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Ezines

Headcleaner EP

Ezines - Headcleaner EP
Chronique Single/EP
Date de sortie : 17.10.2024
Label :Ezines
4
Rédigé par Franck Narquin, le 4 novembre 2024
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Chez Sound Of Violence nous sommes un peu comme Boris Johnson (Qui ? Mais si vous voyez de qui je parle, le Donald Trump de Wish, ce guignol qui organisait des Boiler Room au 10 Downing Street en plein COVID-19), nous aimons faire la fête, n'avons d'yeux que pour ce qui vient du Royaume-Uni et surtout nous n'avons absolument rien à carrer du reste du monde. Ainsi quand nous sommes tombés par hasard en trainant dans les tréfonds d'Internet sur Ezines et leur single Headcleaner, petite bombe de néo-big beat acide à souhait évoquant les premières œuvres des frères chimiques Rowlands & Simon, notre premier réflexe a été de demander tel un figurant incarnant un colonel Allemand dans La Grande Vadrouille « Papier, bitte... Schnell ! ». Un groupe basé à Perth-Australie, un disque enregistré à Leeds-Rock City et une quasi-absence de toute autre information disponible en ligne ont rendu le parcours d'Ezines aussi difficile à reconstituer que la cavale de Xavier Dupont de Ligonnès (Qui ? Mais si vous voyez de qui je parle, le gars en couverture de Society un mois sur deux). Nous avons donc contacté les intéressés et Theo Letch-Fanciulli et Owen Aitken, qui à deux forment Ezines, nous l'ont promis, juré, craché « We're brits ». Une nationalité validée, un premier EP bien ficelé, quatre morceaux racés et 300 auditeurs Spotify comptabilisés, voici notre recette pour vous dénicher les meilleures découvertes.

Sans label, sans attaché de presse ni bio officielle et inconnus de nos services, on ne sait rien de Headcleaner à part qu'il est le premier EP du groupe et qu'il a été enregistré dans les studios de Leeds d'Alex Greaves (Yard Act, Gurriers, Van Houten, Spectres...). Je vois que je commence enfin à avoir votre attention et que vous vous dites que quand un groupe de musique électronique basé à l'autre bout du monde fait le voyage jusqu'à Leeds, la ville où tout se passe en Angleterre actuellement, pour collaborer avec un producteur présent sur tous les bons coups rock du moment, il faut se laisser porter par ses intuitions, ne pas se poser trop de question et suivre une règle de base, croire en Monsieur Greaves. Spoiler Alert : Nous allons désormais parler du contenu musical de Headcleaner. Je vous recommande vivement de ne pas lire ce qui suit avant d'avoir écouté le disque. Allez-y vierge de toute information, prenez votre bonne grosse fessée, pleurez un coup, secouez les fesses, mettez du talc et reprenez ensuite la lecture de l'article.

Vingt-et-une minutes et six secondes plus tard. Alors, ça vous a plu ? Commençons par souligner le sublime artwork du disque signé par l'artiste serbe Marko Vuleta-Djukanov (aka Floating Bstrd), spécialiste reconnu en matière d'illustration dans l'univers de la musique électronique (pochettes d'album, affiches, flyers...). En octobre 1998, nous aurions dit la pochette est chanmé, mais pas aussi chanmé que les quatre titres du disque qui sont carrément énormes. Pourquoi 1998 ? Car après les revivals Shoegaze, Grunge, Britpop et French Touch, voici logiquement venu le temps du retour du Big Beat. Certains hurleront à la simple lecture des mots revival et Big Beat, souvent synonymes pour le premier de copier-coller sans idée et pour le second d'électro-bourrine pour lads éméchés. Si Ezines reprennent la plupart des éléments du genre, soit un mélange d'acid-house et de techno, de beats hip-hop et trip-hop, le tout joué avec l'énergie et le son saturé du rock et un souci d'efficacité dancefloor, ils en offrent une version à la fois érudite et modernisée.

