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Matt Elliott

The Broken Man

Matt Elliott - The Broken Man
Chronique Album
Date de sortie : 16.01.2012
Label : Ici d'Ailleurs
4
Rédigé par Johan, le 15 janvier 2012
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A une époque où l'on se demande souvent les raisons d’acheter un disque qui se retrouve sur Internet des semaines avant sa sortie, de faire l’effort de se déplacer alors qu’il est à un clic de soi, de payer 12 € un album alors qu’il est moins cher sur iTunes ou autres (en l’occurrence beaucoup moins cher puisque celui-ci est proposé à 2 € sur le site www.icidailleurs.com), d’écouter un disque de sept titres – parmi lesquels deux durent deux minutes – alors que l’on peut écouter les cinq autres sur Deezer – parmi lesquels trois durent 10 minutes ou plus –, Matt Elliott apporte un début de réponse, qui se résume en trois mots : The Broken Man.

Pour commencer, les deux titres qui, au vu de leur durée minime, auraient pu faire figure de bouche-trou, Please Please Please et How To Kill A Rose, s’avèrent finalement nécessaires au rythme de l’album. Placés entre les trois compositions les plus ambitieuses de The Broken Man, elles amènent des pauses bienvenues et, sans même parler de soutien, sont en elles-mêmes des instrumentations assez poignantes, faites d’accords folk enchanteurs, de chœurs sombres et magnétiques, le tout baigné dans une ambiance inquiétante comme l’artiste anglais sait si bien les retranscrire.

Dans la continuité des précédents albums de Matt Elliott, Oh How We Feel joue la carte de la musique orientale, à la fois entraînante et mélancolique, avant que ne surgisse le chant tout en profondeur et en délicatesse du britannique. Découpée en plusieurs sections, à la manière des deux longues compositions suivantes, Oh How We Feel embarque l’auditeur dans un voyage parsemé de notes plus saisissantes les unes que les unes, implémentant minute après minute de légères modifications à une mélodie en filigrane qui, crescendo, gagne en intensité, via l’arrivé d’un violon menaçant, de chœurs vibrants et, surtout, d’un Matt Elliott à la voix posée et imposante, caverneuse et habitée, grandiose et captivante, qui évite l’écueil du mélodramatique ou de la grandiloquence facile avec l’aisance qu’on lui connait.

Les cordes vocales de l’artiste sont bien évidemment la pierre angulaire de chacune de ses œuvres. Et Dust Flesh And Bones en est certainement le témoignage le plus évident. Matt Elliott accompagne magnifiquement la folk sépulcrale du titre, réalisant là la meilleure bande-son possible pour toute scène tragique de film indé. Plus loin, c’est au tour de la cinquième chanson de The Broken Man, au titre le plus long mais aussi le plus inspiré de Matt Elliott, de créer la non-surprise en développant une nouvelle fois son intérêt et son talent pour la musique d’Europe de l’Est.
Accompagné ici d’un piano et de chœurs baroques, l’anglais subjugue sur treize minutes qui paraissent durer treize minutes : elles ne durent pas treize secondes car Matt Elliott prend son temps, pose le contexte, est le maître de cérémonie qui a la main mise sur l’ambiance générale, sobre mais puissante, qui se dégage de l’ensemble ; et ces treize minutes ne durent pas non plus treize heures car on ne s’ennuie pas une seule seconde.

Certes, clairement, Matt Elliott fait du Matt Elliott. Mais il le fait si parfaitement, si ce n’est même mieux que le modèle, qu’on ne pourra lui reprocher de ne pas se renouveler. C’est au contraire l’idée que l’on pourra se faire de cette orientation qui est intéressante. Le fait que Matt Elliott, que ce soit inconsciemment ou non, à l’image du dernier opus de son second projet The Third Eye Foundation, The Dark, mêle peu à peu ses deux univers pour créer une entité distincte, est en soi un renouvellement de sa part à saluer, et une psychologie du personnage passionnante pour peu que l’on s’intéresse à la carrière d’un artiste trop peu médiatisé et considéré.

Pour conclure, autant donc vous prévenir avant l’achat : plus encore que les précédents efforts studio de Matt Elliott, The Broken Man n’est pas à écouter à la légère. Éteignez la lumière, fermez vos volets, frappez au mur pour que votre voisine baisse le son de sa dose quotidienne de Justin Bieber, et allongez-vous sur votre lit, les yeux fermés, le souffle coupé, le cœur battant. The Broken Man est de ces œuvres qui parviennent à créer l’émotion à partir de bric et de broc : des arrangements dépouillés, une atmosphère éthérée et une voix mise à nu, brute et sans artifice, voilà le cadre dans lequel se situe Matt Elliott et qui fonctionne à tous les coups.
tracklisting
    01. Oh How We Fell
  • 02. Please Please Please
  • 03. Dust Flesh And Bones
  • 04. How To Kill A Rose
  • 05. If Anyone Tells Me 'It's Better To Have Loved And Lost Than To Never Have Loved At All', I Will Stab Them In The Face
  • 06. This Is For
  • 07. The Pain That's Yet To Come
titres conseillés
    Dust Flesh And Bones, Oh How We Fell
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