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Wide Awake Festival

Londres, - 3 septembre 2021

Live-report rédigé par Jean-Christophe Gé le 13 septembre 2021

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vendredi 3
Il aura finalement fallu attendre un an de plus pour assister au premier Wide Awake Festival. Entre les groupes de la première édition passée à la trappe du COVID-19 et ceux ajoutés en 2021, c'est une orgie d'artistes de qualité qui était proposée au public.

A l'initiative de promoteurs et de clubs londoniens qui œuvrent au développement des scènes locales, les organisateurs auront puisé jusqu'à la dernière minute dans leur vivier pour remplacer les artistes empêchés de voyager ou forcés à rester confinés chez eux.

C'est dans le Brockwell Park de Brixton, non loin du Windmill, un de ces clubs dénicheur de talents, que le Wide Awake a posé ses scènes. Il partage le terrain avec deux autres festivals, Mighty Hoopla orienté pop et paillettes le samedi, et Cross The Tracks plutôt jazz, soul et funk le dimanche.

L'équipe organisatrice a travaillé d'arrache-pied, mais il ne faut pas minimiser l'effort des festivaliers qui se sont vus proposer plus de cinquante artistes répartis sur 6 scènes. Un pan entier de la programmation orienté clubbing et DJ me facilite légèrement la tâche, mais il m'a fallu des heures d'écoute de groupes à la notoriété plus ou moins naissante pour faire mon itinéraire sur clashfinder. Un délicieux problème de privilégié pour naviguer dans cette foule de talents, pour la plupart au stade du premier album, et collectionneurs d'étoiles dans les chroniques de Sound of Violence.

Des choix s'imposent naturellement : aller voir les groupes découverts pendant le confinement (Porridge Radio et Yard Act), les bêtes de festival (The Murder Capital, shame, IDLES), un classique jamais vu (A Certain Ratio), les groupes hype que je veux découvrir (Black Country, New Road, black midi, Dry Cleaning, Goat Girl) et des formations appréciées mais que je n'ai jamais suivies sur scène (Mandrake Handshake, Tiña, PVA, Pozi...).

Première bonne surprise une fois arrivé sur le site, malgré un été pourri, ce vendredi est un miracle météorologique : il n'y aura pas une goutte de pluie et juste ce qu'il faut de soleil pour apprécier le redoux sans brûler. Double contrôle à l'entrée, billet et bien sûr pass sanitaire dans toutes ses versions (Angleterre, Pays de Galles, Ecosse et même Europe), mais une fois sur le site, on oublie facilement qu'il y a encore une pandémie.

Les londoniens de Tiña ont la lourde tâche, ou l'honneur, d'ouvrir le festival sur la grande scène. C'est propre et bien fait, peut-être qu'en comprenant les paroles je rentrerais plus dans leur délire et comprendrais le bermuda pilou rose et le t-shirt à paillettes du chanteur. Le bassiste trouve que commencer à midi c'est un peu dur et nous demande plusieurs fois si nous avons tous bien pris notre petit déjeuner. Et puis, après trois titres, les morceaux plus lents me font rentrer davantage dans leur musique et j'hésite à décrocher pour aller voir ce qui se passe sur la scène du Moth Club, une autre salle défricheuse de talent, à Hackney, à l'autre bout de la capitale.


La traversée du site se fait assez rapidement, il est organisé en cercle avec un choix impressionnant de food trucks en son centre. A noter également la présence de plusieurs brasseurs locaux pour boire autre chose que la bière de supermarché. Il aurait été dommage de rater le septuor Lazarus Kane : leur pop a la pêche et forcément, à sept, il se passe pas mal de choses dans leur musique post-punk/funk. Les groupes à large line-up représentent d'ailleurs une des tendances fortes de la programmation de l'événement.


Le festival a eu l'idée originale, et plutôt bonne, de programmer la tête d'affiche à 13h30. Après un oeil distrait sur la Bad Vibrations stage, je rejoins donc la scène du Windmill pour IDLES. Pas besoin d'échauffement, le groupe est manifestement très heureux de pouvoir rejouer devant un public et même si le son est brutal et les chansons vindicatives, il délivre un message de joie et d'amour. Pour moi le point d'orgue est Mother que je ne peux m'empêcher d'associer à leur enregistrement au Bataclan et à la force de la communion autour du rock. Joe Talbot semble l'aimer aussi il l'introduit par “Oh I like this one, I know all the words this is called mother". Pour moi, IDLES est le meilleur groupe punk du siècle !


Le problème, quand on programme la tête d'affiche en début de festival, c'est qu'il faut assurer après. Je décide d'aller rejoindre A Certain Ratio que je n'ai encore jamais vus sur scène alors qu'ils tournent depuis 1980. Le son signature du label Factory (Joy Division, New Order, Section 25...) m'aide à re-descendre d'IDLES. Une ambiance de fête post-punk se dégage de leur musique portée par jusqu'à cinq parties de percussions sur les morceaux. Tout cela de manière plus organique qu'électronique.


Mais la pression Porridge Radio à deux pas est trop forte. J'ai beaucoup écouté leur deuxième album pendant le confinement, et j'ai hâte de les voir sur scène. Il y a notamment un morceau, Long, que je veux absolument voir. Et comme par magie, c'est celui-ci que le groupe de Brighton entame quand j'arrive sur la scène Bad Vibration. Avec des chansons pop rock folk très directes, le groupe sonne vraiment très bien en concert. Ils accompagneront IDLES sur leur tournée européenne, cela promet de belles soirées.


