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Chalk

Paris, Maroquinerie - 15 mars 2025

Live-report par Adonis Didier

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Je suis malade, complètement malade. Un état sans aucun rapport avec le fait d'être sorti en totale transpiration de la Maroquinerie par deux degrés un samedi soir. Un évènement lui-même sans rapport avec le concert de Chalk ayant eu lieu le même soir à la Maroquinerie, mais tant qu'à être entre deux prises de paracétamol effervescent et de tisane brûlante, autant vous en parler un peu. Il est 21h, le ciel est sombre, Paris venteux, l'équipe de France de Rugby n'a pas encore remporté le tournoi des Six Nations et tous les fans tremblent à l'idée d'affronter la terrible équipe d'Ecosse (non), quand dans une Maroquinerie remplie du sol au plafond des spots se mettent à clignoter, des enceintes à déverser dans la salle un petit beat techno d'attente, équivalent 2025 GenZ de la musique d'ascenseur de nos aïeuls.

Cinq minutes plus tard, la musique d'ascenseur est toujours là et on commence doucement à s'impatienter, quand rentrent enfin sur scène les trois nord-irlandais pour lesquels on va bientôt passer trois jours au lit à crachoter compulsivement : Chalk. Ross Cullen au centre et au chant, lunettes noires et veste Adidas crop-top à quatre bandes, pur produit de la fashion week de Fontaines D.C. quand on se souvient de son col roulé moulant du Supersonic l'an dernier, accompagné d'un côté par Benedict Goddard qui alternera toute la soirée entre guitares et synthés, et de l'autre côté, posée au-devant de la scène pour mettre les trois membres de front, la rutilante batterie de Luke Niblock.


Et ni une ni deux, le groupe bombarde d'entrée Leipzig 87 et Afraid, les deux premières chansons de son dernier EP en date, le troisième et bien nommé Conditions III. Chalk, un phénomène techno-punk à la hype immense qui remplit une Maroquinerie sur seulement trois EPs, pour qui la foule part en pogo au moindre drop dès la première chanson, et qui attire en plus de ça toute la crème des programmateurs et gérants de salles et festivals parisiens. On ne vous fera pas la liste mais sachez qu'il y avait du beau monde à la buvette. Car oui, les programmateurs ne se lancent pas à corps perdu dans les pogos en plein hiver, sans doute plus avisés que nous sur les bienfaits de rester en bonne santé, mais bon avec Tell Me, Claw ou Bliss, qu'est-ce que vous voulez, on n'a pas résisté...

Un show intense, sans fioritures et sans temps mort, durant lequel Ross Cullen prend le microphone à deux mains avec l'air du mec à qui on a donné l'envie, l'envie d'avoir envie, les deux bras tendus vers le plafond et celui qui n'a pas encore prononcé un mot en dehors de ses chansons allume le feu d'un public venu pour se la donner. La moindre occasion est bonne pour se jeter les uns contre les autres, même une chanson aux allures tranquilles comme Bliss dégénère, on croise autant du punk à chien ou du jeune en techno parade que des cols roulés corporate dans la fosse, tout le monde est hype, tout le monde oublie que tous ne partagent ni les mêmes vies ni les mêmes drogues, et tout le monde se retrouve avec la même passion pour trois nord-irlandais carrément poseurs mais tellement efficaces, au concert millimétré et ponctué de quelques interludes instrumentaux pour reprendre son souffle.


Quelques nappes de synthé pour se remettre le cardio en place, les EPs II et III intégralement derrière nous, et voici qu'arrive le moment brat de Chalk, quelques effets d'autotune dans le micro qui motivent les bandes de potes à sauter dans la foule au cours d'une chanson encore inconnue, avant d'arriver au moment que vous attendiez tous : le premier EP Conditions. Un final presque intégralement consacré aux débuts du groupe : Asking passe encore une vitesse, la foule hurle avec Ross Cullen pendant que les guitares râpent contre l'acier et que le temps se découpe. Une alternance de stroboscopes et de lumières fixes qui filera une crise d'épilepsie à quelqu'un trois jours plus tard à Lyon (on espère qu'il va bien d'ailleurs), mais qui pour les non-épileptiques est un régal de scénographie, l'agitation de la foule passe des diapos aux vingt-quatre images par seconde et revient aux diapos, la puissance de Chalk fait bugger le frame rate de la vie, la violence de la foule s'accentue encore avec la descente de Ross Cullen dans la fosse pour Them, et arrive déjà dans le champ de vision la ligne d'arrivée.
Le leader du trio adresse enfin quelques mots au public, et si le groupe est poseur il est aussi beau et humain, arty et détaché comme leurs grands frères à la fontaine mais déjà bien plus impressionnants en live, alors que Velodrome nous casse la nuque et que Conditions clôture cette heure de concert dans la danse et la bonne humeur. Ross Cullen se jette sur la foule et en oublie qu'il est ténébreux, nous glisse même un « merci Paris » pour finir, et nous voilà hagards, suants, déambulant sans but dans une Maroquinerie qui se vide peu à peu, récupérant gorgée par gorgée d'un air glacé qui nous le fera regretter plus tard, en se disant qu'on était là pour le vrai premier concert parisien de l'histoire de Chalk, et quel concert !

Entre post-punk et techno-rave, entre The Murder Capital, Fontaines D.C., Fat Dog et Bicep, Chalk semblent déjà s'être trouvés une place et un public, un public fanatique qui regarde avec envie l'ascension de ce jeune groupe sans savoir encore jusqu'où il devra lever la tête. Reste à voir avec un album si la hype est réelle, et si ces trois nord-irlandais ne sont pas déjà le futur d'un genre auquel l'île d'émeraude semble définitivement réussir.
setlist
    Leipzig 87
    Afraid
    Static
    Tell Me
    The Gate
    Claw
    Bliss
    Pool Scene
    Kevlar
    Orenburg
    Asking
    Them
    Velodrome
    Conditions
photos du concert
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