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BirdPen

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 16 mai 2015

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Dave Pen et Mickey Hurcombe, aka Mike Bird se connaissent depuis leur adolescence. Bien avant de rejoindre le collectif Archive, Dave Pen, de quatre ans l'aîné de Mickey Hurcombe, jouait déjà dans de petites formations de leur ville natale, Southampton. A la faveur d'un départ, Mickey Hurcombe, alias Manglebird (son surnom d'alors), rencontre Dave Pen et le rejoint dans sa formation du moment pour ne plus jamais s'en éloigner.

Nourrissant un besoin irrépressible de créer leur propre univers musical et lyrique, ils forment Birdpen en 2003 et commencent à se faire un nom à Southampton et même à Londres où Darius Keeler et Danny Griffiths les accueilleront au sein d'Archive, quelques années plus tard. Tendrement torturés par des idées pas plus sombres que ne le sont les directions prises par nos sociétés, BirdPen font dans l'ultra-réalisme et l'introspection. Après deux albums sortis en 2009 et 2012, Dave Pen et Mickey Hurcombe sortent In The Company Of Imaginary Friends, un album financé en crowdfunding via Pledge Music et créé en mode DIY. Un disque abouti et ambitieux qui, ô miracle, commence même à intéresser la presse anglaise...

Il y a un secret qui semble entourer, volontairement ou pas, BirdPen depuis quelques années. Si on ne présente plus Dave Pen, chanteur, guitariste, auteur et compositeur du groupe Archive, il est très rare de voir apparaître le nom et la qualité de son alter égo, Mike Bird, alias Mickey Hurcombe dans la vie civile. Guitariste et membre à part entière d'Archive, également. Est-ce un secret que vous vouliez maintenir ou un hasard heureux ?

Mike Bird : J'aime bien cet état de fait. Mais, je n'ai jamais cherché à créer le secret autour de mon statut dans Archive. C'est arrivé par accident et puisque cela continuait à rester plus ou moins un non-dit, avant que tu ne poses ta question, je n'ai jamais fait en sorte d'afficher mon rôle dans Archive. Mais, nous ne tenons pas à en faire mystère. Mon nom est Mickey Hurcombe, aka Mike Bird pour BirdPen.

Les premiers titres de Birdpen ont vu le jour il y a plus de dix ans, mais il a fallu attendre 2009 pour voir le premier album du groupe voir le jour...

Mike Bird : Nous avons passé beaucoup de temps à apprendre notre métier, expérimenter et travailler ce projet avant qu'il n'aboutisse, qualitativement.

C'est une bonne chose que de pouvoir participer à autant de projets si qualitatifs.

À quel point est-il difficile de mener, de front, des carrières parallèles avec des groupes comme Archive, Birdpen et même We Are Bodies maintenant, le nouveau side-project de Dave Pen et Robin Foster ?

Dave Pen : Bien sûr, c'est parfois un challenge de faire autant de choses à la fois, mais pour des gens qui vivent dans la perspective de l'art comme une expression, c'est une bonne chose que de pouvoir participer à autant de projets si qualitatifs. Nous sommes entourés de gens qui ont tous de bonnes idées, de belles choses à mettre en musique et en paroles, et ceci est très stimulant. Cela étant dit, et même si je suis heureux d'être partie prenante de tous ces groupes, je crois que j'ai atteint mes limites, pour le moment.

Comment vous êtes vous rencontrés ? Cette rencontre est-elle antérieure à votre collaboration avec Archive ?

