Un succès fulgurant, voilà comment la carrière d'Editors pourrait être décrire
durant ces derniers mois. Chouchoutés par la presse lors de la sortie du single
Bullets en début d'année, le quatuor de Birmingham n'a pas perdu de temps
et sort ce mois-ci son premier album.
Vous êtes actuellement installés à Birmingham mais vous venez tous de villes
différentes en Angleterre. Comment s'est produite votre rencontre ?
Tom : Nous nous sommes rencontrés à l'époque de l'université, il y a
maintenant trois ans. La notre était à environ une heure de Birmingham et c'est
pour cela que nous nous sommes installés là-bas par la suite. Il ne nous a pas
fallu longtemps pour nous rendre compte que les études ne nous convenaient pas
et que nous devions nous consacrer pleinement à la musique pour réussir.
Beaucoup de gens nous ont logiquement conseillé de nous installer à Londres,
mais pour nous ce n'était pas la bonne solution. Nous avions besoin de temps
pour progresser et nous développer loin de toute cette industrie musicale.
Peut-être qu'un label nous aurait fait signer beaucoup plus rapidement si nous
étions venus vivre à Londres, mais je pense que nous n'étions pas prêts à cette
époque.
Choisir le mot Editors comme nom de groupe peut paraître bizarre, que
signifie-t-il pour vous ?
Chris : C'est juste un mot que nous aimons bien, rien de plus ! Un peu
comme lorsque nous avons eu à trouver un titre pour les chansons Bullets
ou Munich. Après quelques temps ensemble, nous sommes arrivés à un point
où nous avions besoin de trouver un nom définitif pour le groupe. Avant de nous
faire appeler Editors, nous avions déjà changé trois fois de nom car tout le
monde n'était pas d'accord. Il nous a donc fallu un nom simple donc chacun
pouvait être fier.
Vous auriez sans doute vendu plus de disque sous le nom de The Editors
!
Chris : Mais beaucoup de gens pensent que nous sommes The Editors ! Le
mot Editors est parfait pourtant, mais les gens ajoutent systématiquement le
The, comme certains le font pour les Pixies. Je crois qu'ils ne nous
laisseront pas le choix, il faudra faire avec !
Tom : Et pourtant le The n'est mentionné nulle part officiellement. La
faute existe uniquement sur quelques publicités il me semble...
Chris : J'ai une bonne anecdote sur cette erreur. Il y a quelques temps
nous avons été classés 22ème par MTV dans le classement des meilleurs groupes
actuels en « The », je dois avouer que ça m'a beaucoup fait rire quand je l'ai
découvert !
Tom : Et pourtant quand tu regardes MTV ils affichent uniquement le mot
Editors !
Chris : Quelqu'un de la chaîne a sûrement voulu nous faire une blague,
c'est la seule explication (rires). Mais je ne vais pas faire le difficile, le
plus important est qu'ils diffusent nos chansons.
Vous êtes actuellement signés chez Kitchenware Records au Royaume-Uni, un
petit label indépendant que peu de personnes connaissent. Pourquoi avoir choisi
de travailler avec eux ?
Tom : Nous avons rencontré beaucoup de labels à l'époque où nous
cherchions un contrat, et je pense pouvoir affirmer maintenant que les gens de
chez Kitchenware ont été les plus chaleureux avec nous. Nous avons bien sûr
longtemps débattu avant de faire un choix, mais il nous a semblé plus judicieux
pour le long terme de travailler avec un label indépendant. Cela te permet
d'avoir moins de pression à supporter et aussi d’'être moins exposé face à la
presse. Bien entendu nos moyens ne sont pas aussi importants que dans une major
mais le plus important est de pouvoir jouer de la musique. Nous avons été
confortés dans cette idée par le succès obtenu récemment par Franz
Ferdinand ou Bloc Party. Ce sont deux groupes que nous apprécions,
et ils ont réussi à atteindre le sommet dans des labels indépendants. Tout cela
pour dire que nous sommes ravis de travailler avec Kitchenware Records.
Vous faites partie de la jeune génération des nouveaux groupes de rock
britanniques, est-ce que vous ressentez vraiment ce phénomène de cette façon
?
Chris : Nous ne faisons partie d'aucune scène, que ce soit musicalement
ou pour une toute autre raison. Nous connaissons bien sûr quelques groupes,
mais aucun ne sonne vraiment comme nous. Je pense par exemple à Nine Black
Alps ou à We Are Scientist, un groupe New-Yorkais, avec qui nous
nous entendons très bien mais sans aucun rapport musical. Tu sais, en général
les groupes n'aiment pas être classés dans une catégorie ou une scène, et cette
règle s'applique également pour nous.
