Course sur le boulevard, pour arriver pile au début du set de l'artiste gallois sur la scène du Trianon ce soir. En tête, les images de la même salle, la veille, pleine à craquer pour Nick Cave... The place to be. Maintenant vide... L'endroit est à moitié vide, ou à moitié plein. Tout dépend de si l'on fait partie des quinquagénaires/soixantenaires inconditionnels du co-fondateur du Velvet Underground présents dans la salle, ou des autres. Ce soir-là, on a l'impression que le tout-Paris se remet de sa folle nuit précédente, façon pyjama party en maison de retraite. Et malheureusement, la métaphore vieillissante ne s'arrêtera pas en si bon chemin.
Il est effectivement inutile de faire durer le suspens : ce concert sent la naphtaline. Le capitaine de la soirée, John Cale, est ici pour jouer
Shifty Adventures In Nookie Wood, son quinzième et dernier album sorti en octobre 2012, assez mal reçu par la critique, qui l'a taxé de retour vers le futur aux bases électro-synthétiques froides et sèches. Normalement, dans ces conditions de fragilité de la glace, personne ne s'adjoindrait les services d'un groupe orienté métal pour un live. Sauf John Cale... Effet Titanic garanti.

Y a-t-il une chanson plus remarquable qu'une autre ? Un air qui reste en tête ? Pas en live, en tous cas. Il est vrai que de la part d'un compositeur au passé si glorieux, on met la barre très haut et on attend quand même mieux que des morceaux de variété lourdement répétés en structures à peine plus légères. Si l'album, co-produit en partie par Danger Mouse et remixé à la sauce auto-tune pour masquer la voix vieillissante de John Cale, présente quelques intérêts sonores, le même en live tourne au naufrage. Le roulis permanent entre électro et techno vire rapidement au malaise gastrique, puis les riffs indigestes et troubles envolées synthétiques d'un Captain Hook et d'autres morceaux, prennant parfois des airs de générique de Thalassa, font surtout prendre l'eau à un navire déjà fortement rouillé.
À propos de
Face To The Sky, une des chansons phares de l'album, Cale a déclaré : « J'avais en tête des cordes et des rythmes tourbillonnants, mais je souhaitais éviter que l'ensemble sonne trop abouti. J'ai commencé par un riff de clavier qui semblait impossible à jouer et à partir de là j'ai superposé des couches dans l'idée de briser le confort afin de déstabiliser l'auditeur »... Largage réussi.

Aucune nouveauté dans ces compositions d'un autre temps, rien à sauver avant le sabordage final par des morceaux aux sonorités aussi suraigües que les sons d'un Cale occupé en fond de cale à scier dans la coque. Même le public, pensant faire éviter les rochers à l'embarcation plus du tout étanche, finit de la torpiller par de vagues applaudissements et rappels hésitants.
Mais que diable allais-je faire dans cette galère ?