Dave Pen : Nous nous connaissions bien avant de rencontrer Darius Keeler ou Danny Griffiths. Mickey avait quelque chose comme seize ou dix-sept ans et moi vingt-et-un quand nous nous sommes connus. Nous étions déjà dans des groupes à cette époque, à Southampton, et un de mes amis m'a parlé d'un guitariste qui se nommait Mickey. Je ne le connaissais pas, mais je savais qu'il était bien plus jeune et je me suis dit : « Un gosse dans notre groupe ? ». Mais, mon ami m'a tout de suite rassuré en m'expliquant à quel point Mickey était un bon guitariste. Un autre point très important, c'est que Mickey, malgré son jeune âge, avait un permis de conduire, et nous qui avions entre vingt et vingt-deux ans, nous n'en avions pas ! Et en plus, il avait une voiture. Donc, Mickey est passé du statut de gosse, à un mec génial pour nous (rires). À partir de là, nous avons grandi ensemble. BirdPen a démarré alors que nous nous étions mis à travailler sur les vidéos et autres visuels animés pour d'autres groupes. Nous avons trouvé notre nom en associant le mien à une partie du surnom de Mickey, alors « Manglebird ». C'est alors que nous avons quitté le groupe dans lequel nous étions, avons formé BirdPen et produit nos premiers EPs, seuls, en quatre jours. Quelque temps plus tard, nous avons trouvé un manager à Londres et l'aventure était lancée. Nous avons toujours su que nous finirions par jouer tous les deux ; dès le départ nous avons construit une grande confiance et une certaine connivence.

De quand datent vos rencontres avec Darius Keeler et Danny Griffiths ?

Mike Bird : Avant de former BirdPen, nous étions dans un groupe, Mainline, qui englobait jusqu'à neuf membres et c'est à cette période que nous avons rencontré Darius et Danny.
Dave Pen : Nous partagions le même manager, en fait. Et c'est lui qui a parlé de nous à Darius. Il l'a convaincu de venir nous voir jouer à Southampton avec Mainline alors qu'il était en train de finir l'album Take My Head. Bizarrement, je crois que notre prestation et notre musique ont pas mal influencé Darius pour la suite d'Archive. À partir de là, nous sommes devenus amis et nous savions qu'un jour nous travaillerions ensemble. J'ai rejoint Archive avant Mickey, à l'époque où Craig Walker quittait le groupe, après l'album You All Look The Same To Me. Mickey est arrivé dans Archive quelques années après.


In The Company Of Imaginary Friends est le troisième album de BirdPen et sortira le 18 mai en France. Quand trouvez le temps d'écrire et de composer pour BirdPen alors que vous revenez juste d'un début de tournée avec Archive et qu'en 2014, avec ce même groupe, vous avez sorti deux albums et donné une multitude de concerts ?

Dave Pen : (rires) C'est vrai que le programme est chargé, mais après une semaine de repos, généralement, nous nous remettons à cogiter sérieusement et l'écriture ou la composition nous manquent déjà terriblement. Avoir des bagages, c'est bien. Savoir où les poser, c'est encore mieux ! Pour In The Company Of Imaginary Friends, nous avons enregistré quatre sessions, il y a à peu près un an, alors que Mickey était en train de déménager de Southampton à Londres. Tout ce que nous savions, c'est que nous avions besoin de produire un nouvel album de BirdPen après avoir mis tant de nous dans le précédent, Global Lows. Sans nous soucier de quand ou de si nous y arriverions, avec l'agenda d'Archive en plus. Même pour un résultat potentiellement intimiste et uniquement quelques centaines de copies à la clef, nous avions ce besoin de créer à nouveau pour BirdPen. Au niveau du thème et des textes, nous savions ce que nous voulions faire, mais nous ne nous sommes jamais mis de pression inutile pour ce troisième album. In The Company Of Imaginary Friends est sûrement l'album le moins compliqué que nous ayons eu à créer.

Combien de temps avec vous passé sur la création de In The Company Of Imaginary Friends ?

Mike Bird : Du début à la fin, cela nous a pris à peu près une année. De fin 2013 à fin 2014.

C'est un projet que vous avez voulu lancer en financement participatif via le site web de Pledge Music...