Sans sommation, l'EP débute avec Headcleaner. Armé d'une boucle acide entêtante, d'une ruée de beats typiques des Chemical Brothers et porté par un long crescendo par paliers à la Underworld, ce titre implacable chope d'entrée l'auditeur par le colback et maintient la pression sans jamais flancher pendant six minutes. Les grognons avanceront qu'on a déjà entendu cette musique mille fois mais nous leur retorquerons que c'est peut-être la définition même d'un (petit) classique instantané. Un titre qui nous paraît immédiatement familier tout en se hissant au niveau des meilleurs réalisations du genre. Nos cinquante-sept premières écoutes de Headcleaner ne nous ont pas permis d'esquisser la moindre analyse argumentée. On s'est contenté de sauter en l'air comme des idiots, lâchant même quelques « Block Rockin' Beats » et autres « Ooh la la, la dinguerie !». A la cinquante-huitième écoute nous sommes souvenus qu'il fallait donner notre avis.
Pourquoi ce morceau nous emballe-t-il autant ? Première raison : C'est la musique de notre jeunesse sur laquelle on a perdu notre virginité, notre foie (mais pas notre foi), beaucoup de sueurs et un sac Freitag tout neuf laissé quelque part dans le Batofar avec dedans des CDs des labels Mo'Wax, Skint et Ninja Tune, des livres d'Irvine Welsh, Nick Hornby et Will Self et un DVD de l'exposition Sensation des YBA (ndlr : pour les plus jeunes, que des bails de la fin des 90's). Seconde raison : Ezines ne gardent que la substantifique moelle du genre revisité, le délestent du gras et du virilisme bas du front ayant contribué à sa mauvaise réputation puis viennent y ajouter avec un grand talent de production de nombreux éléments glanés au sein d'autres genres musicaux.

Si Headcleaner nous a séduit d'emblée, Drop 2 nous a conquis sur la durée. Moins efficace mais plus complexe ce second morceau impressionne par ses changements de rythmes incessants et sa production inspirée. A l'inspiration 90's du premier titre, Ezines ajoutent ici des sons et gimmicks tirés de la musique électronique estampillée fin 70, début 80 (Kraftwerk, Africa Bambatta, DAF, Art Of Noise, tout ça, tout ça...) mais sans jamais tomber dans le cliché, la parodie ou la nostalgie. À l'opposé de Headcleaner, bloc compact et puissant, facile à appréhender, Drop 2 est un objet hybride et protéiforme donnant l'impression de partir dans tous les sens mais retombant à chaque fois sur ses pieds.

Un premier EP prend souvent l'apparence d'un CV permettant de présenter en quatre titres tout ce qu'un groupe sait faire ainsi que l'étendue de son ou ses univers. C'est d'ailleurs souvent la limite de cet exercice. Unspeakable In The AM ralentit le rythme, baisse les lumières et s'allume un gros joint pour nous inviter dans son trip-hop enfumé qui réussit à mêler ambiance ouateuse et tension électronique. Moins impressionnant et original que les deux premiers titres, ce morceau reste une belle réussite et cette voie trouverait certainement sa place en tant que plage de décompression sur un album où leur de leurs sets live qu'on imagine déjà épiques. Reassemble relance la machine à danser et s'apparente à une fusion des trois titres précédents. On y trouve l'efficacité du premier, les inspirations électro-hip-hop du second et le groove chaud du troisième. Moins enthousiasmant que Headcleaneret Drop 2 , Reassemble n'en demeure pas moins un titre qui claque.

Dans les années 90 « brand new, you're retro » était dans la bouche de Tricky une sacrée insulte. En 2024, on se félicite plutôt de voir un groupe de musique électronique faire aussi brillamment du neuf avec du vieux et avancer vers le futur avec les yeux dans le rétro. Promis, juré, craché, le premier EP d'Ezines est sacrément chanmé !
tracklisting
    01. Headcleaner
  • 02. Drop 2
  • 03. Unspeakable In The AM
  • 04. Reassemble
titres conseillés
    Headcleaner, Drop 2
notes des lecteurs