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Laura-Mary Carter

Bye Bye Jackie

Laura-Mary Carter - Bye Bye Jackie
Chronique Album
Date de sortie : 26.09.2025
Label : Jazz Life
4
Rédigé par Adonis Didier, le 23 septembre 2025
Las Vegas, Nevada. La cité du vice. Sur le Strip les roulettes tournent, les billets brûlent les mains, et chambre 939 une star de cinéma overdose dans sa baignoire. Quelques kilomètres plus au sud, dans un pavillon de banlieue comme tous les pavillons de banlieue, une mère de famille strip-teaseuse à mi-temps se fait sauter la façade avec le flingue qui devait la garder en vie. Entre les deux, Joey roule avec son pick-up dans le désert. Joey est ivre. Joey ne rentrera jamais chez lui, et en même temps à quoi bon depuis que sa femme est partie, que son chien est mort, et que les Raiders n'ont plus gagné un Super Bowl depuis quarante-deux ans. Le quotidien des années 50 et des chansons country, comme deux amoureux en plein twist après un date au diner du coin, comme un milkshake à la vanille dans une Cadillac entre des lèvres au goût de cerise.

Et ça tombe bien, parce que les années 50, la country, Elvis et compagnie, Laura-Mary Carter en est fan. Fan mais pas délulu, et après vingt-et-un ans de Blood Red Shoes et quelques trente-huit de vie tout court, la plus américaine des brightoniennes en a connu des amours, des ruptures, des espoirs et des trahisons, pour en arriver à la même conclusion que les Rita Mitsouko : les histoires d'amour finissent mal, en général. Un salut de la main à la naïveté et aux rêves de romance qui s'éloignent en carré VIP dans le train des années, et debout sur le quai, sa guitare calée dans les plis d'une robe de taffetas fleuri balayant les miettes d'un cœur brisé, Laura-Mary chante l'amour désabusé, les hauts et les bas qui se répètent et se filent et se craquent à force d'avoir été enfilés.

Une peine de cœur en onze scénettes, Laura-Mary en onze chapitres de slow country mis en musique par ses meilleurs compagnons de route et elle-même, dans un premier album solo titré Bye Bye Jackie. Oscar Sholto Robertson et David Bardon à la production, respectivement son batteur et son guitariste live, un certain Steven Graham Ansell au mixage, obscur batteur blondinet qui aura passé plus d'années de vie avec que sans elle dans ce duo nommé Blood Red Shoes, et enfin Katie Tavini au mastering, pointure londonienne de la spécialité qui s'est accessoirement occupée de la masterclass de Maruja sortie il y a deux semaines. Du beau monde pour de très belles chansons, des chansons simples construites autour de Laura-Mary et sa guitare folk, habillées d'un effort collectif d'arpèges et de glissés électriques, d'éclats de piano déversés au sol par un collier de perle élimé, d'un jeu de batterie jazzy caressant des murs en moquette rouge d'une main, l'autre alternant régulièrement entre un pot de gomina et des cheveux.

Le complet du revival fifties crooner allié à un talent qui n'est plus à prouver, celui de Laura-Mary Carter pour écrire des chansons : Keep Sweet la douce et ses cascades de xylophone, I'll Laugh About It (In Good Time) la belle, son refrain emporté dans un tourbillon de pétales roses fanées, Tell Me You're Sorry la battante et la rock n'roll, Comets la lunaire, ciel de nuit somnolant sur les canyons du Nevada, et pour presque finir Who Are You Foolin'. « Qui penses-tu tromper ? » demande Laura-Mary, et la réponse est personne tant la musique est honnête, limpide, traçant en guitare slide jusqu'au dernier acte éponyme Bye Bye Jackie. Rideau tiré et roses rouges sur les planches, la pièce est terminée, le cercueil est cloué, et les Rolling Stones chantaient, et les Rolling Stones chantaient « tu peux m'envoyer des fleurs mortes au mariage, je n'oublierai pas de mettre des roses sur ta tombe ».

Bye Bye Jackie donc, la belle et inattendue face B de Laura-Mary Carter, le visage tendre et rêveur d'une reine du punk-rock qui n'y croit plus mais qui voudrait quand même y croire. Des traces de noir le long des joues essuyées du revers d'une manche bouffante, une quinzaine de messages en vu et autant de jamais envoyés, et comme on dit, Bye Bye Jackie. Parce que quelque part dans le monde, sur un fuseau horaire encore inexploré par le genre humain, il est toujours l'heure de passer à autre chose, d'avancer dans la vie, et d'aller écouter le premier album solo de Laura-Mary Carter. Les deux faces d'un même trente-huit tours, robe à froufrous et bottes de cuir, punk-rock et country-folk, et écrites en néons rouges étoilés sur la plus lumineuse avenue du monde, trois lettres. LMC : Laura-Mary Carter.
tracklisting
    01. Sometimes I Fail
  • 02. Four Letter Words
  • 03. Keep Sweet
  • 04. June Gloom
  • 05. I'll Laugh About It (In Good Time)
  • 06. Tell Me You're Sorry
  • 07. Elvis Widow
  • 08. Interlude
  • 09. Comets
  • 10. Who Are You Foolin'
  • 11. Bye Bye Jackie
titres conseillés
    Comets, Who Are You Foolin' Tell Me You're Sorry
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