Au bout de la quatre-vingtième édition, est-il encore nécessaire de présenter la Fête de l'Humanité – ou la Fête de l'Huma, pour les intimes ? Durant trois jours, la politique vient se mêler à la musique dans un esprit populaire, accessible à tous grâce à un prix démocratique. Les habitués diront que s'il n'y avait qu'un festival à faire, ce serait celui-là, combinant programmation à un esprit convivial. Cette année, les têtes d'affiche étaient Texas, Manu Chao et Shaka Ponk.
Nous nous y sommes rendus le samedi 12 septembre sous une pluie diluvienne. C'est trempés de la tête aux pieds et après moult aléas que nous arrivons au Parc de la Courneuve. Entre les navettes peu nombreuses, l'absence de parking et la mauvaise signalétique, autant dire qu'il faut s'armer de patience et être motivé pour se rendre sur les lieux. Pourtant, nous n'étions pas encore au bout de nos peines : mauvaise organisation et ambiance médiocre. Qu'on se le dise : difficile d'apprécier pleinement la musique dans de telles conditions.

Nous nous approchons précautionneusement de la grande scène, mesurant chacun de nos pas pour ne pas nous effondrer dans la boue. Malgré le temps, qu'on assimilerait aisément à Noé et son arche, le trio belge
Tringgerfinger est arrivé tout en puissance sur la scène immense. Tenue smart qui leur procure une sacrée classe, on les assimilerait presque à des Crooners mais la guitare, basse et batterie viennent démentir cette image. Loin de « fredonner », ils envoient sévère dans leurs costumes. Pas de doute sur ce que nous sommes venus voir, c'est du rock pur et dur. La foule est clairsemée et timide, pourtant ce n'est ni leur performance, ni leur énergie qui est en cause. La célèbre reprise de Likke Ly,
I Follow Rivers, n'est pas de mise, laissant place à des morceaux plus vigoureux comme
Camaro et le très bien choisi
By Absence Of The Sun. Le titre
My Baby's Got A Gun tranche avec les autres et apparaît rythmiquement plus sombre et lent. Joué uniquement à la guitare sur les premières minutes, il monte crescendo avant d'exploser. La voix grave et légèrement cassée de Ruben Block vient apporter son charme.
Chose étonnante : la batterie, instrument relégué habituellement en fond de scène, est au contraire mis en avant durant ce set. Mario Goossens nous offre un premier solo durant lequel il nous en met plein la face tant la cadence est impressionnante, puis un second durant lequel il encourage le public à crier après lui. Après ce moment fort, les trois membres terminent sur
Is It, bien décidés à ne pas faire retomber la tension. Un groupe ayant dix-sept ans d'existence, mais loin d'être vieux, il sait y faire. L'expérience, il l'a et le plaisir est toujours là.

Si Triggerfinger s'est révélé être une bonne surprise,
Texas nous ont davantage déçu. Parce que nous le connaissons depuis longtemps, nous avons un rapport sentimental au groupe et des attentes envers celui-ci. Malheureusement, celles-ci n'ont pas été entièrement comblées aujourd'hui. C'est une Sharleen Spereti aux traits fatigués qui arrive sur scène avec près de vingt minutes de retard. Elle débute avec
Conversation et c'est circonspect que nous l'entendons chanter. Sur les trois premiers titres, sa voix est éteinte. Même si elle s'améliore par la suite, l'ingrédient essentiel est toujours absent : le peps. Or c'est précisément cela qui nous faisait aimer ce groupe : ce savant mélange d'ardeur et de langueur. Nous prenons plaisir à retrouver les morceaux comme
Say What You Want ou
I Don't Need A Lover parce que nous les connaissons. L'air et les paroles nous reviennent systématiquement en tête, mais quand la chanteuse sollicite son public, elle ne parvient pas à l'emporter. Après trente ans de carrière, le groupe a vieilli. Ce soir, la magie n'a pas opéré, mais peut-être saurions-nous davantage l'apprécier sur une scène plus intimiste.
Le froid et l'humidité ne nous auront pas fait tenir jusqu'au très attendu Manu Chao, durant lequel bagarre et vols ont été constatés. Comme le speaker l'a si bien dit « Nous nous souviendrons de cette édition 2015 ! » en partie à cause du mauvais temps qui a échauffé les esprits. Heureusement que Triggerfinger étaient présent pour nous réchauffer de l'intérieur !