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Mount Kimbie
KNEECAP

Paris, YOYO - Palais de Tokyo - 16 avril 2024

Live-report par Adonis Didier

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Le meilleur plan concerts gratuits dans Paris ? ARTE Concert, et notamment les soirées « Echoes with Jehnny Beth » au YOYO, boîte de nuit située dans le Palais de Tokyo (à Paris, pas à Tokyo), transformée pour l'occasion en plateau d'enregistrement pour artistes en vogue. Comme la soirée est gratuite et qu'on risque d'y croiser Franz Ferdinand, The Murder Capital, Slowdive, et caetera, obtenir un ticket d'or se transforme vite en bataille sans merci à qui cliquera le plus vite sur le lien DICE à 11h et zéro seconde. Mais comme on est journaliste, on a des privilèges, alors on gruge la queue, on descend dans les profondeurs du Palais de Tokyo, avant de remonter vers la mezzanine pour observer de loin l'interview croisée by Jehnny Beth des trois artistes que l'on s'apprête à voir ce soir : la nouvelle protégée de Jehnny, Malvina, le trio rap-techno de Belfast KNEECAP, et puis Mount Kimbie. Comme vous avez évidemment tous lu la chronique de quatre mille cinq cents mots écrite par Franck Narquin il y a deux semaines, vous savez déjà qui est Mount Kimbie.

Malvina lance la soirée avec son batteur et son claviériste-violoniste-bassiste. Présentée comme amatrice de Beethoven et de BDSM, elle rentre ténébreusement et peu vêtue sur scène, au son d'une grosse techno transformée en hyperpop transformée en rap trap du 93. Ça roule du cul, ça rampe sur scène, pour l'instant on a plus vu le BDSM que Beethoven, et on se ne demande déjà plus pour quelle raison elle a signé chez Pop Noire, label parisien co-créé par Jehnny Beth. Jehnny qui vient chanter, Malvina qui enlève le haut, il y a de la techno épique sympathique, de l'hyperpop edgy et sulfureuse, et trop, beaucoup trop, de RnB claqué autotuné. Un adieu sur dix minutes d'impro techno, commencées sur de la hard trance comme chez Infected Mushroom pour finir en n'importe quoi, les jeunes parisiens venus pour elle s'enjaillent comme jamais (on dit encore s'enjailler chez les jeunes ?), et si vous êtes lecteur assidu de Sound of Violence, évitez à tout prix parce que vous allez trouver ça cringe et badant.

Mais oublions tout ça, parce que vient maintenant le tour de KNEECAP, des irlandais du nord avec qui on avait pris une bière la veille, et qu'on pourrait résumer sur scène comme dans la vie par très bordéliques, très provocants, et aussi très sympathiques. Et aussi un poil alcooliques, maintenant que vous le dites ! Une bière pour chacun déjà placée sur scène, les MCs Mo Chara et Móglaí Bap emboîtent le pas à DJ Próvaí, DJ encagoulé aux couleurs de la seule et unique Irlande, alors que passe dans la salle le premier titre de leur prochain album : 3CAG tiré de Fine Art (sortie le 14 juin). Du traditionnel irlandais transformé en trip-hop, avec la participation de Radie Peat de chez Lankum, avant de commencer à foutre un peu la merde dans la capitale française. ITS BEEN AGES et Thart Agus Thart sortent le rap brut de la rue, et si vous ne comprenez que la moitié de ce qui se raconte, c'est normal : Mo Chara et Móglaí Bap chantent du mi-anglais mi-irlandais comme ils le parleraient dans les rues de Belfast, alternant un peu au hasard entre les deux langues qui composent plus ou moins volontairement leur culture.
Juste le temps pour de nouveaux invités irlandais de débarquer dans les enceintes, voici Grian Chatten et Tom Coll, respectivement chanteur et batteur des voisins dublinois de Fontaines D.C., pour l'imparable single Better Way To Live. Plus de description à venir dans la chronique de l'album Fine Art, mais si vous n'avez qu'une seule chanson à écouter pour vous faire une idée sur KNEECAP, prenez celle-là ! L'atmosphère chauffe encore sur Sick In The Head, avant que le groupe ne demande un mosh pit pour lancer Your Sniffer Dogs Are Shite, suivi de la lourde techno piquée à 808 State de Ibh Fiacha Linne, et de Móglaí Bap sur la foule pour l'autre single Fine Art, parce que tout ça n'est finalement que de l'art, et d'une qualité bien plus que « fine ». La diaspora irlandaise fout la merde au milieu du YOYO, le centre de la fosse est une piste de danse en pleine émeute, les premiers tubes du groupe pour une Irlande unie et libre s'enchaînent, Cearta pour demander des droits et un traducteur, Get Your Brits Out pour demander ce qui est dans le titre, et H.O.O.D... Non, H.O.O.D ne demande rien, elle prend, parce qu'ici c'est le ghetto, à Belfast, à Dublin, à Londres, à Paris, ou à l'autre bout du monde. Mo qui crache dans son micro, Móglaí qui jette son t-shirt à la foule avant de surfer dessus, et DJ Próvaí qui vient contrôler le pogo avec le sang-froid d'un CRS sous coke. Un concert finissant en sucette totale comme absolument chaque concert de KNEECAP, alors la seule chose qu'on leur demande c'est de revenir, et ce aussi vite qu'ils descendent les pintes sur scène !

