation de haute volée de plus d'une heure sur le détonnant
This Fire.

La nuit ayant désormais pris ses quartiers, c'est avec le set très festif de
MØ que le public est appelé à poursuivre la soirée sur la scène de la Cascade. Accompagnée de trois musiciens, et bien qu'elle ne compte toujours qu'un seul et unique album au sein de sa discographie, Karen Marie Ørsted assure le spectacle ce soir et arpente la scène de long en large avec des chorégraphies et déhanchés dont elle seule à le secret. Alors que le public s'est montré très sage tout au long de la journée, l'ambiance monte rapidement tout au long de son set, son électro-pop teintée teintée de sonorités urbaines se trouvant parfaitement adaptée pour animer cette fin de soirée alors que son chant impeccable mérite bien des louanges.
Avec Flume, The Shins et Black Lips programmés simultanément, le public n'aura aujourd'hui que l'embarras du choix et des styles pour achever cette première journée copieuse et n'ayant laissé que peu de temps de répit aux plus motivés. En attendant les venues de PJ Harvey, The Kills ou encore Jain le lendemain !