Laissez un cuir inutilisé dans un placard Casa de la fin des années 80 et ressortez le de votre dressing made in Ikea, vingt ans plus tard ; à part l’odeur de fauve, peut-être, et les plis qui rident son épiderme, sûrement, il n’aura pas bougé. Toute métaphore n’est pas le fruit du hasard car, ce soir, c’est ce sentiment qui prédomine dans la salle, malheureusement très clairsemée, du Bataclan. Du motard portant les mêmes Mexicanos qu’à leur sortie en 1988, à l’ex critique des Inrocks, officiant, un temps dans un talentueux one man show comique très Parisien, en passant par l’ex-gothique devenu chauve et cadre à la BNP, on ne peut pas dire que, dans l’assistance, cela sente la fraîcheur virginale !
Oui, le Bataclan est aussi dégarni que la majorité des crânes des quadragénaires présents, mais ce n’est pas là l’important. Oui, le placement de voix du chanteur sous amphétamines, Ian Astbury, est inconstant et parfois incohérent, mais ce n’est pas là l’important. Oui, le batteur tape comme un sourd et rate parfois le tempo, mais ce n’est pas là l’important. L’important, dans le culte, c’est le son ! Un son qui, pour un premier tiers, provient des mélodies acides et hypnotiques des précurseurs du hard-rock, Led Zeppelin, pour un second des guitares tronçonneuses des débuts d’AC/DC, et pour un troisième de la lourde et lancinante artillerie blues rock du ZZ Top qui s’écoute cheveux aux vents, sur la route 66.

Ce son là, The Cult n’en ont pas changé, ne l'ont pas fait évoluer d’un pouce, n’en ont pas perdu une miette. Billy Duffy, le guitariste initial, découpe ses riffs à la machette sur un
Wild Flower dont la partie cordes doit beaucoup à Angus Young. Ian Astbury, sur
She Sells Sanctuary, donne dans des vocalises échappées d’un coffre-fort lourd d’une tonne de fonte pure alors que le reste de la formation, postérieur à la séparation de ce groupe qui ne vécut officiellement que seize mois, suit la chevauchée de ces deux cylindres en V, avec brio et un brin de courage.
Placé sous la loi du couvre-feu qui, à Paris mais aussi en France, impose l’arrêt de toutes hostilités sonores à 22h30 – sauf dérogation, comme pour l’Olympia – le concert de ce soir démarre tôt, même avec une demi heure de retard. À 20h30 pétantes, le culte s’ébranle et, après une heure et demie d'un concert au cours duquel peu de titres du dernier album,
Choice Of Weapon, auront été joués au bénéfice des légendaires
Rain ou
Lil' Devil, un petit rappel d’un titre et puis s’en vont, bien malgré eux à écouter Ian, le tourmenté poète du néo hard-rock, pestant sur ce « curfew ».

Un concert que l'on qualifiera de gentillet, comparé à leur dernière venue en 2009 dans cette salle du onzième arrondissement (crachats, jets de bouteilles sur scène, embrouilles avec un fan éméché...) mais un concert viril et sauvage comme un chasseur de daim, tout juste rentré du Vietnam et embourbé dans la foret humide des montagnes de l’est des États-Unis.