Tom : Même si je n'approuve pas l'idée, je comprends le besoin qu'ont
certaines personnes d'imaginer des sortes de « scènes ». Ils ont besoin de cela
pour savoir où ils en sont.
Votre premier album, The Back Room, sort le 25 juillet, presque six
mois jour pour jour après votre premier single qu'était Bullets. Vous
n'avez vraiment pas perdu de temps...
Tom : Mais tout se passe « comme prévu », où plutôt comme nous
l'espérions ! La sortie de Bullets fut un peu particulière car très
limitée par rapport à la demande. Nous ne nous attendions vraiment pas à
obtenir une telle attention pour notre premier single. Munich est sorti
quelques semaines plus tard, et là encore le succès a été au rendez-vous. Nous
avons donc ensuite planifié Blood, puis la sortie de l'album deux
semaines plus tard. Face à la bonne réponse du public et à la « hype » autour
de nous, cela nous semblait logique de ne pas attendre plus longtemps pour
sortir The Back Room. Quand tu es face à une certaine attente de
la part du public et des médis, tu n'as aucun intérêt à les faire attendre.
La plupart des groupes actuels sont très influencés par la période New Wave,
et vous n'échappez pas non plus à cette règle. La presse vous compare d'ailleurs
souvent à REM, Joy Division ou Echo & The Bunnymen...
Chris : Je ne peux pas nier que j'aime beaucoup de groupes de cette
époque, mais je ne suis pas certain qu'on puisse comparer notre musique à
celle-ci. Nous n'avons jamais copié volontairement qui que ce soit, et je vais
peut-être te surprendre mais nous ne connaissons Echo & The Bunnymen et
Joy Division que depuis très peu de temps. Ce n'est qu'après avoir lu
plusieurs comparaisons avec eux que nous avons décidé d'écouter leurs albums.
Quoiqu'il en soit je trouve très flatteur que des gens puissent trouver des
références à ces grands groupes dans notre musique.
Par qui avez-vous été influencés dans votre musique ?
Chris : Nos influences sont plutôt contemporaines. Je pense par exemple à
Elbow ou au premier album des Strokes qui était fantastique.
Tom : Je repense aux groupes dont nous parlions tout à l'heure, et je
dois dire que je suis un fan de REM. Murmur et
Reckoning sont deux de mes albums préférés. Notre musique est
assez éloignée de ce qu'ils font, mais les ambiances créées sont relativement
proches à mon avis. Je respecte beaucoup tout ce que ce groupe a fait durant
des années, et les paroles des chansons écrites par Michael Stipe sont une
vraie source d'inspiration pour moi.
Comment se passe le travail de composition au sein du groupe ?
Tom : Je m'occupe toujours d'écrire les paroles puis je m'enregistre en
train de jouer les nouveaux morceaux à la guitare acoustique. J'envoie ensuite
une copie des cassettes au reste du groupe et chacun réfléchit puis apporte ses
idées au niveau des arrangements et des mélodies que nous pouvons mettre en
place. Dès qu'un morceau nous semble assez bon pour être enregistré, ce que
nous percevons en général très rapidement si c'est le cas, nous entrons en
studio pour répéter puis l'enregistrer. La plupart du temps nous travaillons
très vite, mais il arrive que certaines chansons nous demandent un peu plus de
patience. La chose à retenir est qu'une chanson d'Editors provient des idées de
chacun des membres du groupe, pas d'une seule personne.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire et enregistrer cet album
?
Chris : L'enregistrement à proprement parler n'a duré que trois semaines
et demies. L'écriture des chansons a été très étalée, car certaines d'entre
elles ont été écrites à nos débuts et datent maintenant d'il y a près de deux
ans. La préparation de l’'album s'est faite avec le temps, et nous avions déjà
choisi les onze chansons finales avant de rentrer en studio pour les
enregistrer. Nous pensions avoir besoin d'environ cinq semaines mais tout est
allé bien plus vite que prévu, à notre grande surprise. Quand tu fais du punk
ou un rock très rapide, les choses se font très rapidement, à la première prise
parfois. Nous voulions réussir à capture notre son live pour le restituer sur
disque, et nous pensions vraiment qu'il nous faudrait un certain temps avant
d'y arriver. L'excellent matériel présent dans le studio nous a vraiment aidé à
bien travailler, à donner une réelle profondeur à notre musique.
Pourquoi avoir choisi de nommer ce disque The Back Room ?
