The Cult

Le Culte : avant celui de la personnalité qui jalonne nos vies, il existait un culte musical, sombre et rugueux qui, pour les quadragénaires à coup sûr, sonne comme une douceur verbale conduisant, inévitablement, à des souvenirs aussi affables que ténébreux.

Contemporains et égaux des plus grands groupes de la fin des années 70s et du début des années 80s (Bauhaus, Cocteau Twins, The Go-Betweens, Gary Numan...) The Cult se forment en 1981 à contre-mesure de la tendance électronique minimaliste de l’époque et viennent rapidement combler le vide qu’ont laissé le post-punk et la new wave en offrant une descendance ésotérique et des riffs de cuirassier aux inconditionnels d’un Easy Rider que l'on aurait tourné en vidéo vingt ans plus tard.
Pas très surprenant, finalement, que le groupe en question se fut initialement nommé The Southern Death Cult. Gothiques et autres groupies du post-punk régnaient alors en maître sur la galaxie du vinyle rock, importé ou pas du royaume d’Angleterre. Dire, qu’alors, The Cult fut culte est une antanaclase et un raccourci un peu pauvre, mais juste ! Noirs comme les corbeaux mais portant plus facilement du cuir et des bottes de motos que des crêtes et des épingles à nourrice, les amateurs du groupe étaient souvent fans de gros cubes et de grosses poitrines. Formés en pleine ascension de la cold wave et explosés en plein vol – l’abus d’alcool est dangereux pour la santé des musiciens – en 1995 lors d’un concert aux Etats-Unis, The Cult ont signé deux albums mythiques de leur époque avec Love et Electric. Et des titres comme She Sells Sanctuary, Wild Flower ou même une reprise de Born To Be Wild ont fait remuer au-delà du raisonnable des nuées d’adolescents et de jeunes adultes encore libres de chevaucher la route en héros plutôt que les autoroutes de l’information.
Hormis deux disques entre 2001 et 2007, The Cult étaient destinés à rejoindre les cartons de nos souvenirs, c’était sans compter sur la hargne et la fidélité d’un groupe qui dit avoir voulu rendre hommage à ses fans, toujours présents après trente ans de carrière.

Le neuvième album du groupe, Choice Of Weapon, composé par le chanteur Ian Astbury et le guitariste Billy Duffy a été enregistré l’année dernière aux Etats-Unis. Produit par Chris Goss (Queens Of The Stone Age, UNKLE) et coproduit par Bob Rock, ce nouvel album de The Cult est aussi le point de départ d’une nouvelle tournée mondiale.
Récemment, Billy Duffy, guitariste rescapé, déclarait que lui et les siens avaient tout mis dans cet album et que le groupe trentenaire qui a vu passer plus de vingt musiciens s’était volontairement entiché de sujets de société et d’actualité plus lourds qu’à l’habitude, dans la lignée du Born Into This de 2007, déjà très bien reçu par la critique. Avec la rage et le son heavy qu’on leur connaît, The Cult dénoncent ici pèle-mêle la destruction de notre écosystème, le narcissisme ou la vie d’artiste et ses addictions, nombreuses, la vie à New York inspirant largement Ian Astbury et le titre de l’album, Choice Of Weapon renvoyant au choix qu’a tout un chacun de se battre et se faire entendre à l’aide de la plume, la guitare, la peinture ou les armes à feu !
The Wolf, Lucifer ou For The Animals sonnent ainsi comme du Cult pur jus, jusque dans leurs titres. Pour notre plus grand plaisir et comme pour d’autres, le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est bon, on est bon ! Même saupoudré d’une certaine pondération, inévitable avec l’age, même avec la retenue liée à un monde sous contrôle constant des sentiments, de la colère et des revendications, même sans véritable titres locomotives taillés pour les charts et les anges de la route (et qui faisaient la force des albums du groupe dans les 80s), Choice Of Weapon étonne par sa sincérité et son charisme. La puissance s’est reportée sur les textes, mais le son est toujours le même et il suffit de quelques mesures pour reconnaître le culte de la mort du sud.

Après tant d’années à assister à des centaines de reformations de groupes des 80s pour des raisons plus ou moins sincères ou artistiques, ce disque est une valeur sûre taillée pour ravir ceux qui ont mis de coté leurs bottes Mexicana, les Perfectos usés et les effigies à tête de mort qui marquent, comme The Cult, les esprits et les faciès d’une jolie empreinte.