Mark Morriss

Mark Morriss s'échappe de ses Bluetones et livre un premier effort solo qu'on croirait chauffé au soleil californien, parfait mélange de folk édulcoré et de pop dans le brouillard, dans la plus pure tradition britannique.

The Bluetones est un groupe né en plein courant brit-pop. Un groupe au succès lunatique, porté en 95 par le single Slight Return, les pieds enfournés dans les chaussons douillets du Top 40 britannique. Le groupe enchaîne les albums, rallie à sa cause son noyau de fans, mais fait toujours état de pâle copie face aux leaders du genre. Trop sobres à côté des fracassés Oasis, trop linéaires face aux talentueux Blur et trop effacés face aux lyriques The Verve. L'époque en pleine mutation post-grunge, à soif de trash art, se regarde le nombril et applaudit à la énième baston des Gallagher toute en se complaisant dans le génie de The Great Escape, de la bande d'Albarn. Vous pouvez lancer autant que vous voulez à la tête des gens une nouvelle couverture crade du Sun, chaque semaine, mais n'oubliez jamais de fournir un nouveau single avec, digne de la discothèque idéale. C'est comme ça. Le milieu des années 90 fonce à toute allure, va à l'essentiel et a trop à faire avec les plus grands songwriters du moment, que d'attendre des Bluetones de sortir de leur carapace. L'époque chancelle, vacille, ne sait plus où donner de la tête : partir aux USA, rester à Manchester, blâmer Courtney ou pas. La brit-pop est éphémère, un mouvement fragile. Mais, vous seuls, savez que ces quelques accords assemblés sur une guitare piquée à Ian Brown, resteront au panthéon. Vous le savez, la preuve, aujourd'hui vous fredonnez encore The Drugs Don't Work.

Mark Morriss sent le vent tourner et saisit l'opportunité qui lui ai tendue en 2004. Son projet solo est en gestation. Il rencontre le producteur Gordon Mills et fait la connaissance de David Arnold, compositeur reconnu au cinéma, pour avoir participé aux BO d'Independence Day et de Demain Ne Meurt Jamais. Sur l'album, Arnold joue du piano sur Unwanted Friend et arrange les cordes de How Maggie Got Her Bounce Back et des titres I'm Sick et Lay Low. Le résultat est un voyage qui traverse le temps et les époques. Imaginez Lee Hazlewood (dont un titre est d'ailleurs repris, My Autumn's Done Come) en featuring avec Ocean Colour Scene. Le songwriting frêle, rencontre la pop chevaleresque, apposé sur un piano et une guitare acoustique. On prend volontiers un peu de Stranglers avec So it Goes et sa mélancolie joyeuse, presque entêtante, qui donne autant le frisson que la larme à l'oeil. Mark Morriss crée l'album de ses influences favorites, reprend Alcoholiday des Teenage Fanclub et remet au goût du jour ce fabuleux titre en quelques accords joué avec grâce sur une guitare sèche. Voluptueux, aérien, l'album est une réussite qui salue le talent d'un songwriter sur lequel il va falloir compter.