Tom : Ces quelques mots sont extraits de la chanson Camera dont
nous sommes très fiers. Le morceau lui-même a été enregistré après deux jours
passés en studio, à un moment où nous étions très heureux de ce que nous
arrivions à produire. Camera est rapidement devenu la pièce centrale du
disque, quelque chose de très important et excitant. Il parle des émotions que
les gens ressentent et de leur manière d'y faire face. Au fûr et à mesure de
l'enregistrement nous avons pris conscience de l'importance de cette chanson et
il nous a paru logique d'y puiser le titre de l'album.
La mode actuelle est aux rééditions, peut-on alors s'attendre à voir
Bullets sortir à nouveau en single prochainement ?
Chris : Tout à fait ! Mais avant cela nous allons enregistrer une
nouvelle version de la chanson pendant le mois de juillet. Nous aimerions
travailler avec un nouveau producteur pour ce titre, mais tout n'est pas encore
confirmé pour le moment. Il devrait sortir avant la fin d'année, après
Blood normalement, et ce sera donc notre quatrième single au Royaume-Uni
et le second en Europe.
Tom : Certains groupes ont tendance à sortir trop de singles, mais nous
pensons tous au sein du groupe que Bullets a le potentiel pour plaire à
de nombreuses personnes. La version présente sur l'album est la même que celle
sortie il y a quelques mois, une sorte de version démo. C'est pour cela que
nous souhaitons retourner en studio pour la travailler à nouveau et la
rafraichir.
Chris : Je tiens quand même préciser que nous ne sommes pas un groupe à
réédition, nous étions très réfractaires à l'idée de rééditer Bullets il
y a quelques semaines. Nous en avons parlé avec notre label qui nous a fortement
conseillé de le faire, et c'est ce que nous avons décidé au final. Il faut aussi
penser aux fans qui n'ont pas réussi à se procurer la première édition de
Bullets, je pense qu'ils seront contents de pouvoir se procurer la
nouvelle version du single.
Les personnes qui vendent actuellement la première édition de Bullets
sur Ebay ne vont pas être très contentes d’apprendre cette nouvelle !
Tom : On m'a dit que le vinyle du single se vend très cher parfois. Mais
nous ne les vendons pas nous-même, nous n'en avons chacun qu'une seule copie
!
Chris : Je me souviens avoir vu un vinyle signé par tout le groupe il y a
quelques temps sur Ebay... mais je n'ai aucun souvenir d'avoir signé un vinyle.
Je dois dire que je suis intrigué de savoir comment la personne a pu le faire
signer ! (rires)
Tom : Rien n'empêche les gens de revendre des CD sur Ebay, mais s'ils
mentent sur certains détails ensuite c'est un autre problème.
Chris : J'ai déjà vu des personnes vendre des promos de notre album sur
internet, ou du moins ce qu'ils voulaient faire passer pour un promo. Ils
avaient téléchargé nos chansons, puis les avaient gravées sur un CD tout en
imprimant une pochette... sauf que ce n'était pas la bonne !
Justement, la pochette de The Back Room est trouvable depuis quelques
temps sur internet. Est-ce que vous pouvez me la décrire ?
Tom : Elle est inspirée du modèle de nos singles actuels. C'est une
petite photo d'une simple cour, très sombre, placée sur un fond noir. Une sorte
de corridor qui permettrait de passer d'un lieu à un autre. J'aime beaucoup le
résultat.
Une édition limitée de l'album est également prévue, en quoi
consistera-t-elle ?
Tom : Cette version contiendra un second CD. Nous avons eu de bons
retours à propos de nos bsides jusqu'à maintenant, et nous avons pensé que les
fans qui n'ont pas tous les singles seront certainement contents de pouvoir
écouter ces quelques chansons supplémentaires.
Chris : C'est avant tout un objet pour les fans et ceux qui aiment
collectionner les disques.
Quand avez-vous prévu de venir vous produire en Europe ?
Tom : Nous ferons une véritable tournée en Europe dans le courant du mois
d’octobre, mais nous allons également jouer dans plusieurs festivals cet été. Un
concert à Paris est aussi confirmé pour le 22 septembre, mais c'est le seul pour
le moment.
Chris : Nous allons d'abord faire une nouvelle tournée en Angleterre puis
nous viendrons en Europe. Chacun son tour !
Que peut-on vous souhaiter pour le futur ?
Tom : De faire une belle carrière ! Je ne sais pas combien de disques
nous sortiront, mais nous envisageons le groupe sur le long terme. C’est
principalement pour cette raison que nous avons signé un contrat avec un label
indépendant.