Fieldhead

Il fait froid et le ciel se couvre à Belfast à l’approche de la fin d’automne. La pochette de They Shook Hands For Hours en atteste par ailleurs, où le bleu du ciel annonce une fin, une tombée de nuit en forme d’ambiance de fin de vie, où les souffles de vie se font par relents, incessants, mais disparates. Paul Elam s’échappe ainsi quelque temps de Richard Adams et de The Declining Winter pour s’aventurer dans de l’ambient très calfeutrée, aux alentours droniques et sulfureuses par moments. Fieldhead annonce dès l’ouverture sur The Train Is A Rainbow une musique à la fois sombre mais légère, comme une brume assourdissante d’une soudaine clarté, lourde de sens et d’intransigeance.

The Shook Hands For Hours est un va-et-vient où s’entrecroisent nappes envahissantes (Half Names, Broken) et déploiements mélancoliques brouillés par des signaux discordants et même désuets (Of October). Elam semble s’évertuer à faire se concorder des phases de frénésies contenues et des accalmies vertueuses ; comme si soudain, le monde aphorique s’était muté en un univers étouffé, néanmoins riches et s’exprimant par touches et profondeurs. L’ambient de Fieldhead s’apparente ainsi à une grande toile impressionniste, remplis de détails mais fort empreinte d’une atmosphère froide et réaliste ; They Shook Hands For Hours se retrouve ainsi plus proche d’un Gustave Caillebotte que d’un Auguste Renoir, à travers cette poignante envie d’exister sous le poids écrasant d’une réalité incertaine.

Sous couvert d’instrumentalisations classiques (violons, guitares, xylophone) travaillés, tantôt granulés, tantôt défraîchies et craquelées, ce premier album semble parfois lorgner vers des effets de style ostensiblement surannés, comme des tape-à-l’œil vintage, mais efficaces et totalement à propos. Fieldhead, par ce premier album, plaît à défaut d’impressionner, et interprète à sa façon les chœurs d’un monde en ruine qui gronde en silence.