Dave Pen : Nous voulions sincèrement sortir un nouvel album, mais nous n'avions pas d'argent à investir dedans. Nous avons tout fait nous-mêmes, sessions et enregistrements, et comme Archive et d'autres amis avaient déjà utilisé la plate-forme de Pledge Music, avec succès pour certains projets, nous avons tenté l'expérience, nous aussi. C'est un axe très intéressant et qui devient de plus en plus en vogue, mais nous n'avions pas réalisé à quel point il nous faudrait, dès le mois d'octobre 2014, quand nous avons lancé le crowdfunding mettre à disposition plus de matériels que d'habitude à destination des fans qui allaient mettre de l'argent dans cet album. Et comme nous étions seuls dans ce projet-là, nous avons du tout faire nous mêmes, avant et après le crowdfunding : le graphisme et l'artwork, les copies, les articles sur le site... Mais, grâce aux fans qui ont participé à ce disque, nous sommes aujourd'hui en mesure de sortir et de défendre In The Company Of Imaginary Friends et nous leur en sommes très reconnaissants. Sur de plus gros projets, je crois que le financement participatif est encore quelque chose de très intimiste. Mais, cela bouge très rapidement. Ce ne sont plus du tout des amis imaginaires, pour le coup. Ils sont très réels aujourd'hui ! Il semble que l'industrie du disque prenne un gros tournant... surtout quand tu veux créer une œuvre pas très « commerciale ».


Combien de fans ont pré-commandé In The Company Of Imaginary Friends sur le site web de Pledge Music ?

Mike Bird : Deux (rires) !
Dave Pen : Je ne suis pas sûr, mais je crois que cela tournait autour de trois cent... Ce n'était pas des milliers, non plus. De toute façon, les gens ont de plus en plus de mal à acheter la musique de nos jours. C'est la version vinyle qui a rencontré le plus de succès. Les gens font un timide retour sur ce format.
Mike Bird : Quand tu veux que ce genre de modèle économique marche vraiment, je crois qu'il te faut déjà avoir une bonne base de fans. Et même si nous avons une base de fans pour BirPen, elle est encore assez confidentielle.

Tenteriez-vous à nouveau l'expérience ? Est-ce un modèle que vous recommanderiez à d'autres groupes ?

Mike Bird : Pas tout de suite... C'est un nouveau modèle qui va s'imposer de plus en plus dans l'industrie du disque. C'était une bonne expérience que je suis content d'avoir réalisée. C'est presque une honte que de devoir en arriver là, mais c'est la direction que prend notre secteur pour les groupes confidentiels. Le bon coté c'est que la connexion entre les fans et le groupe est plus forte et le public qui participe a la possibilité d'en savoir plus sur nous.

Vous avez donc rencontré le succès escompté avec ce crowdfunding ?

Mike Bird : C'est le genre de chose que tu ne peux pas anticiper, à la base. Mais, c'est vrai que nous avons été agréablement surpris du résultat et du fait que nous ayons pu sortir ce disque avec ce système-là.

Je crois savoir que vous avez même fait don du surplus à des œuvres de charité, comme l'association pour la santé mentale nommée, Sane ?

Dave Pen : Nous avons choisi Sane car certains textes de l'album font référence aux problèmes de santé mentale. Il nous était impossible de prendre le reste de l'argent pour nous ou même pour le groupe. Des fans ont donné d'eux-mêmes pour ce projet, il était donc normal que nous donnions le surplus à des œuvres de charité.

Cet album parle de la sécurité mise en place par les états, de la folie et des gens qui en arrivent à péter les plombs; où avez-vous puisé vos influences pour In The Company Of Imaginary Friends ?

