Jour 2 – Different Class
La journée type d'un organisateur de festival ? Se battre pour ne pas finir en faillite, convaincre des investisseurs privés, en l'occurrence un banquier d'affaires féru de rock (ndlr : n'ayez crainte, la France a déjà confié son avenir à un banquier et ça s'est très bien passé), rêver à Pulp, vider son compte en banque et espérer que le public suive.
La journée type d'un festivalier ? Dormir un peu, avaler quelques huîtres et un verre de blanc en bord de mer, se prélasser en musique à la plage de Bon Secours, puis courir au Fort pour vivre un concert attendu depuis treize ans, le grand retour en exclusivité nationale de la bande à Jarvis. Ce vendredi affiche complet et la Route du Rock bascule dans une autre dimension. Plus que quelques heures à patienter. Countdown...
Biche – Do You Remember the First Time ?
Seul groupe français à l'affiche de ces trois jours, Biche ouvrent la soirée en apéritif pop. Frais comme un spritz breton, leur musique planante lorgne du côté de Flavien Berger et consort. Une mise en bouche sympathique et discrète avant l'ouragan anglais.
Porridge Radio – Separations
On le sait depuis plusieurs mois, Porridge Radio se séparent. Le groupe a choisi la Route du Rock pour l'un de ses derniers adieux et leur set avait la beauté des choses condamnées, tendu, habité et traversé par l'émotion. Ils vont nous manquer mais ne vous inquiétez pas, Dana Margolin n'en a clairement pas fini avec la musique.
GANS – Party Hard
Révélation confirmée ! Avec leur post-punk abrasif venu de Birmingham, GANS frappent fort mais juste. L'énergie brute d'un duo qui joue comme si sa vie en dépendait et qui pourrait bien exploser très vite. Une affaire à suivre.
Yard Act – Leeds: Sex City
Déjà habitués du Fort, les chouchous de la rédaction confirment leur statut de nouveau poids lourd de la scène rock anglaise. Plus pros et plus carrés donc forcément un peu moins surprenants qu'à leurs débuts, Yard Act restent capables de marier groove addictif et rage sociale comme personne. Le public les suit les yeux fermés, la température monte.
Tropical Fuck Storm – Freaks
Iggy Pop les adore, et on comprend pourquoi, leur set est un chaos jubilatoire. Mais ce soir, beaucoup coupent avant la fin, le concert de Pulp approche et personne ne veut perdre sa place. « Allo, t'es où ? Ça capte pas ! On se retrouve au premier rang... »
Pulp – Master of the Universe
Le moment que tout le monde attendait ! Au temps de la guerre de tranchées entre Blur et Oasis, on avait déjà choisi notre camp, celui de Pulp. Alors entre Oasis à Wembley et Pulp à Saint-Malo, inutile de sortir la calculatrice, autant garder nos deux reins et nos illusions (les madeleines hors de prix, très peu pour nous).
On s'était juré que la boucle était bouclée à l'Olympia en novembre 2012 lors d'un dernier tour de piste mythique. Quand les légendes de Sheffield ont annoncé un nouvel album, on a eu peur du coup de trop, du whisky rassis rallongé au soda. Mais
More a dissipé nos doutes avec ses titres entre intimité et grandiloquence, du Cocker pur jus. Assez pour rappeler que Pulp n'est pas une reformation, mais une idée fixe qui refuse de mourir.
Et donc, devant un Fort plein comme jamais (troisième plus grosse affluence du festival, nous soufflent les comptables), Jarvis et sa bande ont réinventé la communion de masse. Hits légendaires (
Common People,
Do You Remember The First Time?), uppercuts scéniques (
This Is Hardcore,
O.U. (Gone, Gone)) et caresses en catimini (le final
Sunset, tous serrés comme un dernier selfie de classe) pour un concert en forme de masterclass britpop. Douze mille personnes repartent avec le sourire aux lèvres et des souvenirs plein la tête, qu'elles aient vu Pulp pour la première ou la dixième fois. Oasis pouvaient bien remplir Wembley, ce soir-là, l'Histoire était en Bretagne.
La Chenille – Common People
On croyait la soirée terminée, mais l'évènement le plus important restait la traditionnelle chenille géante, lancée juste après le set de Pulp. Jarvis lui-même posta sa surprise sur Instagram avec pour commentaire #onlyinfrance. Sur le Fort, les pogos deviennent farandole absurde et même les cyniques se laissent happer.
Frankie and the Witch Fingers – This Is Hardcore
Peu représentés cette année, les Etats-Unis nous balancent tout de même une tempête sonique venue de Los Angeles. Au menu, brutalité psyché, énergie garage et, cerise sur le gâteau, une reprise de
I Wanna Be Your Dog en hommage au parrain Iggy. La Route du Rock n'oublie pas ses racines électriques.
Verdict
Un vendredi comme rarement la Route du Rock en a connu. Entre les adieux poignants de Porridge Radio, la révélation GANS, la confirmation Yard Act et l'apothéose Pulp, la soirée restera dans les annales. 12 000 spectateurs, une ambiance électrique et la certitude que la Route du Rock peut désormais accueillir les grandes messes sans perdre son âme.