worriedaboutsatan

Il n’y a plus assez de vraies belles photos sur les pochettes d’albums. De celles que l’on scrute comme une œuvre d’art à part entière. Ces silhouettes détourées, comme plongées dans cet amas citadin qu’ils s’apprêtent à rejoindre le temps de ces quelques pas déjà amorcés. Terriblement rétro-passéiste – ce léger grain, ce monochrome suranné – couplé à cette proximité de ce triangle fermé, et cette main qui se ferme, confère à cette pochette une aura formidable. Pourquoi est-ce aussi important ? Car tout ceci annonce sans équivoque les thèmes prédominants de ce Arrivals : romantisme et désuétude.

Worriedaboutsatan fait bien de l’electronica comme tous ses congénères actuels, mais avec un esprit très particulier. Le duo de Leeds Gavin Miller et Tom Ragsdale représente parfaitement le point de convergence d‘une génération affublée par les possibilités inconsidérées des machines, néanmoins nourrie ailleurs. Les chansons d’Arrivals en témoignent. Formellement électroniques, celles-ci recèlent un esprit qui va puiser dans les champs arides d’un post-rock lui fournissant les clefs de mélodies basées sur la relation du bruit et du silence (le superbe I Am A Crooked Man). Worriedaboutsatan joue également de manière très concrète sur l’évolutivité continue et incrémentielle de sa musique. Tout avance et se forme du bout à bout.

Composé de chansons longues et languissantes (History Is Made At Night, All Things But You Are Silent) entrecoupées d’entractes répondants eux-mêmes à cette élongation de l’ambiance émise (les titres en pointillés), Arrivals distille avec préciosité une émotion alors décrite et ressentie en continue. En cela, Worriedaboutsatan parvient à sortir d’un cadre alors étroit d’une electronica d‘étude, pour devenir, en plus d’une œuvre de contenance, une musique de quintessence. Arrivals puise dans le potentiel romantique de l’electronica, dans cette capacité sublimatoire qu’elle recèle par ce perfectionnement à petites touches. Les deux anglais se rapprochent de cette vague d’influence qu’incarne les Boards Of Canada, Trentemoller, Sascha Funke ou encore Gui Boratto.

Avec ce premier album, Worriedaboutsatan délivre une œuvre résolument orthodoxe. Par son essence, par sa capacité substantialiste à donner forme à un néo-romantisme à la fois assumé et d’autant plus transcendant, par cette cohésion inaltérable entre le soma et le noûs, entre le corps et l’esprit, Arrivals est une création mystique, aux connotations esthétiques très marquées, baignée dans un rayonnement affable, témoignant ainsi d’une mélancolie éternelle.