Dave Pen : Je crois que tu peux facilement te perdre dans ce monde moderne. Je crois que tu peux aisément devenir fou selon ta situation et nous sommes tous passés par là ou proches de là. Et il est difficile d'en revenir. Mais, cela concerne également des gens qui prennent trop de drogues, qu'elles soient légales ou pas. Là aussi, tu peux te perdre et avoir beaucoup de mal à refaire surface. Et dans nos milieux, particulièrement, tu croises parfois des proches qui se sont enfoncés dans des situations très tendues et très difficiles à surmonter. J'ai des amis dans ce cas-là... et cela me touche moi aussi par extension. L'écrire et le mettre en musique, cela permet de te sortir de là ou de voir cela de l'extérieur et donc, de l'extérioriser. Il existe sûrement des raisons pour se plonger dans ces méandres, mais tu ne dois surtout pas t'y accrocher trop longtemps. C'est donc un album qui propose de plonger dans le terrier du lapin, profondément mais pour en ressortir à la lumière, de l'autre coté. Cela peut apparaître comme un concept assez sombre, mais il y a une fin heureuse.
Mike Bird : Il y a, pour chaque titre de l'album, un élément d'espoir en filigrane.
Dave Pen : Je ne suis pas d'accord avec les gens qui ne voient qu'une musique et des textes dépressifs dans BirdPen. D'une manière évidente, ils n'ont pas saisi toute la portée de nos titres, dans ce cas-là. Peut-être que le concept peut paraître noir, mais il y a une énergie assez lumineuse dedans. Si tu l'entends de manière négative, c'est sûrement à cause de ce que toi tu y mets dedans.

Quelque part, on pourrait dire la même chose pour les titres d'Archive ?

Dave Pen : Bien sûr. Ce sont des histoires, assez réalistes parfois, mais il y a toujours un espoir au bout. Parfois, c'est de la pure fiction qui s'appuie sur la réalité et il ne faut jamais perdre de vue que c'est de la musique ; la musique décrit un monde à part.

Quelle est votre manière de fonctionner entre vous deux, que ce soit pour l'écriture, la composition ou l'enregistrement ?

Mike Bird : Ce sont des choses très naturelles entre nous. On a passé tellement de temps, depuis que nous nous connaissons, à apprendre ensemble, à écrire, à jouer et à se connaître, que nous savons, très rapidement, ce qui est bon et ce qui doit être laissé de côté. Nous ne planifions pas grand-chose, en fait. L'un de nous démarre et nous voyons là où ça nous mène, si ça nous mène quelque part.
Dave Pen : Le truc vraiment bien avec Mickey, c'est qu'il n'est pas qu'un musicien ou un bon guitariste. Il est très doué avec tout ce qui touche à l'électronique et aux machines. Il sait programmer et gérer les technologies modernes ; ce que moi je suis incapable de faire. J'arrive parfois avec une idée et Mickey sait comment la mettre en forme. Parfois, après toute une journée passée à écrire, composer, programmer et enregistrer par nous-mêmes, nous avons le cerveau comme un œuf dur, trop cuit (rires). On est complètement frits, à la fin de la journée ! C'est là que, généralement je dis à Mickey : Allons vite boire une bière. Je suis cuit ! Nous nous entendons à merveille dans le travail. Nous sommes comme deux œufs dans un panier à friture.
Mike Bird : Nous écrivons généralement la musique ensemble et Dave écrit les textes. Excepté sur un titre, le premier du premier album, On/Off/Safety/Danger. C'est un titre que nous avons écrit ensemble, un jour où nous étions coincés dans les embouteillages et nous avons beaucoup ri en cherchant nos mots à ce moment-là (rires) : Breaking Precedent.

Où s'est déroulé l'enregistrement de l'album ?

Dave Pen : C'est un projet cent pour cent DIY.
Mike Bird : Après le précèdent album pour lequel nous avions passé beaucoup de temps et d'argent dans le studio, nous ne voulions plus ressentir cette pression du temps qui passe et qui coûte, chaque heure. Nous avons donc choisi d'enregistrer In The Company Of Imaginary Friends à la maison. Les parties rythmiques ont été enregistrées dans le studio d'un ami, mais sans pression ou fioritures sur le rendu. Nous avons voulu que cela sonne le plus direct possible.
Dave Pen : Nous avons voulu que cet album soit le plus instinctif possible. Mais nous possédons de très bons microphones et un équipement, un peu daté, mais de qualité. Sans stress et avec un certain retour aux méthodes de nos débuts...