Squid n'étaient pas sur mon itinéraire mais ils jouent à côté du corner brasserie londonienne et je découvre donc ce groupe très sympathique en sirotant une pinte assis dans l'herbe au soleil. J'étais tombé sous le charme de la musique psychédélique de Mandrake Handshake et je me demandais comment un groupe de dix hippies pouvait bien retranscrire son EP Shake The Hands That Feeds You sur scène. Encore une fois avec ces méga groupes il y a toujours quelque chose à regarder. Les mélodies et la voix de la chanteuse passent très bien et c'est une expérience magique que de voir ce groupe dans un parc une après-midi d'été avec une pinte d'IPA.


J'hésite à rater la fin du set pour aller voir les White Flowers. J'ai beaucoup aimé leur premier album et j'ai eu la chance de les voir sur scène en mai. C'était mon premier concert depuis février 2020 et j'en étais tellement excité que j'avais peut-être exagéré mon enthousiasme de les voir dans un concert sold out de trente personnes au Windmill en mode assis à des tables avec distances de sécurité. J'ai bien fait d'aller les voir sur la scène du magazine So Young, j'ai eu la confirmation qu'ils sont excellents en live, même à trois avec juste une guitare et une batterie pour bâtir leur univers. La chanteuse s'étonne que des gens dansent au milieu du public, c'est la première fois, et pourquoi pas même si leurs chansons sont très lentes.


Le contraste et le changement d'ambiance sont brutaux pour PVA, lesquels jouent une transe électronique glaciale et dépouillée, quelque part entre Underworld et Vive La Fête. Retour sur la scène So Young, et je prends une grosse claque d'un groupe dont je n'avais presque rien entendu jusque là : Pozi. Le trio est composé d'une batterie, d'une belle basse qui claque et d'un violon. Chacun des musiciens chante. Leur son rappelle fortement les groupes de Factory (Section 25 et Stockholm Monsters), souhaitons leur plus de succès !


Pas le temps de traîner. Le blues crasseux et noisy de Crows est la version londonienne de The Warlocks ou Black Rebel Motorcycle Club. C'est bon, ça nettoie les oreilles, mais ça finit par tourner en rond et je suis très curieux de découvrir Dry Cleaning sur scène.


Retour à un style plus classieux, le groupe n'est pas signé sur 4AD pour rien que je suis ravi de voir sur scène après avoir découvert leur premier album très prometteur. Leur set est très électrique mais leur son est parfaitement équilibré pour laisser s'épanouir les guitares qui crissent et la voix rauque de la chanteuse. Ce festival est incroyable, l'affiche était déjà impressionnante, mais Dry Cleaning y ont été ajoutés deux jours auparavant pour remplacer un groupe en quarantaine.


Le deuxième album de Goat Girl est une des sensations de l'année, mais j'ai un peu de mal à rentrer dedans. J'ai déjà été à moitié convaincu lors de leur passage le lundi précédent à All Point East, mais je n'avais pas plus creusé, voulant aller voir Arlo Parks, mais c'est une autre histoire. C'est donc une deuxième occasion de les voir, et une deuxième occasion de me dire que j'aime beaucoup certains morceaux, mais continue à avoir du mal à accrocher à l'ensemble du set.


Autre groupe que j'étais curieux de voir sur scène, Black Country, New Road, dont le premier album, For The First Time, a reçu 5 étoiles dans nos colonnes. Aujourd'hui ils enflamment tout simplement la grande scène. A sept, dont une violoniste et un saxophoniste, leur ambiance entre la kermesse et le drame théâtral fonctionne et transporte le public comme par magie, car il faut le reconnaitre leur musique n'est pas évidente de prime abord.


Retour à un format rock plus classique avec The Murder Capital. Leur musique n'est pas la plus originale et me rappelle une version énervée de Joy Division ou Interpol, ce n'est pas suffisant pour entrer dans mes playlists, mais quel plaisir de les voir mettre le feu sur scène.


Après une bonne dose de rock électrique, je suis près pour un autre septet jazz post-punk. Crack Cloud ne font pas dans la dentelle. Je n'ai malheureusement pas le temps de rester plus longtemps, je veux rejoindre black midi. Exceptionnellement accompagné d'une section de cuivre, le quatuor devient septet et occupe bien l'espace de la grande scène. Sur disque je les préfère à Black Country, New Road, mais en live je les trouve moins directs. C'est peut-être la fatigue, le festival a commencé il y a huit heures et j'ai déjà vu une vingtaine de groupes !


J'ai un dernier sursaut d'énergie pour Yard Act dont j'ai adoré le premier EP. C'est peut-être la seule faute de programmation de ce festival exceptionnel : la scène est trop petite pour ce groupe à la notoriété grandissante et la tente So Young déborde. Sur scène le groupe de Leeds confirme son potentiel. Entre rock et spoken words, ils emportent le public et laissent un énorme goût de reviens-y après un set de seulement trente minutes. Leur premier album sort le 7 janvier, vivement l'année prochaine !

artistes
    A Certain Ratio
    Black Country, New Road
    black midi
    C.A.R
    Crack Cloud
    Crows
    Daniel Avery
    Dar Disku
    DEBONAIR
    Dr. Rubinstein
    Erol Alkan
    Faux Real
    Fenne Lily
    Goat Girl
    Grainger
    IDLES
    Ivan Smagghe
    Kikagaku Moyo
    KOKOROKO
    Lazarus Kane
    Lena Willikens
    Los Bitchos
    Lynks
    Mandrake Handshake
    Mandy, Indiana
    MANFREDAS
    Maripool
    Minimal Violence
    Mondowski
    Moscoman
    Porridge Radio
    PVA
    Regressive Left
    Self Esteem
    shame
    Slift
    Squid
    The Mauskovic Dance Band
    The Murder Capital
    Tiña
    White Flowers
    Yard Act