Oh Minnows

S’il est un groupe qui a toujours donné l’impression de se chercher musicalement, c’est bien Semifinalists. En deux albums passés inaperçus, ce trio éclectique a bien fait figure d’OVNI dans le paysage musical britannique. Son premier effort, jouissif par son incohérence et sa richesse musicale indéniable, lui avait valu d’être associé au genre expérimental (à tort ?). Son successeur, beaucoup plus accessible, venait mettre à bas cette étiquette peu alléchante en véhiculant une pop fraîche et inventive.

En 2008 (l’année où paraissait cet album), Chris Steele-Nicholson, homme-à-tout faire du trio, décidait de mettre en suspens la carrière du groupe. « Semifinalists était un effort collectif et c’était très amusant », expliquait-il alors. « Tu pouvais avoir une idée intéressante, alors quelqu’un intervenait et l’amenait dans une direction totalement opposée à ce à quoi tu t’attendais. C’était comme contrôler la chose sans la contrôler... ».
Un an plus tard, sortait le premier EP de son projet plus personnel, tout juste formé et intitulé Oh Minnows. « Oh Minnows, c’est juste moi, moi seul confronté à mes propres envies. ». Une pop teintée de shoegaze et imprégnée de nappes synthétiques, telle était donc l’envie musicale première de Chris Nicholson.

Intitulé For Shadows, ce premier album nous parvient comme l’aboutissement d’un long travail sur les sonorités auquel s’est adonné le groupe depuis le dispensable Might EP. L’aperçu que l’on avait eu de la musique d’Oh Minnows en 2009 n’était en effet pas très convainquant. Le son était dépourvu de profondeur, les nappes trop synthétiques et mal dosées rendaient les composition détestables. Aujourd’hui, c’est avec une production riche et un son clair que nous revient le trio.
La richesse musicale d’Another Volunteer et la fabuleuse capacité de son refrain à rester dans nos têtes semblent nous introduire à un album où chaque titre est un tube onirique et planant. At The Rehearsal, formidable ode au rêve et à l’évasion, vient confirmer cette idée malheureusement éphémère. La suite du disque est nettement moins poignante malgré des tentatives belles et bien existantes. A Performance semble ne pas aller au bout de sa lancée et la belle voix du compositeur n’a pas le temps de s’envoler dans ce morceau trop court. Dans d’autres titres comme Trade ou You’ll Never Know Us, le son nintendo-esque des synthétiseurs ne met pas du tout en valeur l’écriture personnelle et sensible de Chris Steele-Nicholson. Heureusement vient par la suite Everyday ; un titre peu original, d’un songwriting qui sonne comme déjà-entendu, mais qui est tellement touchant qu’il ne peut que plaire.

Bien qu’il soit doté d’un talent incontestable, Oh Minnows ne parvient pas à nous livrer l’album idéal. Les quelques très bons morceaux qu’il contient nous font en demander plus. La production ne met pas toujours en valeur le songwriting de qualité de l’ex-Semifinalists : là est le principal défaut de ce disque globalement moyen. On reconnaît l’envie d’emboîter le pas de ces « nouveaux » génies du shoegaze que sont les américains de Deerhunter. Ils n’en sont en vérité plus très loin ; cette référence saute aux yeux (ou plutôt aux oreilles) à l’écoute de titres comme At The Rehearsal ou A Performance.
Les expérimentations auxquelles s’adonnaient les Semifinalists les avaient fait sortir des sentiers battus. Ce sont malheureusement ces sentiers battus que parcourt aujourd’hui Oh Minnows. De la part d’un échappé de Semifinalists, on en espérait beaucoup plus qu'un premier album malheureusement pas à la hauteur de nos attentes.