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Dry Cleaning

New Long Leg

Dry Cleaning - New Long Leg
Chronique Album
Date de sortie : 02.04.2021
Label : 4AD
45
Rédigé par Lena Inti, le 1er avril 2021
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En 2017, trois amis, Tom Dowse (guitariste), Lewis Maynard (bassiste) et Nick Buxton (batteur) se retrouvent pour une soirée karaoké, qui leur inspire une collaboration. Tous trois se mettent à écrire de la musique ensemble, exclusivement instrumentale. Quelques mois plus tard cependant, Florence Shaw, artiste et photographe, participe à une de leurs répétitions et lit des notes et paroles qu'elle a elle-même écrites. C'est ainsi que naît Dry Cleaning. En 2019, le quatuor sort deux EPs palpitants : Boundary Road Snacks And Drinks et Sweet Princess. Le style unique du groupe nous séduit tout de suite : l'harmonie entre les musiciens et les phrases prononcées de manière souvent monocorde par Florence Shaw. Et ses paroles, observations de la vie quotidienne, de la routine et des activités les plus banales existantes, qui font partie intégrante de l'identité de Dry Cleaning.

En ce début de mois d'avril ensoleillé, ils nous reviennent avec New Long Leg, dont le titre est du Dry Cleaning tout craché : s'agit-il d'une nouvelle jambe avec laquelle on peut marcher ? Ou d'un nouveau pied de table à monter ? Étrange et quelque peu mystérieux, ou sans grand intérêt... C'est toujours avec cette ambigüité, un certain cynisme et une pointe d'humour que le groupe nous emporte dans son univers, le temps de dix titres cette fois-ci !

L'album s'ouvre avec Scratchcard Lanyard, sa ligne de basse addictive, rejointe quelques instants plus tard par la guitare de Tom Dowse et une bonne dose de réverbération. Technique utilisée à plusieurs reprises au cours de l'album, la voix grave et sèche de Florence Show et son spoken word s'entrelace aux riffs de guitare, les deux se mêlent et se démêlent tout au long du morceau, se tournent autour et parfois encore se laissent de l'espace pour apporter de la tension et du suspense. C'est aussi le cas sur Her Hippo, et sur Strong Feelings, où la lenteur des riffs de guitare disparaît pour papillonner rapidement autour du chant, alors qu'une boîte à rythmes fait son apparition. Tandis que la ligne de basse se fait groovy et dirige le morceau, comme sur la mélancolique Leafy.

Si l'album est dans l'ensemble plus complexe et ambitieux que les deux EPs mentionnés, Unsmart Lady surprend par son début en forme d'explosion de sons noise rock, dirigée ensuite par un riff de guitare lent et dissonant qui prend plus tard la direction d'un stoner rock bien lourd, avant de se calmer. Le titre John Wick, quant à lui, débute plus classiquement par ce riff au son caractéristique de Dry Cleaning.
Ce qui change des habitudes du groupe sur ce premier album (permises par une plus grande confiance, mais aussi contraintes par les conditions d'isolation en 2020), c'est l'espace que les quatre artistes se donnent sur certains titres comme John Wick. La chanson est suspendue, retenue par une ligne de basse quelques instants, puis rejointe par un solo de guitare sur fond de synthétiseur, qui apporte de la consistance au morceau. La boîte à rythmes permet aussi de nouvelles expérimentations. Que dire alors de la sublime Every Day Carry ? Ce morceau semble être l'apogée du son de Dry Cleaning, avec tous les éléments qui ont séduit sur leurs deux EPs, et cette interruption du morceau par une répétition de bruit de synthétiseur. Pendant près d'une minute, des sons de guitare stridents semblent imiter le va-et-vient d'un essuie-glace. C'est étrangement plaisant, car cela apporte une tension et du suspense au morceau, qui reprend brutalement, délaissant le minimalisme du début du titre.

Quant aux thèmes de l'album, ils font suite à ceux des deux EPs, accentués par les restrictions et l'isolation que l'on connaît depuis un an. Florence Shaw aborde des sentiments complexes comme l'amour (Strong Feelings), la nostalgie (Leafy), la colère (Her Hippo, New Long Leg, Every Day Carry), la revanche, l'anxiété, la cuisine (More Big Birds), l'apathie, l'étourderie, la survie... et les filtres Instagram (Scratchcard Lanyard). Par-dessus ou bien mêlée aux riffs de guitare répétés, la voix de Florence Shaw, souvent lasse, déclame les paroles de manière articulée et joue avec le rythme et la longueur des phrases, tantôt brèves et rapides, se déjouant de l'instrumentation, tantôt plus lente. La chanteuse exprime des pensées et morceaux de conversation de manière subtile, en prenant son temps et en n'hésitant pas à jouer avec les silences et en variant légèrement les intonations. C'est fait de manière très intelligente et l'on croirait parfois entendre une conversation voisine dans la rue, chez le coiffeur ou dans un supermarché. Car ces lieux assez banals du quotidien sont la principale source d'inspiration des paroles de Florence Shaw.

En des temps spéciaux comme ceux que l'on vit, s'amuser de choses de la vie courante, prêter l'oreille à des bribes de conversation et retirer une certaine beauté et poésie à des objets quotidiens est inspirant. Et bien plus encore quand tout cela est mis en musique par des artistes talentueux comme Dry Cleaning sur ce remarquable premier album.
tracklisting
    01. Scratchcard Lanyard
  • 02. Unsmart Lady
  • 03. Strong Feelings
  • 04. Leafy
  • 05. Her Hippo
  • 06. New Long Leg
  • 07. John Wick
  • 08. More Big Birds
  • 09. A.L.C
  • 10. Every Day Carry
titres conseillés
    Scratchcard Lanyard - More Big Birds - Every Day Carry
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