Le vidéo clip du premier extrait de In The Company Of Imaginary Friends, Lifeline, a été dirigé par Pierre Alexis Morin. Êtes impliqués dans la création autour de vos albums, que ce soit au niveau de l'artwork ou des vidéo clips ?

Dave Pen : Oui. Nous faisons nous-mêmes l'artwork, en tout cas en ce qui concerne l'idée de base et la finalisation. Pierre Alexis Morin a dirigé un des clips de notre précédent album et, en tant que fan d'Archive et de BirdPen, il est revenu vers nous pour nous proposer ce clip. Il nous a dit qu'il vivait en Argentine dorénavant et c'est là-bas qu'il a effectué le tournage.
Mike Bird : Ce sont les images d'une vieille ville abandonnée en Argentine.
Dave Pen : Il est très talentueux et il est très motivé par son travail. Pour le prochain vidéo clip, Equal Parts Hope And Dread, nous avons refait appel à Pooya Abbasian, un Iranien d'origine arménienne qui avait déjà travaillé avec nous pour Global Lows sur le titre Nature Regulate. C'est un spécialiste de l'animation et il a vraiment beaucoup de talent. Nous avons donc choisi deux réalisateurs avec qui nous avions déjà travaillé car ils démontrent une envie qui est au moins égale à la nôtre et c'est quelque chose d'important pour nous.

Il y a pas mal d'atmosphères changeantes dans ce troisième album, notamment sur un très beau titre comme Lost It et le suivant, l'instrumental Lake's Demand For An Interlude. Ce sont deux titres qui pourraient trouver leur place dans un film de John Hilcoat comme The Road, par exemple. D'où vient l'inspiration dans BirdPen ? Est-elle influencée par vos travaux avec Archive, et inversement ? Où arrivez-vous à séparer et être exclusifs avec tous vos side-projects ?

Dave Pen : D'un point de vue rédactionnel, je pense pouvoir classer les dossiers par groupe. Je sépare généralement mes influences et mes idées d'un groupe à l'autre. Quand j'écris pour Archive, je le fais avec Darius et Danny et nous avons un angle de vue différent d'avec BirdPen ou We Are Bodies. On discute de concepts et d'idées bien arrêtées et nous voyons tout de suite la mise en musique avec Archive. Idem avec Robin Foster pour We Are Bodies. Nous avons un univers et des limites qui nous appartiennent. Avec BirdPen, c'est différent. Nous sommes complètement libres et nous n'avons pas de frontières ou de limites à nos influences. Je ne crois pas qu'il existe une seule chanson que j'ai pu écrire pour tel ou tel groupe et qui un jour m'est revenu à l'esprit en me disant : J'aurais aimé écrire ce tire pour BirdPen. Ou, au contraire, penser : J'aurais aimé écrire ce titre pour Archive plutôt que pour BirdPen.

Quelle est l'actualité des concerts à venir pour Birdpen ? Qui sera sur scène avec vous ?

Dave Pen : Nous sommes en train d'étudier cela... Sûrement pour la fin de l'automne prochain. Mickey, moi-même, Mike Breach et Tom Slade qui a joué avec Gary Numan ou Fields Of The Nephilim; cela fait déjà plusieurs années que nous jouons tous ensemble. J'adorerai ajouter un cinquième membre au clavier, mais j'ai peur que nous ne puissions pas nous payer ce luxe ! Les autres sont assez peu chers, donc ça va (rires).

Si je ne me trompe pas, Smiley (batteur d'Archive) a joué avec vous par le passé ?

Dave Pen : Absolument. Il a même joué sur cet album. C'est le batteur dont nous te parlions chez qui nous avons enregistré les parties rythmiques. C'est peut-être le plus grand batteur d'Europe aujourd'hui et il est tellement agréable que travailler avec lui est un vrai plaisir. Et il adore jouer avec nous... Tout ce qu'il nous a demandé comme rémunération pour jouer sur In The Company Of Imaginary Friends c'est une coupe de cheveux pour sa fille et un lunch. 50 quids, en tout (rires) ! Nous n'avions pas d'argent pour le payer, mais tout ce qu'il voulait c'était faire partie du projet. C'est une des grandes chances que nous avons à pouvoir travailler avec autant de personnes talentueuses et si gentilles dans nos différents groupes.

