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Levitation France

Angers, du 24 au 25 septembre 2021

Live-report rédigé par Laetitia Mavrel le 27 septembre 2021

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samedi 25
Petit à petit, l'ordinaire semble reprendre ses droits. Un début d'automne sous des trombes de pluie, un temps encore assez doux pour ne pas sortir les doudounes mais pour remiser définitivement shorts et autres débardeurs. Mais celui qui nous manquait le plus est le retour aux festivals de fin de saison dont le très joyeux Levitation France revenu monter ses scènes rock éclectiques à Angers, belle capitale du Saumur-Champigny et du pâté aux prunes.

Cette année, pour cause de protocoles sanitaires toujours en vigueur, le festival le plus psyché cool s'est installé en outdoor afin d'assurer le plaisir sans masques mais toujours sous réserve du pass sanitaire. Ainsi, nous nous retrouvons littéralement sur le parking du Chabada, mythique salle de concert angevine, où sont installées à seulement quelques centaines de mètres de distance deux scènes permettant un passage fluide d'un concert à l'autre.
Avec juste ce qu'il faut de stands et food trucks locaux, et assez de bars pour contenter tout ce petit monde, le Levitation France a su faire fi de la crise sanitaire pour nous permettre un retour en festival qui se faisait plus qu'attendre, et ce dans des conditions quasi normales. Un beau cadeau pour arborer cette rentrée tristounette et faire le plein d'énergie et d'optimisme pour des jours enfin débarrassés du COVID-19.

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Et quoi de plus naturel que de débuter les hostilités en ce second jour avec un gros rideau de pluie. C'est dans ces conditions épiques que Tiña débutent leur set devant une foule qui se fiche éperdument des averses tant le retour dans une fosse est jouissif.
Ayant égayé notre retour en confinement l'an passé avec son premier album Positive Mental Health Music, Tiña et son leader tout en strass fushia Joshua Loftin ne manquent pas de confirmer tout le bien que nous avons pensé de ce très bon premier opus. Nous sommes loin du sud est londonien avec cet hurluberlu en short en mousse et Stanton rose bonbon. Sa pop psyché aux chaudes nuances western indé fait vraiment monter la température sous les K-Way. Tout sourire, toujours un brin réservé (le phlegme anglais est comme la pluie en festival, imperturbable), Tiña ont réellement convaincu en ces quarante-cinq minutes et nous sommes impatients de les retrouver à Paris le 7 octobre au Point Éphémère (dress code : ROSE).

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Les fidèles applis des smartphones nous avaient bien prévu une fin des averses vers 19h mais pas la série de coupures de courant sur la scène sud, celle qui accueille dorénavant Anika. Après avoir attendu dix ans pour le nouvel album Change paru en juillet dernier, il était temps de retrouver en live Annika Henderson et ses musiciennes qui ont su remporter le challenge d'imposer leur rock introspectif et expérimental en plein jour. Alors que le concert commence tout doucement sur quelques notes de synthé, tout s'arrête et nous restons une bonne dizaine de minutes en compagnie de ces dames qui viennent s'asseoir en bord de scène pour partager quelques bières et beaucoup de sourires avec le public.
Une fois le courant revenu, Annika Henderson nous sert trente-cinq minutes (les sets écourtés n'ont pu bénéficier de prolongation du fait d'horaire de passage cadrés) avec une majorité de titres dans une ambiance douce et pourtant sombre, à l'image du dernier disque. Un peu atypique pour ce festival majoritairement rock, Anika a su également convaincre une audience avide de découverte.

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Après avoir réussi à faire sécher la veste et grâce à quelques spécialités locales rafraichissantes, de la bière au crémant (avec modération) en passant par les jus de pomme fraise, la nuit tombe dans un ciel dorénavant dégagé pour laisser place à LICE, quatuor de Bristol qui a fait du bruit en janvier dernier avec son premier album étonnant nommé WASTELAND : What Ails Our People Is Clear. Déconcertant étant même le qualificatif le plus approprié, voilà pourquoi leur présence sur scène a attiré beaucoup de curieux.
Ce qu'il ressort de cette prestation injustement écourtée à cause de la fée électricité (ici ce sont presque quinze minutes qu'il aura fallu pour rétablir la situation), c'est la transe dans laquelle plonge Alistair Shuttleworth, chanteur au vieil imperméable et aux yeux toujours exorbités. La musique de LICE étant un rock indus aux effets sonores un peu stridents rappelant les entrechoquements de métal ou autre matière résonante, la force des riffs de guitares, la lourdeur de la rythmique et les cris du chanteur nous projettent dans un univers à la limite de l'angoissant. Cependant, du fait de la coupure électrique à rallonge, pas de balance pour la reprise, donnant alors un maelstrom de son souvent indigeste. Heureusement que les musiciens ont su entrainer le public avec eux, les paroles étant peu audibles pour se plonger dans les textes inventifs de l'album. LICE sont à redécouvrir d'urgence sur scène dans une petite salle où pourra s'exprimer tout le potentiel anxiogène de leur répertoire.

