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Fontaines D.C.

Paris, Maison de la Radio et de la Musique - 3 septembre 2024

Live-report par Franck Narquin

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Le monde se divise en deux catégories : ceux qui considèrent Romance comme un chef d'œuvre et ceux qui le considèreront comme un chef d'œuvre après plusieurs écoutes. Nous commencions à compter les dodos nous séparant du concert à venir au Zénith de Paris quand soudainement nous reçûmes au milieu de la nuit un appel masqué. Malgré une voix largement couverte par des bruits de bamboches comme seul Boris Johnson savait les faire, nous comprenions l'essentiel, notre rédacteur en chef nous appelait pour nous dire « Bon les gars, j'ai pas trop le temps, j'suis à la birthday party de Charli XCX pour présenter Bernard Cazeneuve à Keir Starmer, mais l'ex beau-frère de Maggie Cheung m'a informé qu'il organisait un concert privé des Irlandais que vous aimez bien à la Maison de la Radio de la Musique. C'est le 3 septembre, je compte sur vous et faites-moi un bon papier pour une fois ! ». Fidèles à notre crédo, valeur travail, respect de la hiérarchie et culte de la personnalité, nous acceptions cette mission et nous présentions le jour et à l'heure dite pour notre rendez-vous avec la dame du quai de Passy.

En cette douce soirée de rentrée, le Studio 104 fait salle comble et fête la 1000ème de l'émission Very Good Trip de Michka Assayas en présence du groupe le plus couru du moment. Obtenir son billet s'était d'ailleurs avéré pour certains une mission presque aussi ardue que de décrocher un sésame permettant de participer au racket organisé des frères Gallagher. Malgré l'ambiance feutrée du lieu et un grand nombre d'invités, nous sentons dès notre arrivée une réelle émulation dans la salle, le public bouillant d'impatience de découvrir pour la première fois en live ce disque tout juste sorti du four. Format radio oblige, c'est à 21h pétantes que les cinq irlandais débarquent sur scène, faisant immédiatement se lever de leur siège la quasi-intégralité du public qui ne pensera ensuite pas une seule seconde à s'y rassoir.


Bien que le meilleur moyen de vous faire votre propre opinion soit d'écouter le concert disponible en replay sur le podcast Very Good Trip de France Inter, nous allons un peu vous en parler, le boss ayant exigé un bon papier. D'une durée de quarante-cinq minutes et composé de onze chansons, le set de Fontaines D.C. évidemment fait la part belle à Romance, nous présentant huit des onze titres de l'album sans toutefois oublier trois de leurs principaux tubes, Jackie Down The Line, Boys In The Better Land et I Love You, interprété dans une sublime version toute en intensité . Nous assistons à un bon concert d'un groupe qu'on adore venant de sortir un album qu'on aime à la folie tant pour ses chansons que pour son panache (cf. chronique du disque pour plus de détails), alors pourquoi la suite de cette chronique va-t-elle s'avérer quelque peu négative et pourquoi nous reste-t-il un petit goût de déception en bouche ?

La principale explication tient au fait que Romance soit l'album du groupe où la production a été la plus travaillée, tenant une importance primordiale dans l'esthétique et le son du disque. Fontaines D.C. semblent encore en rodage et ne sont pas parvenus à retranscrire toute la richesse de l'album sur scène. Certains titres comme Romance, qui tient parfaitement son rôle d'ouverture sombre et orageuse, In The Modern World qui gagne en émotion et en puissance et Starburster qui confirme son statut de blockbuster de l'année, paraîssent déjà maitrisés à la perfection. D'autres, en revanche sont loin du niveau affiché sur disque, ainsi Death Kink et Here's The Thing frôlent en permanence la sortie de route et piquent même parfois les oreilles tandis que les interprétations de Bug et Sundowner manquent singulièrement de relief. S'ils sont assez professionnels et aguerris pour faire le job, Fontaines D.C. ont joué au petit trot, considérant ce concert avant tout comme un exercice de promotion. La déception vient d'ailleurs de l'écart abyssale entre la fougue dont fait preuve le groupe sur l'album et le peu d'entrain qu'ils ont mis ce soir pour le jouer. Gageons que ce match amical ne présage en rien du niveau de compétition qu'ils afficheront au Zénith dans deux mois mais profitions en pour nous attarder sur deux membres du groupe dont l'attitude ce soir nous a fait nous poser quelques questions.


