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The Pastels

Lyon, Nuits de Fourvière - 2 juillet 2014

Live-report par Olivier Kalousdian

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Orages d'été le matin. Chaleur et ciel étoilé dans la soirée. La période estivale est là et bien là et le Festival de Fourvière, comme à son habitude, marque de sa programmation léchée et étalée sur deux mois le vrai début de la saison chaude. Pendant que l'équipe de France de football et ses supporters comptent les heures avant le quart de finale de la Coupe du Monde, plusieurs générations se donnent rendez-vous dans le théâtre antique de Fourvière pour une nouvelle soirée remarquable.

Trente ans après, qui aurait parié un kopeck sur ces groupes dans l'explosion d'énergie musicale que fut le post-punk et son courant de néo-romantiques ? Sortis de l'ombre à la fin de cette période, The Pastels et leur candeur faussement juvénile (mais quel âge ont-ils ? Ils semblent encore si jeunes...) nous reviennent de Glasgow. Avec un look emprunté aux Monkees – et à tout ce que l'Angleterre a produit de courants pop dans les sixties – et un flegme tout britannique, les six musiciens écossais mené par Stephen McRobbie n'avaient plus rien sorti depuis 16 ans avant 2013 et l'album Slow Summits marquant le retour du groupe.
Si de nombreux quadras et quinquas, venus en majorité pour la bande à Black Francis se souviennent de ce groupe qui évolua en même temps et sur le même label que les Jesus And Mary Chain ou Primal Scream, une grosse majorité du public croit voir, dans cette formation, un groupe fraîchement arrivé. Reconnus alors pour des compositions qui avaient plus à voir avec le shoegazing qu'avec la pop quasi folklorique proposée en début de set, les deux membres originels du groupe (Stephen McRobbie et Katrina Mitchell) sont ce soir accompagnés par quatre nouveaux musiciens qui ne devaient pas être très âgés à leur début, en 1982.

Délaissant les guitares saturées et la noisy pop pour une ligne claire et l'omniprésence d'une flûte traversière légèrement « babacool » sur la première moitié du set, The Pastels sont aujourd'hui bien plus proches de formations folk pop que des Teenage Fanclub ou des Vaselines (qu'ils sont réputés avoir grandement influencés). Souffrant dés le départ de problèmes techniques, le set sera marqué par de longues coupures qui n'angoisseront jamais Stephen McRobbie. The Pastels entament Secret Music dont Katrina assure le chant (et sa batterie) et qui, rapidement, renvoie l'assistance aux mélodies et constructions folkloriques de groupes comme Belle And Sebastian (le duo de voix, féminine et masculine, en prime). Sur la ballade Check My Heart, le renvoi vocal entre Katrina Mitchell et Stephen McRobbie fonctionne telle une berceuse et procure un songe à une nuit d'été sous les étoiles de Fourvière... Un peu comme Joe Strummer en son temps, la voix de Stephen McRobbie (Night Time Made Us, Summer Rain) seule ou accompagnée en chœur par Katrina, semble ce soir désaccordée et un ton en dessous ; une coloration de pas si choquante. Elle est identitaire du groupe et rappelle le demi ton des titres qui ont marqué leur carrière (comme les aimaient également les Jesus And Mary Chain). C'est en deuxième partie de concert avec des chansons anciennes comme Fragile Gang ou I'm Alright With You que les guitares et le shoegaze montent enfin d'un cran, après un long intermède à tenter de régler un problème technique insolvable qui écourtera le set des six de Glasgow.

Parmi les groupes légendaires que l'on pensait disparus, certains ont eu la capacité de rebondir et, à l'instar des Smashing Pumkins, par exemple, de reconquérir un public même amputé de l'un des membres importants de la formation. L'analogie ne s’arrête pas là, car si le creux de la vague est inexorable pour qui surfe sur les sommets, la reformation pose le problème du renouvellement ; artistique et personnel. Et, après la sortie du cinquième album des Pixies, Indie Cindy, il y a peu, vingt-trois ans après Trompe Le Monde, il semble moins évident pour ces groupes légendaires de créer un nouveau potager, que de cultiver l'ancien...
La setlist de ce soir, parle d'elle même : sur vingt-huit titres joués, deux seulement ne datent pas des années 1986 à 1993 ! Ceci incluant le Indie Cindy éponyme tiré de leur dernier album.

Avec Black Francis au chant et à la guitare rythmique, Joey Santiago à la guitare solo et David Lovering à la batterie, les trois membres originels des Pixies affichent cent-cinquante ans à eux trois, sans forcer. Restait à remplacer l'irremplaçable, la bassiste Kim Deal, deux fois démissionnaire du groupe, son chant (plus mélodieux que Black Francis) et son jeu, tout en puissance. Ce fut une autre Kim (Shattuck) qui intégra le groupe en 2013 mais fut débarquée aussi vite, à la fin de la même année. Paz Lenchatin, arrivée pour la tournée de cette année, tient maintenant le manche et les vocalises de sa consœur, Kim Deal. Et, force est de constater que, non seulement son jeu semble à la hauteur de Kim Deal, mais en plus, son engouement et son charme de fille élancée (elle affiche la moitie de l'âge de ses collègues mâles) ravissent, au-delà du public lyonnais. Un public qui n'aura aucun mal à assurer les chœurs et le refrain d'un Where Is My Mind attendu comme le résultat d'un scrutin un soir de vote de Présidentielle... Ce soir encore, les hurlements de Black Francis, la batterie puissante ou l'immense section guitares (Debaser, Something Against you) sans oublier l'imposant jeu de basse du groupe (Bone Machine, Where Is My Mind) n'ont pas pris une ride.
Sans rappel, mais après plus de titres qu'il n'en faut pour fournir un double album, allant de Surfer Rosa à Trompe La Mort et la sempiternelle bataille de coussins lyonnais, le set des Pixies touche quasiment à la perfection et ni Black Francis, ni aucun des autres membres du groupe, ne semblent avoir été lassés par les années. Seul manque Gigantic, le hit écrit par Kim Deal que Black Francis refuse aujourd'hui de jouer.

En 2004, lors de la reformation des Pixies à Coachella, Tom Yorke, de Radiohead, déclara : « Je refuse que les Pixies ouvrent pour nous. Ce serait comme les Beatles ouvrant pour nous, c'est impossible ! ». Tout était dit...