BirdPen

Aussi justifié que fut le succès de la saga épique Controlling Crowds d'Archive, le projet parallèle de l'un de ses chanteurs, le grand et chevelu Dave Pen, méritait-il une si petite reconnaissance populaire et médiatique ? Certainement pas. Non pas qu'avec son associé Mike Bird l'anglais révolutionnait la musique sans que personne ne s'en soit rendu compte, mais bien que sous le pseudonyme BirdPen, les deux comparses jouaient une pop bien écrite où les ambiances ne cessaient de varier d'un titre à l'autre.

Trois ans après un album inaugural réussi et convainquant (l'autoproduit On/Off/Safety/Danger), BirdPen nous revient en grande forme, bien décidé à nous révéler le travail acharné accompli ces dernières années. Ayant élu domicile provisoire dans une banlieue de Manchester pour enregistrer ce nouvel effort, le groupe a choisi de s'accaparer un des producteurs les plus prolifiques de la scène mancunienne, ayant entre-autres, travaillé aux côtés de New Order, d'Echo & The Bunnymen et d'Oasis. Pour quel résultat ? Encore une fois, une pièce subtile et profonde où mélancolie et atmosphères variées s'entrechoquent dans l'harmonie générale.

Amorcée sur l'entêtant No Exit, cette nouvelle œuvre délicatement sombre et arrangée dans un minimalisme froid que le duo semble avoir découvert à Manchester, conte les peurs d'un futur douloureux, balaie des thèmes des plus délicats entre angoisses politiques et sociales mais aussi personnelles. La passivité triviale de chacun d'entre nous face à ce monde brutal se traduit musicalement dans Global Lows d'une manière naturelle et déroutante, sans jamais tomber dans les véritables dépressions sonores dont seuls les mancuniens de souche semblent localiser la recette au milieu de la jungle industrielle locale. BirdPen parvient à intégrer à sa mélancolie une joie, certes mesurée, mais belle et bien contagieuse. « C'est comme assister à la fin du monde avec le sourire » disent-ils à propos de cette livraison pour le moins ambitieuse.

Alternant les ambiances comme il se doit, Global Lows se construit sur la longueur comme une œuvre progressive, pas pour autant ennuyeuse. S'il est certes quelques passages à vide (le trop long et taillé pour le live Only The Names Change, la poigne trop banale de Saver Destroyer), le duo parvient à nous transporter entre la mélancolie forcément transmissible du bien nommé Sorrow dont les guitares claires et descendantes rappellent celles des Cure, l'entêtant et minimal Missing Sun, et la pop radieuse et subtile qui n'a rien à envier à Wild Beasts d'A Thousand Followers. Touchante à souhait, la sensibilité de cette dernière nous évade à merveille, dans une tristesse musicale que l'on pourrait qualifier de céleste tant elle parvient à nous élever hors de notre infernal monde matériel.
On y retombe malgré tout. The Bridge, ses chants dépressifs et déchirants nous rappellent la réalité environnante. Cette chute réaliste depuis une utopie mélancolique et heureuse n'est pas déplaisante, bien au contraire. Et l'est d'autant moins l'épopée qui lui succède. Sentimentalement héroïque tant, à fort volume, son final bouleversant nous prend au cœur, The Safety In Numbers Is Now Zero pourrait bel et bien constituer notre bande son idéale pour l'apocalypse. Ou tout simplement celle d'un quotidien où s'enchaînent nos constats malheureux de la corruption, du sectarisme, du deuil, de la vérité. Tant de sujets que BirdPen balaie en toute subtilité durant cinquante-cinq minutes prenantes et desquelles on se détache difficilement.

Si cette nouvelle pièce artistique et conceptuelle n'est certes pas irréprochable, on s'y immerge beaucoup plus vite que l'on parvient à s'en extraire. Le final renversant de ce deuxième album ne peut qu'être difficilement oublié après écoute. Plus qu'un side-project, BirdPen est véritablement le groupe de deux hommes au talent incontestable, dont le grand mérite est de nous étonner, de nous transporter dans des œuvres magiques et variées. Global Lows en témoigne.