Je ne crois pas qu'il y ait ou qu'il n'y ait jamais eu de jalousie ou autres sentiments négatifs entre nous tous.

Il est rare de voir autant de connivence entre membres de différents groupes, même reliés entre eux. Comment expliquez vous cette cohésion ?

Mike Bird : Je ne crois pas qu'il y ait ou qu'il n'y ait jamais eu de jalousie ou autres sentiments négatifs entre nous tous.
Dave Pen : Peut-être parce qu'aucun des projets en question n'est forcé et personne n'essaie de phagocyter les membres qui y participent. C'est un peu une grande famille, recomposée parfois, dans laquelle tu peux aller selon les jours et tu y seras toujours accueilli avec bienveillance.

Il y a un titre qui se nomme No Place Like Drones sur votre nouvel album. Quel est le sens de ce titre ? Faites-vous référence aux situations un peu tendues que nous avons vécues à Paris ou ailleurs avec ces drones dernièrement ?

Dave Pen : Il y a un rapport avec toutes ces actualités « civiles » qu'on a pu lire ou voir sur Internet, dernièrement. Mais, je tenais surtout à parler des applications militaires et de cette nouvelle manière de faire la guerre qui est en train de s'installer.

Dave, tu as également sorti un disque avec ton ami Robin Foster et votre nouveau side-project, We Are Bodies. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce projet ?

Dave Pen : Robin et moi-même avions déjà travaillé sur son deuxième album solo, Where Do We Go From Here. Nous avions alors écrit cinq titres ensemble. Nous avions également composé le titre principal de la B.O du film Metro Manilla, Life And Death. Après cela, Robin et moi avions encore du matériel à exploiter et il a beaucoup travaillé pour que nous aboutissions à ce projet commun. Bien sûr, mon emploi du temps ne me permettait pas d'être très présent dans ce projet également et il a travaillé seul au mixage, à la production, pendant que je venais le plus souvent possible poser des voix ou écrire de la musique avec lui. C'est un album simple, direct avec tout l'apport du talent d'auteur de Robin Foster. Il est un peu fou, il faut le dire ! C'est un autre projet auquel je suis heureux d'avoir pu participer. Après l'album d'Archive en janvier et celui de BirdPen en mai, voilà une année très heureuse pour moi, créativement parlant. Nous en sommes encore à étudier comment monter le groupe et annoncer quelques dates car cela nécessite, comme toujours, pas mal d'argent... Construire une petite réputation autour de BirdPen nous a pris des années avec Mike. Surtout sans approche et succès commerciaux. Pour l'instant, We Are Bodies est plus un projet studio que live. Et si nous arrivons à monter quelques shows, nous serons très sélectifs et regardants sur les lieux et le concept.


Dans tout cela, quand trouvez-vous le temps de prendre quelques vacances ?

Dave Pen : (rires) Ma femme n'attend que ça... Ce sera sûrement pour juin. Nous avons eu une petite semaine de break l'année dernière, ce qui était très appréciable. Last minute.com (rires) !

Qu'est ce qui vous a donné l'envie, au départ, de faire de la musique votre carrière ?

