Godflesh

« Welcome To Hell », ce dimanche soir Villette Sonique a revêtu sa plus longue cape et disposé quelques cierges en prévision de la messe noire orchestrée par Liturgy, Soft Moon et Godflesh.

Avec l'entrée en scène de Liturgy, groupe américain originaire de Brooklin, le basculement du corps et de l'esprit dans un état second se fait tout naturellement. L'écoute fascine et éclaire à la fois au travers d'une formule musicale hypnotisante jouant sur les effets de répétitions et la sensation alternée que l'on nous assène des coups d'électrochocs à grand renfort de riffs rapprochés. Le groupe distille un son mystique qui utilise la plainte comme pour assurer le salut de son âme. Le cri qui occupe une place importante au sein de cette formation semble renvoyer à l'utilisation du chant liturgique qui possède avant tout une vocation spirituelle. Le leader, Hunter Hunt Hendrix, pousse même le vice jusqu'à conceptualiser sa musique en employant le terme de « Black Metal Transcendantal ».

Après cette entrée en matière réussie, la soirée se poursuit avec un très bon quintet venu de San Francisco. Le son de The Soft Moon nous plonge dans une noirceur lunaire ensorcelante. Entre rythmique binaire, synthé lumineux et échos rêvés, le groupe délivre une prestation efficace en forme de rédemption apocalyptique teintée de litanie joyeuse.



Le Black Metal Transcendental de Liturgy et la Dark Wave incantatoire de The Soft Moon ont su nous séduire, mais très vite la patience du public avant l'entrée sur scène de Godflesh, manifestement très attendu, est mise à rude épreuve. Si l'installation des deux murs d'enceintes de part et d'autre de la scène s'est faite sans difficultés, la suite des événements va prendre une toute autre envergure. En effet, pendant près d'une demi-heure, alors que tout semble prêt sur scène, les techniciens se relayent tour à tour autour la pédale d'effets Line 6 Bass Floor POD située au pied du micro de Justin Broadrick afin de trouver un adaptateur secteur adéquat. La salle bouillonne et ne supporte plus l'attente et les minutes passées à l'installation du matériel de scène. Des cris, couverts par des sifflements se font entendre, quelques verres en plastique sont jetés sur scène... La tension est palpable ce soir. La quête s'achève aux alentours de 23h, au grand soulagement du public. Godflesh peut enfin faire son entrée.
Le groupe originaire de Birmingham s'est formé en 1988 autour de Justin Broadrick au chant et à la guitare, et de Ben George Christian Green à la basse. Dissous en 2002, le duo fait son grand retour huit ans après en 2010. Il est perçu comme l'un des pionniers du Black Metal industriel. Rapidement je comprends pourquoi le groupe anglais est considéré comme une référence dans le domaine.



Au fur et à mesure que les morceaux s'enchaînent, on distingue peu à peu les particularités sonores, un son très caractéristique se dessine. On retrouve une basse en overdrive, une guitare plus en retrait, le tout associé à une boîte à rythme plutôt rudimentaire. Si leur style peut être décrit comme apocalyptique, la prestation fournie ce soir se veut à l'opposée un rendu vivant qui ne peut laisser le public de marbre et le pousse à secouer frénétiquement la tête. C'est donc un set énergique et dense d'une heure que nous délivre Godflesh en semant le chaos dans la salle d'un Cabaret qui porte bien son nom. Un chaos joyeux saluant une prestation efficace fermant ainsi la boucle avec un larsen interminable. Godflesh est définitivement un groupe à voir sur scène.

On ressort conquis par cette soirée agitée, les oreilles encore bourdonnantes et l'esprit ailleurs. Ces trois sets auront permis de mettre le Metal à l'honneur, chaque groupe ayant symbolisé avec force la diversité et la richesse de ce genre musical qui ne cesse de se réinventer à l'infini.