Mais maintenant l'attraction principale, le main event, car c'est quand même pour eux que la majorité des gens sont venus : Mount Kimbie. Dominic Maker et Kai Campos, têtes de pont et duo originel, accompagnés des maintenant membres officiels Andréa Balency-Béarn au clavier/chant et Marc Pell à la batterie, aidés pour la tournée à venir d'une cinquième membre à la basse et aux chœurs, et d'une petite surprise du soir dont tout le monde parle déjà, mais ceci est une autre histoire.
Un bazar de pédales et de câbles devant eux qu'ils auront gentiment aidé les techniciens à installer, et c'est parti pour Mount Kimbie, qui vont envoyer tout le nouvel album sorti dix jours plus tôt, The Sunset Violent. Dans le désordre par contre, alors on commencera par Shipwreck, dans une ambiance beaucoup plus détendue qu'avec les irlandais d'avant, et un son beaucoup plus compliqué à gérer. Une tonne d'instruments, des boucles électroniques et des voix dans tous les sens, forcément le YOYO ne pouvait que coincer à un moment, et le trop plein de basse fait déjà mal à la tête malgré les jolies harmonies vocales. La voix de Dom est écrasée, inaudible, la guitare de Kai bouffe des enceintes mal équilibrées, et le son sera globalement une purge tout le concert, alors autant l'évacuer maintenant.
Ce qui se perd en clarté gagne malgré tout en dynamisme, le quintet fonctionne dans une bonne ambiance, les jeux de regard font plaisir à voir, et la communication avec le public se fait très naturelle. Des chansons jouées pour la première fois devant une vraie audience, qui demanderont évidemment à se rôder, mais qui donnent déjà au tout une atmosphère trippante et hallucinogène, cool et détendue la nuit sur une plage à s'envoyer quelques champis sous la lune. Puisqu'on est live, Fishbrain se fait tout de même plus rock, laissant la gloire aux guitares, pic d'adrénaline d'un concert globalement très chill, et que l'arrivée d'un certain Archy Marshall avec son carnet de notes ne va pas spécialement rendre plus punk. L'info avait fuité depuis quelques heures, King Krule sera bien de la partie ce soir pour interpréter avec le groupe ses deux featurings : Boxing et Empty And Silent. De magnifiques chansons toujours sur le fil du rasoir, tout comme un Archy qui nous gratifiera de quelques cris, des appels au secours impossibles à contrôler, à retenir quand l'espace entre les dents est trop grand pour que les serrer jusqu'au sang suffise.

L'occasion pour King Krule d'un petit séjour pépouze à Paris, et pour nous d'une belle soirée qui donne surtout envie d'y revenir, et de retrouver KNEECAP et Mount Kimbie pour leurs concerts respectifs à Paris : à la fin du mois à la Cigale pour les premiers, et pour KNEECAP, laissez-moi vous dire que si ça ne vient pas fissa après la sortie de l'album, on ira les chercher jusqu'à Belfast et on les ramènera par la peau du cul !
setlist
    KNEECAP
    3CAG
    ITS BEEN AGES
    Thart Agus Thart
    Better Way To Live
    Sick In The Head
    Your Sniffers Dogs Are Shite
    Ibh Fiacha Linne
    Fine Art
    Cearta
    Guilty Conscience
    Get Your Brits Out
    H.O.O.D

    MOUNT KIMBIE
    The Trail
    Shipwreck
    Yukka Tree
    Dumb Guitar
    A Figure In The Surf
    Got Me
    Fishbrain
    Boxing (feat. King Krule)
    Empty and Silent (feat. King Krule)
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