Mike Bird : Ma mère était une très grande fan des Beatles et j'ai grandi dans cet univers musical. Quand j'ai attrapé une guitare pour la première fois, je me suis aperçu que c'était ce qui pouvait m'arriver de mieux et j'ai donc travaillé dur pour arriver à maîtriser cet instrument. Je crois que j'ai démarré en essayant d'imiter les guitares des Beatles et, à force de faire des erreurs, j'ai appris. Je devais avoir quatorze ans...
Dave Pen : Je n'ai jamais fréquenté d'école de musique ou de cours. Mais j'ai également grandi dans une famille fan de musique, notamment mon père qui était un vrai amateur possédant des centaines de vinyles. Mon frère quant à lui était un vrai fan de dance et house music. J'ai quitté l'école assez tôt car ma première idée était de devenir un skate border professionnel. Ensuite, je me suis mis à jouer au football et, dans mon monde rempli de rêves, je me voyais déjà footballeur professionnel. C'est après tout cela que je me suis mis dans la musique, en écoutant du grunge surtout. Quand la Britpop est arrivée, je me suis mis à beaucoup sortir et faire la fête dans les concerts. Tous ces nouveaux groupes semblaient être composés de potes, comme les miens, et passaient à Top Of The Pops. Tout le monde semblait potentiellement en capacité de monter un groupe et d'avoir du succès. Et à Southampton, qui est une ville assez triste à la base, il est facile de finir par connaître tous les musiciens locaux. Je me souviens de bagarres entre groupes rivaux à la sortie des clubs...
Mike Bird : A Southampton, il y avait beaucoup de groupes de musique, mais pas de scène musicale connue ou reconnue comme à Bristol ou Manchester. Les styles étaient très décousus, mais c'est ce qui faisait le charme de la scène musicale locale.
Dave Pen : Nous sommes toujours en contact avec des potes qui avaient des groupes là-bas à l'époque, et maintenant que Mike et moi avons un peu de succès, ils n'ont aucune animosité envers nous, au contraire. Ils viennent toujours nous voir en concert et suivent notre actualité. Certains étaient sûrement meilleurs musiciens que moi, à l'époque, mais la chance nous a souri, à nous.

Quand vous êtes sur scène, que ce soit avec Archive ou BirdPen, vous êtes très concentrés voire absorbés par ce que vous faites. Vous pensez à quoi dans ces moments-là ?

Dave Pen : Au prochain accord (rires) ! Tous les groupes dans lesquels nous avons joué ou dans lesquels nous jouons sont l'expression de ressentis que nous ne pouvons pas exprimer dans la vie. C'est vrai que nous sommes souvent plongés la tête quelque part dans un espace qui peut paraître froid et sombre, mais à aucun moment nous n'avons prétendu vouloir jouer une musique faite pour faire rire, et les gens avec qui travaillons sont des gens plutôt sérieux. Pour l'anecdote, le premier groupe dans lequel j'ai joué, le batteur est mort d'un accident très jeune, et dès nos débuts, nous avons choisi une voie assez grave. Nous gardons le coté léger pour nos sorties entre amis, que ce soit avec Archive ou les autres side-projects. Nous avons évolué entourés de groupes sérieux comme Spiritualized ou The Verve qui sont des groupes lourds, graves et grands consommateurs de drogues (rires). Et pour canaliser ce genre d'énergie, tu ne peux qu'être sérieux et profond sur scène ; pas de place pour la plaisanterie ou à la marge. C'est ce que le public vient voir, de toute façon. Je ne pourrais pas interpréter des titres d'Archive ou de BirdPen en faisant des blagues sur scène. C'est parfois difficile d'entrer de plein pied dans cette énergie-là, mais une fois dedans, tu y es plongé pour de bon.

À ce jour, quel accueil votre pays d'origine, l'Angleterre, a réservé à la musique de BirdPen ? Sachant que pour Archive, par exemple, l'Angleterre est un des seuls pays européen à rester hermétique à leur musique...

Dave Pen : Nous avons eu quelques bonnes reviews dans de bons magazines jusque-là. Pour la première fois, il semble qu'un intérêt soit naissant dans certains médias spécialisés anglais. Mais nous faisons attention à ne pas trop nous focaliser sur les critiques des médias, car quand tu lis des choses pas très bonnes à ton encontre, c'est assez déstabilisant. Nous sommes heureux de faire ce que nous faisons ; si la presse s'en réjouit, tant mieux. Sinon, tant pis.

Imaginons que je ne vous connaisse pas et que nos lecteurs ne vous connaissent pas, non plus. Comment vous décririez-vous l'un et l'autre ?

Dave Pen : Il est Bird, je suis Pen (rires).