Joyeux aaaaaaaaaniversaiiiiiiiire, joyeux aaaaaaaaaniversaiiiiiiiire, joyeux aaaaaaaaaniversaiiiiiiiire, joyeux aaaaaaaaaniversaiiiiiiiire le Supersonic ! Neuf ans, l'âge de rentrer en CM1 pour le club le plus rock indépendant du tout Paris, et pour fêter l'occasion une programmation hommage à son festival personnel, la Block Party. Une double-soirée anniversaire, et si la veille voyait Gwendoline chanter
Chevalier Ricard en main event suprise, ce vendredi soir sera donc consacré au souvenir de la Block Party 2024, avec trois groupes internationaux déjà programmés en mai dernier : Library Card, test plan, et The 113.
Le premier était alors passé à 17h, le deuxième avait joué dans une cave, et le troisième, on l'avait vu de loin dans le long couloir du Guru, autant dire que l'on avait hâte de pouvoir profiter correctement du spectacle de trois groupes encore très jeunes et pourtant si prometteurs, trois groupes que l'on voit régulièrement passer un peu partout et qui, comme ce super pote de soirée dont on ne connaît que le prénom (et encore, on n'est pas bien sûr que ce soit le bon), semblent faire partie de notre quotidien sans que l'on sache vraiment qui ils sont. L'occasion donc, en cet anniversaire rempli de ballons et de cotillons et de petits chapeaux pointus en carton, de dépasser cette distance qui nous sépare, de faire un pas vers l'autre, et ce premier autre qui s'avance, venu de Rotterdam dans les Nertherlands, se nomme ce soir
Library Card.
La troisième fois au Supersonic pour le groupe de Lot van Teylingen, chanteuse et artiste à fleur de peau occupant le devant de la scène à sa manière, sans filtre, sans artifices, dans un feu de joie et de sentiments contraires alimenté par le soufflet à la rythmique brinquebalante d'Emre Karayalçin, Mitchell Quitz, et l'inratable bassiste Kat Kalkman. Des fleurs dans les cheveux, un drapeau palestinien sur la basse, le grand trans emmène avec sa chanteuse un groupe balançant toujours entre post-punk, spokenword, et pop tendue de professeur d'anglais, une formule encore en rodage mais dont les pics emportent tout un public avec eux dans une dimension pareille à nulle autre. Un univers aux sensations décuplées, intégrant à chaque pore de la peau, à chaque nerf, à chaque impulsion électrique à destination du cerveau une surcharge émotionnelle proportionnelle à la santé mentale de sa chanteuse.
La pression incessante de
Cognitive Dissonance, le freestyle post-punk
For The World Is Hollow, la joie bondissante de
Breakfast Of Champions, les explosions solaires de
No Back-Ups, tout cela avant un speech central souhaitant un bon anniversaire à tout le monde, rappelant que sa première au Supersonic s'était faite pendant son anniversaire à elle, lors d'une obscure soirée They're Gonna Be Big conclue par The Wife Guys Of Reddit. Des ballons volent, le groupe a conduit depuis Rotterdam dans la journée pour venir, les ballons volent toujours et Lot va devoir se concentrer très fort pour envoyer une fantastique
Art School, numéro uno dans la liste des chansons que l'on aurait hâte d'entendre enfin en version studio après la version live.
En parlant de chansons studio, voici que s'annonce la classique conclusion enchaînant Lot jouant assise avec ses pédales sur la poignante
Local Newspaper¸ avant de renverser sa bière dans un mouvement de micro et de lancer le point d'orgue personnel de ma soirée :
Well, Actually. Une des meilleures chansons de 2024, cinq minutes de tabassage en règle de ce mec qui se permet de juger tout ce que font les musiciens (et surtout les musiciennes) sans rien y connaître, soutenues par une section rythmique en plein terrassement pour construire un parking sur les corps de tous les mister actually de l'univers.