Carlos O'Connell, jeune papa et mari de Joséphine de La Baume, rencontrée lors d'un show de son groupe Film Noir avant qu'ils ne collaborent et plus si affinité, nous a paru étrangement en retrait alors que c'est lui, a égalité avec le toujours furieux batteur Tom Coll, qui insufflait l'énergie qui faisaient le sel des précédents concerts de Fontaines D.C.. On ne peut s'empêcher de penser à Graham Coxon rongeant son frein dans l'ombre de Damon Albarn quand on le voit enfin prendre la lumière et plus de place sur scène, jouant de la guitare et chantant seul la fin de Favourite. Romance devrait propulser le groupe dans une nouvelle sphère et si les Irlandais ont largement les épaules et l'expérience pour l'affronter, leur principal ennemi se nomme le succès et les guerres d'égos qui vont avec.

Nous manquerions de temps pour énumérer toutes les qualités de Grian Chatten et expliquer pourquoi nous l'aimons tant. Ce soir encore ses talents d'entertainer et de leader charismatique lui ont permis d'enflammer en un claquement de doigt le Studio 104 de la Maison de la Radio et de la Musique, pourtant peu réputé pour son public de punks bouillonnants et éméchés. Néanmoins concentrons-nous en vieux grincheux sur les quelques aspects négatifs de sa prestation. Alors que les deux Conor, Carlos et Tom entrent ensemble sur scène et commencent à jouer l'introduction de Romance, il faut attendre quelques secondes pour assister à l'arrivée de la star du soir, Grian Chatten. Cette petite mise en scène reste des plus banales et a le mérite de toujours faire son effet mais symbolise parfaitement cette impression diffuse d'assister à un concert d'un artiste solo accompagné de musiciens restant sagement à leur place. On le verra ensuite donner quelques coups de pied sur les enceintes de retour placées en bord de scène puis frapper à plusieurs reprises son pied de micro sur le sol. On adorait quand Nirvana ou The Who cassaient tout sur scène mais on était ici plus proche des caprices de sale gosse ronchon de Julian Casablancas. A ce sujet, ma bonne copine Nadine Morano tient à souligner « qu'en plus il faut dire que tout ça c'est payé par nos impôts et c'est toujours les mêmes gaucho-intellos et jamais les plus grands que tous les français aiment comme Michel Sardou ou Oneohtrix Point Never ! ».


Autorisons-nous une dernière petite remarque, et après promis on arrête car il ne faut pas non plus oublier qu'on doit au bonhomme une bonne part de cette merveille qu'est Romance. Sur ce disque, Grian a repensé sa manière de chanter en élargissant sa gamme et en n'hésitant pas à monter dans les aigus. Sur scène on aura droit à une sacré ribambelle de fausses notes et autres carabistouilles qui nous ont parues aussi involontaires que disgracieuses. Loin d'être des ayatollahs de la justesse (coucou bar italia !), nous citerons tout de même Adolphe Haberer pour qui « l'écart entre la fausse note et la dissonance est immense : la dissonance, ça s'écoute; la fausse note, ça s'entend » et rappellerons à Grian qu'il n'a nul besoin de jouer les stars car il en est une et l'a toujours été.

Si nous sommes contents d'avoir pu voir notre groupe fétiche dans un cadre aussi intime, nous ressortons tout de même un peu frustré par ce set trop court et pas encore parfaitement rôdé. Mais vous qui fréquentez tout de cuir vêtus les clubs interlopes lorsque les démons de minuit frappent à votre porte le savez bien, plus on est frustré, plus on est excité et plus l'extase finale est grande. Nous attendons donc encore plus impatiemment le 13 novembre, date de leur prochaine venue à Paris car sous les sunlights du Zénith et ses sièges en bakélites, c'est sûr petite, le concert de Fontaines D.C. sera un hit.
setlist
    Romance
    Jackie Down The Line
    Death Kink
    Here's The Thing
    Bug
    In The Modern World
    Sundowner
    Boys In The Better Land
    Favourite
    I Love You
    Starburster
photos du concert
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