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Les têtes d'affiches de ce Levitation second jour sont pour notre plus grand bonheur deux groupes fortement appréciés sur Sound Of Violence et dans le petit monde des amateurs de rock british. Venu enfin défendre leur deuxième album Drunk Tank Pink qui a étonné autant que convaincu en début d'année, shame et leur lead singer charismatique Charlie Steen ont littéralement dévoré le public tant la quasi-intégralité des festivaliers étaient à l'unisson du set brûlant du jeune gang de Brixton.
Comme à l'accoutumée avec shame, on débute dans la pénombre avec la voix sombre de Charlie Steen qui, sur le devant de la scène, sans lâcher son pied de microphone, assène les titres de Drunk Tank Pink les plus lents tout en plongeant la fosse dans un état semi cathartique. Le chant de Steen a gagné en profondeur depuis 2018 où ce dernier exprimait plutôt une rage juvénile très punk. Aujourd'hui, son jeu de scène et ses mimiques s'assimilent plus à Ian Curtis dans ce qu'il avait de froid mais exalté, tant dans la posture, le visage et surtout la chant dissonant et vraiment torturé. Les vêtements trop larges et austères jouent aussi beaucoup. Mais les aller-retours incessants du bassiste de gauche à droite de la scène eux n'ont pas disparus pour notre plus grand plaisir.

Pas une minute de perdue dans ce set d'une heure où shame ont joué leurs titres les plus appropriés à une fosse de festival, en rappelant le bonheur de revenir en France, pays du bon fromage et du bon vin (cliché mais tellement vrai) où l'accueil les ravit à chaque fois. Les projections vidéo multi couleurs hallucinogènes, marque de fabrique de Levitation, ont donné au set de shame une ampleur digne d'un Zénith. Les averses déversant non plus de la pluie mais de la bière, les conditions étaient optimales pour apprécier le groupe qui malgré son jeune âge est déjà une référence scénique.

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Le festival ne disposant que de deux scènes, c'est naturellement que la foule encore bien présente assiste aux retours des petits génies mancuniens de Working Men's Club. Les ayant quittés en mars 2020 à seulement quelques jours du début du confinement, l'émotion est présente à l'idée de se remettre aux affaires avec la bande à Sydney Minsky-Sargeant.
N'ayant pas vraiment de nouveautés à nous proposer (hormis un premier morceau joué que je n'ai pu identifier), Working Men's Club interprêtent donc fidèlement l'album éponyme sorti fin septembre 2020 sans changer de jeu de scène. Cela étant, le potentiel des titres comme A.A.A, Valleys ou Cook A Coffee n'ont pas besoin pour faire exploser leur énergie de trop de manières. Au contraire, c'est bien ce côté rigide sans expression des musiciens qui opère par contraste. Doté comme d'un light show kaléidoscopique (s'il y avait des épileptiques dans la fosse, c’était trop tard...), Sydney Minsky-Sargeant est lui le seul qui, en tant que chanteur, se permet le dandinement nécessaire pour venir haranguer la foule. « Regardez-moi vous faire la gueule, je sais que vous aimez cela » semble-t-il penser, et ce à juste raison. Faisant tomber petit à petit les couches de vêtements, de la parka au marcel blanc, c'est seulement à son jean baggy que pouvait se raccrocher le leader des Working Men's Club ainsi qu'aux premiers rangs lors d'un petit crowd-surfing approprié.
Seulement quarante-cinq minutes de set mais un sans-faute car la fièvre que déclenche le punk house et groovy du groupe est éreintante. On aura fortement apprécié sur l'emblématique FEET en guise de clôture la présence parmi nous des LICE venus se déhancher (toujours vêtus de leur imperméables douteux) et partager la liesse générale.

Un final au sec, sans coupures de courant, chatoyant et dansant, il n'en fallait pas plus pour parfaitement achever cette édition 2021 du Levitation France que l'on espère retrouver l'an prochain, cette fois-ci avec le retour des artistes américains, grands absents pour cause de voyages encore et toujours compliqués outre-Atlantique.
artistes
    SHAME
    SLIFT
    ZOMBIE ZOMBIE & SONIC BOOM
    ANIKA
    WORKING MEN'S CLUB
    LOS BITCHOS
    TIÑA
    LICE
    PARENIN/WEINRICH/ROLLET
    BASTON
    WILD FOX