Le Supersonic saute, le Supersonic crie, et ce n'est que le début parce que c'est maintenant à
test plan de monter sur scène et de profiter d'un public déjà bien chaud, mais toujours pas sorti de sa vibe anniversaire et soirée mondaine. Car si beaucoup sont venus ce soir pour se montrer, ceux qui y auront le mieux réussi font du dance-punk noisy dans les couloirs de l'underground londonien, un plan de test infaillible qu'il nous est pour la première fois donné de correctement voir en live. « Le plus dur c'était de sortir de la cave, et les gens le savent », un dicton d'autant plus vrai que l'on découvre enfin qui sont vraiment test plan après les avoir vaguement entendus depuis le fond de la Seine Café, c'est-à-dire Rory Dickinson à la basse, Michalis Fragkiadakis à la guitare, et surtout, surtout, Max Mason à la batterie et au chant.
Les chanteurs-batteurs, le point faible émotionnel de notre photographe du soir, et un maxi Max qui va se donner comme jamais, hurlant derrière sa batterie, debout, l'air féroce et le cheveu ras à taper comme un forcené sur toms et cymbales. Au bord de la folie, l'homme prend son tambourin et descend ses nerfs dans la foule, la tête comme les ballons qui volent au plafond, ses veines palpitent et claquent sur ses tempes, à deux doigts de recevoir de la cervelle en pleine gueule mais la boite crânienne tient bon, et c'est maintenant au public de mettre dangereusement sa vie en péril. Car si la première partie du concert, un poil bourrin et tenant autant du numéro de batterie que du punk-rock, n'avait pas tant entraîné la foule, ce seront bien les trois dernières chansons, aussi les trois seuls singles de l'histoire du groupe, qui feront imploser un Supersonic qui n'attendait vraiment que ça pour se lâcher. Presque un peu trop, tant la triade
Walking In A Vacuum, So Bored At Your Squat Rave, et le long final
It's Not Enough seront le théâtre de mises en danger et de pogos sans foi ni loi, les coudes en l'air, tête à l'envers, et comme Jean-Claude Van Damme on ne devine déjà plus le haut du bas, tout occupé que l'on est à se dire que l'eau de notre corps, dans deux ou trois chansons y en aura plus.

Deux ou trois chansons envoyées par
The 113, et on ne fera pas la blague des princes de la ville une troisième fois pour la bonne et simple raison que le Supersonic la fera pour nous. Une entrée sur du bon rap français from Vitry-sur-Seine, mais c'est bien du post-punk venu de Leeds auquel on aura droit en dernière partie de cette très belle soirée d'anniversaire. Un groupe que l'on a déjà vu deux fois ici, pour leur quatrième passage tout de même, un groupe qui n'avait jusque-là pas franchement convaincu, mais qui ce soir va prendre une tout autre ampleur, et ce dès les premières notes de
Backpedaler et
Rats. Le son est plein, puissant, solide sur ses appuis, le public en manque de pogos après deux mois d'intersaison se lance à corps perdu dans la masse au premier éclat de voix, même le chanteur descend dans la fosse dès la troisième chanson, et tout le club pousse comme un seul homme et passe à deux doigts de perdre une dent sur Inside.
Enorme surprise de la part d'un groupe qu'on avait déjà un peu enterré, toutes les chansons se font à la fois punk-rock et dansantes, frétillantes, sautillantes, les musiciens organisent le chaos pour en tirer une force créatrice, évocatrice, institutrice, et même si l'originalité ne sera jamais le point fort du 113 à l'anglaise, la puissance de frappe déployée ce soir nous fait finalement dire qu'il y a plus dans ces quatre mecs que les prestations poussives entrevues jusque-là. Preuve en sera encore une fois
Conscience, formidable engin à relancer les corps dans la machine du Supersonic, une machine à laver les frustrations de la semaine, une machine à broyer les os et bleuter les épaules au son du meilleur rock n'roll underground de 2025, qu'il soit d'ici ou d'ailleurs, de France de Navarre d'Angleterre ou d'Irlande.
En bref, merci le Supersonic pour toutes ces années, et on espère bien être encore là l'an prochain pour les dix ans du club-rock préféré des Français et de tous les étrangers de passage, parce que le S c'est le S, alors remets un gin and tonic, ce soir I'm feeling Supersonic.